Créée en 2018, la société Omniscient propose un service intégral de suivi d’équipements destiné au BTP, allant du conseil en télécommunication jusqu’au tableau de bord numérique. Outre la gestion des parcs matériels, son champ d’action englobe aussi l’analyse du rythme des chantiers.

En ce début de décennie, l’industrie des matériels de construction se passionne pour la télématique. Personne ne veut rater le décollage de ces technologies, préalable indispensable à l’émergence des doubles numériques. Les chantiers devront encore attendre quelques années leurs tours de contrôle, mais il s’agit de devenir incontournable avant que le virage ne soit trop entamé.

Dans ce contexte, la société Omniscient semble arriver à point nommé. Le 3 mars dernier, elle a rendu public un de ses grands projets : munir de systèmes de suivi en temps réel 20 000 équipements appartenant à Bouygues Construction Matériel. La référence mérite d’autant plus d’être signalé qu’Omniscient existe depuis trois ans.

Si la jeune entreprise courre vite, c’est en partie grâce à de solides appuis. Sa création résulte du programme d’entrepreneuriat interne New Value lancée par Bouygues Construction en 2017.

Trop généraliste

Par ailleurs, Nicolas Lemaire, son président-directeur général, connait bien les difficultés liées à l’administration d’un parc de matériels. Avant de s’engager dans cette nouvelle aventure, il a travaillé pendant neuf ans chez Axione, entreprise œuvrant dans l’installation et l’exploitation de réseaux télécoms. « J’ai constaté qu’il y avait pas mal de soucis liés avec les équipements : à qui étaient-ils distribués ? Etaient-ils rendus à temps ? Etaient-ils bien utilisés ? » Il est convaincu qu’une offre tenant compte de ces contraintes peut s’imposer. « Il existe de nombreux technologies relevant de l’IoT (internet of things – NDR) , à tel point qu’il est difficile de s’y retrouver. Par ailleurs, les plates-formes numériques sont en général la propriété de fabricants de capteurs. Elles sont souvent transverses à plusieurs secteurs. Il manquait de technologies destinées à la construction. Nous avons donc conçu une plate-forme à partir des besoins du BTP. »

Un prototype de logiciel a vu le jour en mi-2018 suivi par une première version définitive en 2019. Cette application, baptisé My Omniscient, compile divers indicateurs, entre autres la location et les statistiques d’utilisation d’un équipement. Toutefois, ce tableau de bord numérique n’est pas livré seul. La société a opté pour une prestation complète. Son équipe réalise tout d’abord un diagnostic complet du client, fournit les émetteurs nécessaires, assiste les responsables de parc au démarrage. Elle peut même aller jusqu’à la pose des boîtiers. Ces derniers sont achetés par l’entreprise de BTP. Quant à l’accès au portail, il fait l’objet d’un abonnement.

Pas d’orthodoxie

L’une des particularités d’Omniscient réside dans sa capacité à sélectionner les protocoles de communication les plus adaptés à la situation. La localisation d’un engin peut s’opérer par GPS, mais aussi par Wi-Fi ou Bluetooth Low Energy, moins énergivores, si des points d’entrée sont disponibles à proximité du site. Dans les tunnels ou les espaces intérieurs, l’entreprise recours à des réseaux maillés Wi-Fi ou Bluetooth Low-Energy. Les balises posées sur les matériels intègrent en outre un accéléromètre qui repère les mouvements. « À partir de ce capteur, nous pouvons calculer le taux de déploiements et les kilomètres parcourus », explique le PDG. La société peut aussi récupérer et transmettre les données générées par les systèmes embarqués d’un engin.

Les données générés par le boitier peuvent être communiquer à la plate-forme web au moyen des réseaux bas débit Lorawan ou Sigfox, peu consommateurs, ou du GSM, plus gourmand mais à la couverture plus vaste. Un système fixé sur une machine peut aussi servir de relais aux signaux Bluetooth à proximité. « Il peut ainsi répertorier les accessoires dans son environnement, précise Nicolas Lemaire. On peut imaginer une bulle de géolocalisation autour d’une pelle qui détecterait les godets. » Quelle que soit les canaux employés, My Omniscient traite ces différents signaux en vue de fournir des informations utiles à l’exploitant.

Du parc au chantier

Pour le moment, les services proposés par Omniscient ont trouvé deux débouchés. En premier lieu, le suivi de parc, et pas seulement avec Bouygues Construction Matériel. Elle travaille aussi avec des entreprises de taille plus modestes. Celles-ci se décident plus vite que les grands groupes. « Ces entités possèdent entre 50 et 100 éléments à suivre. C’est suffisant pour créer de la complexité, observe Nicolas Lemaire. Les sociétés de BTP souhaitent suivre leurs machines de production et les outils coûteux que les équipes se partagent. Les loueurs sont intéressés par le taux de rotation du matériel, sa distribution et sa localisation afin de pouvoir intervenir rapidement en cas de panne. »

Seconde application, Omniscient est aussi en mesure de contrôler le bon avancement des travaux. Elle a déjà pu ausculter des opérations de préfabrication ou l’alimentation d’un tunnelier. « Le planning des grands projets est souvent établi en fonction des expériences passées. Il n’y a pas toujours de contrôle en temps réel. Nous apportons un moyen de vérifier si le chantier tourne selon le rythme prévu. »

Les études préliminaires au suivi sont alors menées avec les services chargés des méthodes. Elles consistent à identifier les engins cruciaux pour la production, par exemple les camions de matériaux pour la préfabrication ou les trains sur roues pour le tunnelier, et à dresser leur profil de fonctionnement.

Le traitement des données requiert alors quelques filtres supplémentaires : la carte numérique du site est découpée en zone. Les déplacements habituels des machines sont enregistrés, ce qui donne ensuite la possibilité d’identifier des arrêts sortant de l’ordinaire. Le chef de chantier peut ainsi être prévenu. « Mais cela ne nécessite de développement complexe. En quinze jours, nous pouvons être opérationnels sur un chantier », remarque le PDG.

Objectif monde

Autre atout, la jeune entreprise est déjà sortie de l’Hexagone. Elle a notamment participé à la construction d’une tour de 50 étages à Singapour. « C’était une manière de montrer que nous pouvions le faire. Nous avons la volonté d’accompagner des acteurs français dans leurs projets à l’étranger. L’IoT et la construction sont deux domaines où l’expertise de la France est reconnue dans le monde entier. Cela simplifie les projets à l’export. »

Même si les réseaux donnent parfois du fil à retordre. « La difficulté varie selon les sites. Ils sont parfois très isolés. Par ailleurs, chaque pays a ses particularités en matière de protocoles. Il y a un peu de travail en amont. Peut-être qu’à l’avenir nous conclurons des partenariats avec des entreprises locales. Cependant, ces barrières se lèvent progressivement. Les technologies sont de plus en plus ouvertes sur le monde. » D’autres projets sont prévus en Hong-Kong, en Australie et au Royaume-Unis.

En parallèle de cette stratégie internationale, Omniscient réfléchie à l’ajout de nouvelles fonctionnalités à son application, tel que la localisation en temps réel des compagnons dans les tunnels. Elle n’exclue pas de nouer des accords avec les industriels de la filière en vue de faciliter la remontée de données. « Notre priorité est de montrer aux donneurs d’ordre l’intérêt de notre technologie, indique Nicolas Lemaire. Par la suite, nous pourrions nouer des partenariats avec plusieurs constructeurs, mais nous resterons une plate-forme ouverte. » A plus long terme, la société envisage des échanges d’informations avec les maquettes numériques.

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