« En termes de support technique, nous attendons du service, c’est-à-dire des pièces de rechange et des techniciens, avec toute la compétence et la connaissance des matériels que le distributeur commercialise. C’est basique, rappelle Thierry Robert, directeur matériel du groupe NGE. Une seconde demande pointe : la donnée. Nous entrons dans le monde de la data. En tant qu’utilisateur de matériels de chantiers, nous avons besoin de savoir, à tout moment, comment travaillent nos machines, à quelle tache elles sont dévolues. Cela est indispensable pour améliorer l’efficience du matériel mais aussi sa production. » Pour répondre à ces attentes, les distributeurs s’organisent. « Nous essayons d’allier la performance à l’efficacité, toute notre organisation reposant sur nos 55 techniciens itinérants, dotés de fourgon atelier équipés afin de leur permettre de travailler en autonomie complète, répond Frédéric Herman, directeur général chez Sami TP. Cette autonomie leur permet d’avoir la meilleure réactivité possible qui, je pense, est attendue par nos clients. Celle-ci permet d’éviter les déplacements inutiles, donc de limiter l’impact carbone de nos activités, coûteux pour nous comme pour nos clients, mais aussi de diminuer sensiblement l’accidentologie. » Si le capital humain est capital, le service pièces l’est tout autant. Grâce à un travail de localisation, Sami TP s’emploie à allouer le maximum de ses ressources techniques au parc matériel vivant. La gestion des pièces de rechange obéit à la même organisation afin d’en garantir une disponibilité optimale. Grâce à la technologie, la sacro-sainte règle des « 200 km ou 2 heures », qui a structuré les réseaux de distribution en France, a vécu. « Certains constructeurs se sont affranchis de cette doctrine en privilégiant la fiabilité du matériel, estime Jean-Louis Grimaldi, président d’Alliance Compacts. Cela nous pousse à nous organiser pour intervenir plus loin de nos bases et pose la question des conditions de circulation, quand la vitesse moyenne de déplacement est tombée à 50 km/h. » Un paramètre important qui conduit les techniciens itinérants à avoir une zone de « chalandise » réduite.
Proximité et compétence
Pour servir ses clients dans toutes leurs demandes, Comptoir de Matériel est structuré sur le plan technique par métiers. Deux chefs d’atelier, l’un dédié au bâtiment avec les marques Kubota, Merlo, Putzmeister, l’autre aux gammes lourdes, c’est-à-dire aux matériels, avec Bell, Bomag et Liebherr, coordonnent les actions. « Un troisième service, qui tend à s’étoffer avec plus de 10 techniciens, est réservé à la location et s’occupe du reconditionnement du parc locatif pour la revente, explique Xavier Peyrard, président de Comptoir de Matériel. Bientôt, un quatrième service s’occupera spécifiquement de l’outillage, le négoce étant très développé. Ce service sera dupliqué dans nos 30 agences de location. » Si la coopération entre les services et la polyvalence des hommes sont souhaitées, la notion de spécialisation par typologie de matériels est bien présente. À titre indicatif, quelque 400 mini-pelles Kubota ont été préparées pour le parc location. Avec des parcs en clientèle et en location importante, l’effet volume opère, le distributeur stockant des volumes importants de références (y compris des cabines). L’arrivée de nouvelles technologies moteur a mobilisé les réseaux pour des interventions de garantie. Bien qu’il s’agisse souvent de problème mineur, le technicien aura parcouru 200 ou 300 km, ce qui a un coût, les frais kilométriques n’étant pas payés. Les matériels ont gagné en fiabilité. Les problèmes d’électronique ont été résolus, les nouvelles technologies embarquées apportent leur lot de problèmes, aux premiers rangs desquels figure la régénération des moteurs Phases IV et V. La technologie, complexe, est éprouvée dans le domaine des véhicules industriels, dont l’utilisation est plus linéaire en puissance et en sollicitation. Elle s’avère plus problématique appliquée aux matériels de TP, avec des taux de charge moteur variables. Les distributeurs étant sollicités pour des interventions pointues, ils doivent allier proximité et hypercompétence. Intervenir sur certaines machines aujourd’hui exige de faire appel à un expert garant d’efficacité. Face à l’enjeu de motorisations de nouvelle génération, Comptoir de Matériel a fait le choix de créer une division spéciale, structurée autour de deux cartes (Kohler et Kubota). Le but : gagner en réactivité, s’affranchir des problèmes d’intervention et maîtriser les enjeux techniques. En outre, le distributeur rend service à ses clients et se rend service au travers de son parc locatif.
“Le métier tend vers la gestion de moyens de production.”
Connectivité
Komatsu s’est lancé depuis quelques années dans les systèmes de guidage et le suivi par satellite des machines. Une révolution pour son distributeur, ce virage nécessitant de disposer de nouvelles compétences. En interne, Sami TP, qui a adopté une approche sur la base du volontariat (les plus appétants aux nouvelles technologies bénéficiant de formations spécifiques) capitalise sur des embauches à minimum de Bac +2 et des accompagnements personnalisés, via la formation en alternance, vers des niveaux licence de maintenance des matériels de TP. Cette approche permet de disposer de compétences internes, réactives et dynamiques, à la hauteur des enjeux. Elle permet de développer de nouvelles compétences et contribue à rajeunir les effectifs. Un atout pour le déploiement d’outils téléportés tels que les tablettes comme pour l’introduction de nouvelles technologies apportées par la marque. Le pari fait au milieu des années 2000 de rajeunir les effectifs techniques s’est avéré gagnant, le distributeur disposant de techniciens mieux formés. Cela suppose de disposer de techniciens de la vieille école pour pouvoir, par exemple, procéder à un reconditionnement, mais aussi de geek capable de maîtriser les nouvelles technologies. Chez Alliance Compacts, les profils qui ont un savoir-être plus qu’un savoir-faire sont repérés. Les recrutements s’articulent autour de jeunes en alternance à qui ils apprennent le métier et de recrutement Bac +2 afin de disposer de techniciens à même de suivre les contrats de maintenance. À l’avenir, avec l’essor des matériels connectés, les distributeurs auront besoin de compétences techniques de très haut niveau, chargé des contrats de maintenance et à même d’accompagner la sophistication croissante des machines qui induit, de fait, une montée en gamme des compétences chez le distributeur. Des profils « experts » viendront soutenir les effectifs techniques et accompagner en avant-vente les commerciaux sur des enjeux de guidage et de connectivité et ainsi assurer une exploitation optimale des technologies embarquées dans les matériels. « Nous avons un rôle de formateur aux technologies innovantes qui équipent nos matériels, pense Frédéric Hermant. Le métier tend vers la gestion de moyens de production. Au-delà, la réflexion pousse à entrer dans le métier du client. » Pour Thierry Robert, la data est synonyme de réactivité et d’efficacité. Son exploitation permet d’intervenir de manière préventive sur les machines et d’en optimiser l’exploitation. À titre indicatif, un suivi des ralentis sur 500 matériels a permis d’économiser 150 000 l de carburant dès la première année, uniquement en sensibilisant les opérateurs sur le sujet pour réduire le taux de ralenti de quatre points. Dans un métier à faible marge, qui commande d’allouer de plus en plus de moyens au SAV, les distributeurs doivent monter dans la chaîne de la valeur afin d’assurer la pérennité de leur structure. La télématique est la clé de voûte de cette nouvelle approche d’un métier de service, dans lequel la création de la valeur se déplace.
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