
Vue de loin une carrière à tout d’une usine, avec ses charpentes métalliques, ses machines invisibles et le mouvement perpétuel des convoyeurs remplis de roches. Mais pour ce qui est des méthodes, la carrière ne ressemble pas encore tout à fait aux autres manufactures du XXIe siècle. Elle s’en rapproche, petit à petit. L’à-peu-près encore accepté dans les années 2000 est en voie de disparition. Ce mouvement vers une activité plus contrôlée s’est accéléré avec la crise économique de 2008. Les grandes entreprises consommatrices de granulats se sont alors engagées dans une stratégie d’intégration complète de leur chaîne de production. Elles ont racheté un certain nombre de carrières indépendantes, apportant une nouvelle vision du métier, plus attentive au retour sur investissement et à la corrélation entre les quantités produites et vendues. « Nos installations sont en train de devenir des usines de production, indique Hervé Guillemin, directeur projets & industrie de Vicat. L’objectif aujourd’hui est d’intégrer des boucles qui régulent la production en fonction de la vente. Nous commençons à travailler sur ce sujet. Cela implique de concevoir des installations qui peuvent accueillir plus de
capteurs. »
Par ailleurs, avec ces groupes nationaux, le territoire de vente de chaque carrière devient plus vaste. Ce qui peut amener des sites à se spécialiser. Au lieu de fournir de tout pour satisfaire la demande régionale, une exploitation ne sortira plus qu’un ou deux types de matériaux, en fonction de la stratégie définie par le fabricant de béton ou la société de travaux publics. « Si un matériau manque à proximité, on pense qu’il viendra d’ailleurs, précise Hervé Guillemin. Mais le calcul reste compliqué. Le coût du transport n’est pas négligeable, d’autant plus si des taxes se mettent en place. »
Pas de règles
Un retour sur investissement devenu crucial et un ancrage dans un réseau plus complexe, voilà deux motivations pour écarter toutes approximations. Pour autant, pas de quoi provoquer une vague de commande d’installations neuves. Les exploitants doivent composer avec leur patrimoine. Un atelier fixe de ciblage et de concassage dure au moins 25 ans. Et il tournera jusqu’au bout, question de budget. Les projets de rénovation ou de changement complet se font au cas par cas, sans qu’une règle générale puisse se dégager. « Aucune installation n’est identique. Chacune est adaptée à un gisement et à un marché. Il n’y a pas de tendance », observe le directeur.
Il n’y a pas de tendance, si ce n’est l’exigence qui est à son plus haut. Plus rien n’est laissé au hasard. « Ce n’est plus seulement l’efficacité de la machine qui prête à la discussion. C’est tout son environnement : les automatismes, le bruit, la poussière, les pannes », note Gabriel Behr, directeur commercial de Thyssenkrupp Industrial Solutions France. « Les clients sont très attentifs aux coûts d’exploitation, notamment sur les pièces d’usures. Ils tiennent compte du moyen et du long terme. En outre, La panne est devenu un phénomène exceptionnel. La maintenance est devenue préventive, avec des horaires planifiés », ajoute Yannick Grivart, ingénieur commercial de la société. Les exploitants ne sont pas les seuls responsables. Les normes internationales et européennes pour les machines et les charpentes sont plus contraignantes. Les nuisances ne sont plus tolérées. « Le traitement des poussières est un point qu’on ne peut plus laisser de côté, pour la santé du personnel et pour les riverains, explique Frédéric Bazire, chargé d’affaires d’AMC Matériels. Ce n’est pas neutre dans le coût final. Il faut aussi le prévoir dès le départ. Il est plus difficile d’ajouter ces éléments après coup. » La croissance des études et des équipements auxiliaires se reflètent dans la répartition du budget : « Auparavant, les concasseurs et les cribles représentaient environ 30 % du coût de l’installation. Aujourd’hui, c’est entre 10 et 15 % », constate Hervé Guillemin.
Durant cette période, la technique n’a pas connu de révolution. Les constructeurs ont néanmoins modifié des composants afin d’obtenir des machines plus efficaces. Les alliages des percuteurs destinés aux concasseurs à percussion se sont diversifiés : les aciers martensitiques et les inclusions en céramique sont venus supplanter les aciers au manganèse. « La durée de vie a doublé, souligne Yannick Grivart. Les fondeurs ont aussi progressé dans la reproductibilité. L’usure est donc plus prévisible. » Avec son programme Optiagg, Sandvik Mining & Construction va jusqu’à proposer aux exploitants de modéliser la chambre de concassage afin que la forme corresponde au mieux à leurs objectifs de production. Dans le domaine des cribles, le fabricant suédois commercialise de nouvelles toiles de crible en caoutchouc, à l’image du modèle WX6500. Il promet une durée de vie dix fois supérieure à une toile métallique, tout en étant plus facile à poser et moins bruyante en mouvement. Le groupe et son concurrent Metso : Outotec ont aussi sorti de nouvelles gammes de cribles avec des espaces élargies entre les étages pour simplifier la maintenance, conformémant aux recommandations de la norme EN 1009-4, dont la dernière version a été publiée en juillet dernier.
Services complets
Au-delà de ces perfectionnements, les principaux industriels du secteur ont dû chercher des moyens de se distinguer en matière de conception et de réalisation d’installations. Car, depuis 2008, la concurrence s’est faite plus rude. Des ensembliers sont venus chassés sur ce terrain, quand ce n’était pas les exploitants eux-mêmes qui décidaient de se passer de leurs services. « Nous sommes devenus plus flexibles, remarque Bruno Peix, vice-président systèmes de la division aggregates equipement de Metso : Outotec France. Il y a une dizaine d’années, nous avions plutôt l’habitude de fournir l’intégralité de l’installation. Aujourd’hui nous ajustons notre fourniture aux besoins des clients, dont certains ont la capacité de prendre le contrôle de lots. Cependant, la gestion des interfaces dans la construction d’une installation avec de multiples fournisseurs se révèle souvent compliquée. Or, la gestion des interfaces, la gestion de projets, la gestion des risques, c’est notre métier. »
Le principal argument de Metso : Outotec et Sandvik Mining & Construction consistent en des garanties contractuelles portant sur le fonctionnement de l’installation. « Ce secteur compte beaucoup d’acteurs locaux, mais ils ne sont pas tous fournisseurs de machines. Nous sommes en mesure de garantir les performances d’un projet. Et nous ne quittons pas un site sans remplir nos engagements », affirme Bruno Peix. Éric Liberda, support vente de Sandvik Plant Solutions Europe-Afrique de l’Ouest, tient un discours similaire : « Nous nous différencions des intégrateurs par notre capacité à nous engager sur des performances. Par une analyse rigoureuse du matériau et nos historiques de production, nous pouvons garantir un niveau de production. Les dernières installations réalisées avec cette méthode affichent des résultats qui concordent avec nos prévisions. » « La mise en route des installations est beaucoup plus rapide que par le passé », appuie Pascal Nicol, directeur commercial France « concassage-criblage » de Sandvik Mining & Construction France. Les principaux fournisseurs ont également mis en place des contrats de suivi débouchant sur des extensions de garantie, une manière de rester au plus près des clients volages.
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