
Responsabilité Sociétale des Entreprises : le nouveau modèle de développement des loueurs ?
Formalisée à partir des années 2010, la démarche RSE tend à associer des mesures sociales et sociétales, réduction des impacts environnementaux et démarche économique. Dans le domaine de la location, la mise en œuvre d'une politique RSE répond à différents objectifs et enjeux. Elle commande de définir une vision stratégique afin de la mettre en œuvre. Les deux entreprises ont donc pris des engagements forts vis-à-vis de leurs collaborateurs, de leurs clients, de leurs fournisseurs et partenaires ainsi que par rapport aux différentes parties prenantes de leur écosystème.
Préoccupation sociale
Comme le rappelle Gérard Déprez, « dès l’origine du groupe, les questions de formation du personnel et d’économies d’énergie étaient prises en considération dans nos activités, en l’absence de formulation de la RSE. Formellement, les choses ont changé dans la manière d’appréhender la démarche, de la nommer et de mettre en place la stratégie au sein du groupe. Il ne s’agissait pas de faire les choses de façon plus vertueuse mais de prendre des engagements de résultats pour améliorer la performance ». C’est ainsi que les loueurs se sont fixés de nouveaux engagements, avec la notion de résultats. « La démarche doit être parfaitement organisée au sein de l’entreprise. Avant de mettre en place un plan d’action et de communication, nous avons commencé par une enquête de matérialité auprès de notre personnel et des tierces parties mais aussi auprès des fournisseurs afin d’identifier les champs de travail importants à prendre en compte et de définir les objectifs associés, indique Gérard Déprez. Après un travail d’audit, un plan d'action a été décidé et des objectifs ont été fixés. » Même si les objectifs sont extra-financiers, le souci de la performance économique de l’entreprise demeure. Après avoir démarré par la France, au plus près de la direction générale du groupe, la démarche a été étendue à l’ensemble des filiales à l’international, certaines pouvant être également très avancées, voire en avance, sur le sujet. La création d’une communauté d’intérêts avec des objectifs partagés est nécessaire. Comme le dit Gérard Déprez, « les objectifs sont communs, comme la prévention des accidents ou les économies d’énergie, mais la manière dont la RSE est mise en œuvre doit être adaptée aux contextes de chaque pays. En l’absence de protection sociale au Brésil, c’est l’entreprise qui s’en occupe pour ses salariés et qui apporte sa contribution à la lutte contre le travail des enfants ».
Le premier bilan carbone remonte à 2011 et la formalisation de la RSE en 2012 chez Kiloutou, qui a choisi de créer son propre référentiel afin de se doter d’un cadre adapté à son activité. « Le besoin était latent. Cela répondait à des demandes grandissantes de nos clients et fournisseurs mais aussi de nos collaborateurs qui nous interrogeaient de plus en plus sur le sujet, explique Olivier Colleau. Nous avons souhaité nous doter d’une approche plus structurée tout en restant pragmatique, donc très pratique. » Pour cela, le loueur a défini son propre référentiel en s’appuyant sur celui de l’ISO 26 000 et en adhérant au Global Compact des Nations Unies en 2013. Une quarantaine d’indicateurs ont été retenus pour être déployés au plus près du terrain, d’abord en France. Parmi ces indicateurs, le taux de féminisation, le turnover, le taux de promotion interne, mais aussi des indicateurs de sécurité, environnementaux, économique, de consommation et de service client. Parallèlement, un comité de labellisation a été créé, qui réunit une dizaine de participants internes et externes (clients, fournisseurs, entreprises d’insertion, organismes de formation…). Sa mission : valider le référentiel et associer mes membres à la démarche afin d'entériner les actions conduites. Par effet miroir, ce comité de labellisation mesure la pertinence de ces indicateurs et propose de les faire évoluer, voire d’en remplacer certains. Comme le mentionne Olivier Colleau, « cela permet de garder le cap et de rester pertinent dans les critères retenus ».
Les deux dirigeants en conviennent. Si l’initiative vient du sommet de l’entreprise, ce sont tous les collaborateurs qui la relaient et la font vivre au quotidien. « Le dirigeant impulse et crée les conditions mais le changement a vraiment lieu quand l’ensemble des équipes s’approprie la RSE, un sujet extrêmement porteur et qui résonne chez tout le monde en 2022 », observe Olivier Colleau. La crise sanitaire nécessitant tout à la fois de protéger, d’accompagner et d’informer l’ensemble des collaborateurs, la période a marqué le retour en force des questions environnementales. Autre enseignement commun, la démarche RSE valorise la marque employeur du loueur. Un acquis dans un secteur qui peine à recruter pour des entreprises de plus en plus questionnées par les postulants sur leurs engagements.
Dimension environnementale
La réduction de l’empreinte carbone et les acquisitions de matériels qui en découlent sont des enjeux qui fédèrent en interne, valeurs et d’objectifs communs. Le sujet est central au sein des entreprises de location. « La première vertu du métier de location est de s’inscrire dans l’économie du partage, rappelle Gérard Déprez. Grâce à un taux d’utilisation supérieur, l’impact du matériel en matière d’émission de gaz à effet de serre est réduit. 94 % des émissions de ce matériel sont liés à son utilisation. Seulement 6 % des émissions résultent de l’activité du groupe lui-même, sur lesquels des objectifs élevés ont été fixés. » En travaillant sur son parc, le loueur contribue directement à diminuer les Scopes 1 et 2 de ses clients. « Lorsqu’un matériel existe en version électrique, nous supprimons la version thermique de nos achats, assure Gérard Déprez. En procédant ainsi, nous forçons le destin et embarquons nos clients ainsi que nos fournisseurs dans une démarche assez volontaire. »
Kiloutou aussi flèche ses investissements vers les motorisations alternatives au diesel. « 90 % des investissements de nos matériels motorisés sont désormais dotés d’une solution électrique, bi-énergie, hybride, Stage V. Un travail de longue haleine qui commande de disposer de toutes les solutions de substitution et qui exige une bonne appropriation par les équipes sur le terrain, complète Olivier Cokleau. Dans les deux cas, cette offre bénéficie d’une dénomination spécifique afin d’être mieux matérialisée par les équipes et plus facilement appréhendée par les clients. »
Le message des deux loueurs est clair : les solutions existent ! Une comptabilité carbone permettrait-elle d’accélérer la transition ? Un tel instrument, qui reste à créer, constitue un enjeu de filière. Chez Kiloutou, on est convaincu qu’une comptabilité carbone va aider les entreprises qui doivent répondre à des appels d’offres intégrant des critères environnementaux. Si la conversion des parcs se fera sans incitation fiscale, elle pourrait être accélérée grâce à des mesures incitatives permettant d’abaisser le coût d’achat de certains matériels. Déjà, des prêts bonifiés sont proposés, notamment par l’UE. Comme le rappelle Gérard Déprez, « le prix de ces machines est le double alors que le client ne paie pas plus ou que très faiblement plus cher le matériel loué et qu’il en a le bénéfice énergétique. Si des subventions pouvant aider à la transformation du parc existaient, nous serions évidemment preneurs ». En tant que filière, et même si, à l’échelle industrielle, cela reste un petit secteur, Olivier Colleau se montre encore plus volontariste et entend être force de proposition. « Dans le domaine automobile, l’incitation fiscale a contribué à accélérer l’adoption de véhicules électriques, relève Olivier Colleau. Un matériel hybride ou électrique est plus cher à l’achat. Il sera donc plus cher à louer. Ce qui le rendra moins cher, c’est qu’il soit produit en plus grande quantité. C’est le devoir des pouvoirs publics que d’aider à cette transition en donnant cette impulsion. » Au-delà de la fédération professionnelle en France, Gérard Déprez propose une double initiative au niveau européen et national. « Il faut que la location soit considérée comme un facteur favorable au développement durable. En positionnant ainsi la location dans la bonne filière, la législation s’enchaînera. Il faut donc être dans la bonne filière. Il faut également que Bercy puisse entendre le message porté par notre syndicat professionnel et qui profitera à l’ensemble de l’économie française. »
Enjeux sociétaux
La RSE préfigure une nouvelle façon de travailler en répondant mieux aux attentes sociétales. Pour les deux dirigeants, elle concerne toutes les entreprises, indépendamment de leur taille et de leur positionnement. Les entreprises qui pourraient en être écartées sont celles dont le dirigeant ne réaliserait pas l’importance d’accompagner la démarche ou la considérerait comme un gadget. La mise en place d'une démarche RSE ne procure pas d'avantage concurrentiel. Elle constitue un levier performance pour les grands groupes comme pour les petites structures innovantes et agiles. Pour tous, il est essentiel de communiquer en interne comme en externe afin de valoriser les engagements pris. La RSE contribue à l'image de marque de l'entreprise et renforce sa notoriété au sein de son écosystème. Elle supose de repenser les relations avec son écosystème et d'intégrer les différentes parties prenantes à la vie de l'entreprise.
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