
Philippe Cohet, président de DLR
Quelles sont vos priorités d’actions à la présidence de la fédération professionnelle ?
Mon arrivée à la présidence a été préparée en concertation avec mon prédécesseur, Bertrand Carret qui, en raison de la crise sanitaire et de l’annulation de notre congrès annuel, a bien voulu prolonger son mandat d’un an. Cela nous a permis de travailler ensemble et d’assurer la continuité de l’action de DLR. Nous avons donc décidé d’agir sur les trois thématiques qui sont au cœur des préoccupations de nos adhérents et aux premiers rangs desquelles figure la formation. Le problème de l’attractivité de nos métiers n’est pas nouveau et DLR travaille depuis longtemps avec l’Éducation Nationale pour faire évoluer les choses. Dans le nouvel OPCO, celui des métiers dits de proximité, nous observons une réelle volonté de nous aider en communiquant davantage. Nous saisirons donc l’organisation de la prochaine compétition mondiale Workskills qui se tiendra à Lyon en 2024 pour mettre les métiers de la maintenance des matériels dans la lumière.
La promotion de ces métiers ne passe-t-elle pas par une revalorisation des salaires ?
Nous avons un réel défi d’attractivité. La rémunération fait partie des points d’attention mais ne me semble pas déterminante. Avant toute chose, nos métiers sont mal connus du grand public. Je pense qu’il faut que l’on analyse précisément la question et que l’on s’intéresse à la gouvernance des ressources humaines et de l’environnement de travail dans nos entreprises. Nos sociétés sont avant tout des fournisseurs de service et ne sont rien sans les femmes et les hommes qui font nos entreprises. Nous sommes les « metteurs en scène » de matériels produits par les fabricants d’équipement et mis en œuvre par nos collaborateurs qui les préparent, les entretiennent et les réparent. En outre, les métiers de la maintenance de matériels de construction / manutention ont considérablement changé, avec l’arrivée de nouvelles technologies qui font que les besoins de recrutements évoluent aussi. Nous avons moins besoin de mécaniciens et plus d’électroniciens et d’informaticiens. La transformation numérique constitue une vraie opportunité pour améliorer l’image de marque de nos métiers. Il faut aussi favoriser l’apprentissage et l’alternance qui ne sont pas suffisamment développés.
Quelle est votre deuxième priorité d’action ?
Il s’agit du numérique, avec un projet d’envergure pour DLR : la dématérialisation de la relation documentaire client-fournisseur dans la location. Notre métier est très « transactionnel » et est de fait générateur d’énormément de commandes et de factures. Les clients comme les loueurs sont volontaires pour simplifier les choses. Déjà, un cahier des charges a été élaboré par la Commission Location de la fédération. Un projet de plateforme doit voir le jour cette année, permettant de fluidifier l’émission et le traitement de tous les documents associés à nos activités. Parallèlement, nous mettons en place un support pour les adhérents les moins avancés dans leur transformation numérique, soucieux de faire le bon choix pour leur entreprise.
Le dernier levier sur lequel vous allez agir ?
La transition énergétique et la décarbonation du chantier sont le troisième sujet qui va mobiliser les équipes de la fédération. La profession fait face à une évolution majeure qui place les loueurs comme les distributeurs dans une situation délicate. En effet, d’une part ils subissent la pression des entreprises de construction clientes qui veulent réduire l’empreinte carbone de leur chantier / site, et d’autre part doivent composer avec l’offre matériels que leur proposent leurs fournisseurs et qui reste encore embryonnaire. Or, force est de constater que les choses s’accélèrent, avec certains fournisseurs qui ont annoncé le basculement quasi-total de leur gamme vers des motorisations électriques.
La consolidation de la filière "matériel" autour de DLR a-t-elle vocation à se poursuivre ?
Notre volonté est de continuer à être une structure accueillante pour d’autres entités professionnelles, autour des matériels et des services associés. Historiquement, les récents rapprochements opérés ont été finalisés parce que les structures de notre fédération professionnelle et son organisation interne le permettaient, et aussi parce que nous avons su offrir des services de qualité. À l’heure de la simplification des structures socio-professionnelles voulue par le gouvernement et celle de la constitution de grandes fédérations, DLR ambitionne de se positionner comme le noyau central de la famille des métiers du matériel. En mutualisant les compétences dans le domaine social, juridique, économique, de la formation et aux secteurs connexes, tout en veillant à conserver les spécificités de chaque métier qui nous a rejoint, nous confortons la fédération dans son écosystème.
Comment qualifierez-vous l’environnement économique ?
Les métiers de DLR ont connu une année satisfaisante. L’activité s’inscrit en croissance. Au troisième trimestre 2021, le chiffre d’affaires de la Distribution progresse de 10,6 % et celui de la Location de 3,6 %. Cependant, quelques nuages à l’horizon pourraient compliquer les choses cette année. Qu’il s’agisse des prix, avec un environnement inflationniste auquel les matériels de chantier n’échappent pas, ou des délais de livraison, 2022 pourrait être plus compliquée alors que nous vivons depuis plusieurs années une érosion des prix de location. Avec des délais de livraisons qui s’allongent et une chaîne logistique encore perturbée, la disponibilité des matériels va être déterminante dans les prochains mois. Au regard du besoin de composants électroniques à l’échelle mondiale, il est vraisemblable que la pénurie se prolonge. La question de la main-d’œuvre ne doit pas être négligée. Tout cela laisse à penser que la filière sera au mieux en tension au premier semestre de l’année.
Les loueurs sont-ils mieux armés pour faire face à cette situation ?
Si les difficultés d’approvisionnement devaient se prolonger, la situation pourrait profiter aux loueurs. Certaines entreprises confrontées à des délais de livraison très longs pourraient se tourner vers la location par nécessité. Même si les loueurs auront eux aussi du mal à augmenter leur parc à court terme, ils peuvent toujours réformer moins de machines et ajuster ainsi leur flotte. Leur capacité d’adaptation leur permet de mieux gérer ces fluctuations d’offre et de demande. Les distributeurs seront vraisemblablement les plus impactés par l’allongement des délais de livraison.
Au-delà de ces difficultés conjoncturelles, quelles sont les perspectives d’activité pour les métiers DLR ?
Deux des principales fédérations clientes font état de perspectives positives en 2022. La FNTP table sur une croissance de 4 % et la FFB prévoit un marché tiré par la rénovation. Les indicateurs restent dans le vert en matière de volume de l’activité mais il ne faut pas négliger l’impact de l’augmentation des coûts, du manque de main-d’œuvre et de la disponibilité des matériels. Les perspectives marché sont structurellement favorables mais conjoncturellement perturbées. Il va donc falloir être particulièrement agile et attentif à l’évolution d’un environnement économique complexe.
La situation qui a prévalu avec la Covid 19 a-t-elle été profitable à la location ?
La location continue de progresser en France, même si elle n’a pas atteint la pénétration observée outre-Manche ou en Europe du Nord. La réalité économique doit y contribuer. Le recours à la location s’inscrit dans une tendance de fond qui est l’externalisation, ls fonctions n’étant pas dans le cœur de métier des entreprises. Un certain nombre d’exploitants continueront d’acheter des matériels mais la bascule de la possession vers la location me semble une tendance forte qui ne sera pas remise en cause. La location progressera en se professionnalisant toujours plus, et en particulier dans la formalisation de ses conditions générales. Plus le parcours client sera simple, plus l’entrepreneur reviendra chez son loueur. C’est la même chose pour la distribution. La location et la distribution ont en commun d’être des métiers de service et de proximité.
La menace des GAFAM existe-t-elle ?
Nous serions mal informés si l’on ignorait ce risque. Les métiers DLR sont aussi fortement irrigués par l’humain dans leurs différentes dimensions, de l’acte de vente au dépannage sur site. À date, il est difficile de voir apparaître un entrant parmi les géants d’internet. Pour autant, diverses initiatives émergent, qui tendent à mettre en place des plateformes de désintermédiation de la filière Matériel. Pour les matériels de commodité, c’est inéluctable. Il faut observer ce qui se fait dans d’autres secteurs comme l’automobile et les véhicules industriels pour anticiper ce qui pourrait advenir dans nos métiers.
Repères chiffrés : DLR
date de création 1965
70 % de représentativité
600 entreprises adhérentes
3 membres partenaires (ACIM, SPMDG, UFL).
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