Fini le temps où les infrastructures étaient construites sans tenir compte du voisinage. Il s’agit désormais de limiter au mieux les nuisances pour le milieu environnant. Ce nouveau raisonnement incite parfois des maîtres d’ouvrage à remplacer des constructions trop néfastes. Non sans difficulté. Tenir compte des êtres vivants alentours revient à ajouter de nombreuses variables à l’équation initiale.
À Francheville, dans la banlieue de Lyon, c’est un croisement de réseau d’assainissement qui pose problème. Il crée un seuil de 6 m dans le cours de l’Yzeron, une rivière qui traverse la commune. « Un vrai verrou pour la remontée des poissons », observe Vincent Chaize, conducteur de travaux de la société Rampa Travaux publiques. Avec ses collègues chefs de chantier, David Da Silva aux canalisations, Pascal Messaoudi au génie civil et Guillaume Arnault à l’enrochement, il est chargé d’une série de travaux qui ouvriront la route à la faune aquatique.
Dernière barrière
Durant le printemps 2020, l’entreprise a répondu à un appel d’offres du Syndicat mixte d’aménagement de gestion de l’Yzeron, du Ratier et du Charbonnières (Sagyrc) et du Grand Lyon Métropole. Depuis une quinzaine d’années, le Syndicat tâche de libérer les cours d’eau du bassin versant de l’Yzeron. Son initiative a donné lieu à une trentaine de chantiers, des suppressions ou des aménagements de seuil. Il ne lui reste qu’un seul obstacle : le croisement de Francheville, appelé aussi le seuil de Taffignon.
Malgré le premier confinement, les maîtres d’ouvrage ont amorcé la procédure. Ils risquaient de perdre une année. La réglementation autorise les travaux dans les cours d’eau seulement entre le 1er mai et le 30 septembre. « Nous étions intéressés car ce projet regroupe nos trois principaux métiers : les canalisations, le génie civil et les travaux en rivière avec de l’enrochement », explique Vincent Chaize. Rampa TP s’est vu notifié le marché le 1er juillet 2020, pour un montant de 1,5 million d’euros.
Le choix du siphon
Pour remplacer l’ouvrage existant, les pouvoirs publics et le maître d’œuvre, Setec Hydratec, ont étudié deux procédés : une canalisation aérienne ou un siphon souterrain. La première hypothèse a été écartée. En cas de crue, la canalisation risquait d’être emportée.
Le siphon retenu se compose d’une chambre aval (3 × 3 × 7,5 m) reliée par deux canalisations en PRV de diamètre 1 000 mm à une chambre amont (3,5 × 6 × 7 m). Les tuyaux passent 7 m sous le fils de l’Yzeron. Le chantier a été divisé en deux phases. L’installation du siphon en 2020. Puis la destruction du seuil et la construction d’une rampe piscicole à partir du printemps prochain.
Prêt à gruter
Le calendrier de la première tranche s’annonçait serrer. Autre difficulté, le site ne disposait d’aucun accès. Les équipes de Rampa TP ont dû créer une piste de 90 m de long avec une pente de 22 % pour y accéder. Dans ces conditions, la société a choisi de recourir à des éléments préfabriqués pour les deux chambres du siphon. « C’était un moyen de réduire les délais de construction et d’éviter les coulages de béton en milieu naturel », précise le conducteur de travaux.
L’entreprise de TP a confié la fabrication des deux ouvrages à la société Alkern. Les six morceaux qui composent la chambre aval ont été posés en septembre 2020 avec le concours d’une grue mobile d’une capacité de 150 t louée au groupe Mediaco. Par ailleurs, les compagnons ont utilisé deux pelles, Liebherr R 926 Compact et R 914 Compact, lors des opérations de terrassement et de génie civil.
En revanche, l’installation la chambre amont s’est révélée plus ardue. Ses sept modules ont descendu depuis un viaduc routier qui surplombe la rivière. Quelque 25 m de trajet avec des charges comprises entre 18 et 20 t. Cette tâche a nécessité une grue mobile de 350 t, un engin appartenant aussi à Mediaco. Le levage a été effectué durant la nuit du 14 au 15 octobre. « La réussite de ces deux grutages est le résultat d’une coopération entre notre entreprise, le grutier et la société de préfabrication. Les modules des chambres devaient être adaptés à ce mode de pose », souligne Vincent Chaize.
Reproduire la nature
Début janvier, le collecteur et les deux chambres sont prêts. L’enrochement, destiné à les protéger, est terminé. Il ne reste que les vannes et les batardeaux à poser. Le siphon devrait être mis en service en février prochain.
Quant à la seconde tranche de travaux, elle démarrera fin mai. Outre la destruction du seuil, les compagnons bâtiront une rampe piscicole de belle taille, 120 m de long avec une inclinaison de 4 %. Elle sera associée à une fosse d’appel afin que les poissons puissent se reposer lors de la remontée du cours d’eau. Pour Vincent Chaize, ces constructions font plutôt appel à un savoir-faire artisanal qu’à des techniques standardisées. « Cela ressemble à la création d’un terrain d’un terrain de golf. Le chef de chantier et l’opérateur décident des trajectoires. Il faut chercher à créer des formes naturelles en visualisant le trajet que va parcourir le cours d’eau. »
Fiche technique
Maîtrise d’ouvrage : Grand Lyon Métropole et Syndicat mixte d’aménagement de gestion de l’Yzeron, du Ratier et du Charbonnières
Maîtrise d’œuvre : Setec Hydratec
Entreprises : Rampa Travaux publics (mandataire), Greenstyle (cotraitant)
Fournisseur des chambres en béton préfabriquées : Alkern