
Compactage : la distance du futur
À mesure que le siècle avance, les travaux publics se retrouvent confrontés au problème de la pénibilité. Certes, les conditions de travail des compagnons ne cessent de s’améliorer, mais la pression croissante autour de la santé et de la sécurité laisse à penser que le mouvement ne s’arrêtera pas avant tant qu’il restera de potentiels progrès. Le compactage se trouve parmi les sujets de préoccupation. Bien que les petits matériels affichent aujourd’hui des niveaux de vibration main-bras inférieurs à la réglementation, l’idée d’écarter l’opérateur et la machine reste attirante, d’autant plus que des modèles exposés des divers salons encouragent cette vision. Les commandes à distance existent déjà depuis plusieurs années dans ce segment. Ils sont en général associés à des rouleaux de tranchée ou des plaques vibrantes réversibles de 700 kg et plus. Pour l’heure, deux procédés de transmission cohabitent. Bomag et Dynapac emploient par exemple une télécommande par radio fréquence. « Cette technologie est moins sensible aux obstacles ou à la luminosité, précise Frank Védrines, responsable marketing des applications spéciales de Bomag France. La machine intègre en outre le système de sécurité “intelligent” Boss. Si la consigne de déplacement comporte un risque pour l’opérateur, la machine va s’arrêter à un mètre cinquante de l’individu, mais si ce dernier se tient dans la zone opposée au mouvement de l’engin, celui-ci poursuivra sa route. »
Rien d’impossible
Pour sa part, Wacker Neuson a plutôt opté pour l’infrarouge. « L’infrarouge offre plus de réactivité que les hautes fréquences, souligne Patrice Boffo, responsable des produits de compactage de Wacker Neuson France. En outre, l’opérateur est obligé de pointer la télécommande sur la machine, ce qui est gage supplémentaire de sécurité. » Chacun tranchera en fonction de ses préférences. Au premier abord, le périmètre actuel de la télécommande peut sembler étriqué. Avec quelques entorses à la tradition, il pourrait néanmoins couvrir plus d’application. Selon Patrice Boffo, la DPU 130Le de Wacker Neuson, une plaque vibrante de 1,17 t, peut remplacer un monobille autoporté de 7 t. Le constructeur propose aussi un jeu d’attelage qui donne la possibilité de coupler trois plaques DPU 110 pilotables à distance. « L’ensemble atteint une largeur de 2,1 m. Il est plus simple à transporter qu’un compacteur autoporté. Pas besoin de porte-char. En France, ce produit sort encore trop des habitudes. Il se vend bien en Grande-Bretagne, surtout dans le secteur des travaux ferrés où la logistique des matériels s’avère parfois complexe. »
Ces différents exemples tendent à démontrer qu’aucune barrière technique n’entrave le développement de compacteurs munis de commandes déportées. Pour le petit matériel, c’est le tarif qui se révèle prohibitif. « Le coût de la télécommande représenterait un pourcentage important du prix de la machine », note Frank Védrine. En revanche, quand il s’agit des compacteurs autoportés, le recours à cet outil peut se discuter. « Tout est possible, rien nous empêche de piloter une machine à distance, confirme Jean-Remy Chasse, directeur général de Dynapac France. Il y aurait deux intérêts de le faire, la sécurité et l’ergonomie, comme avec le rouleau de tranchée. Dans le domaine du terrassement, nous avons des réflexions en interne autour du compactage en forte pente. » D’autres situations dangereuses pourraient motiver le recours à ce type de dispositif, tels que des risques d’éboulement ou la présence de substances toxiques. « Dans ces conditions, la télécommande peut devenir acceptable, analyse Frank Védrines. Reste la question de la distance. Il faut garder de la visibilité sur la machine. Cette pratique serait donc plutôt réservée aux petits chantiers. » Au-delà de la limite des yeux, circuler à pied au milieu de gros travaux n’est pas sans risques. « La cabine offre un meilleur confort et une position sûre à l’opérateur, observe Jean-Remy Chasse. En outre, la télécommande ne libère pas un compagnon de sa tâche. »
Les aléas de la recherche
Les problèmes de main-d’œuvre amènent à considérer la piste des matériels autonomes. Le concept est encore dépourvu de cadre réglementaire, mais le secteur suit de près le sujet. Plusieurs briques existantes préfigurent cette évolution, à l’image de l’assistance au réglage de la fréquence ou des logiciels de contrôle et de documentation du compactage (l’application Bomap de Bomag ou le système Compamatic de Wacker Neuson). Les trains de compacteurs, où plusieurs engins suivent automatiquement un rouleau ouvreur, pourraient constituer une première avancée dans ce sens. Quelques prototypes présentés durant les éditions 2019 et 2022 du salon Bauma, à Munich, semblaient promettre plus sous peu. Bomag y a dévoilé cette année le Robomag BW 177, un rouleau monocycle aux lignes futuristes. L’industriel a décrit trois étapes de développement pour ce compacteur. Le premier stade se résumerait à une conduite par télécommande et de la détection d’obstacle, des accessoires disponibles. Le second verrait le pilote assis dans un bureau sans contact visuel avec l’engin. D’après la firme, cette configuration est déjà possible. Dernier palier, la machine autonome, qui exigent des capteurs plus pointus que les systèmes actuels. Pour Frank Védrines, cette machine prouve que les technologies nécessaires existent, sans pour autant que leur assemblage réponde aux exigences du marché. « La voiture autonome montre que ce type de développement rencontre toujours des imprévus. Nous sommes donc dans une progression contrôlée. La sécurité, la fiabilité et la longévité demeurent nos priorités. L’assistance au compactage constitue une première étape. Par ailleurs, nous intégrons désormais en usine des caméras 360° et la détection d’obstacle dans nos engins autoportés. » De son côté, Dynapac travaille avec Trimble sur ce sujet, « mais un opérateur demeure dans la cabine, remarque Jean-Rémy Chasse. Dans le terrassement, l’automatisation concernerait éventuellement des chantiers fermés et bien spécifique. Dans le routier, la conduite sur enrobé requiert une grande compétence technique. Celle-ci sera plus compliquée à modéliser et à automatiser. » Avis partagé par Patrice Boffo, qui voit mal les sociétés de VRD laisser un appareil vérifier seul le fini des passes. « Le contrôle visuel de la qualité reste important pour les clients. C’est encore plus vrai pour les enrobés, où le ressenti de l’opérateur s’avère essentiel. Il possède un vrai savoir-faire. Par ailleurs, les entreprises de construction sont aujourd’hui plutôt concentrées sur les problèmes de moteur. » Cet écart entre les habitudes et la technique pourrait cependant se réduire avec l’arrivée de nouvelles générations, familière du numérique sous toutes ses formes. « Ce serait peut-être une manière de rendre ces métiers plus attractifs », conclut Frank Védrines.
Petit compactage : une Bauma dans les clous
Fin octobre, le salon bavarois n’a pas dévoilé de grandes surprises dans le secteur du petit compactage. Les mouvements amorcés durant les années passés suivent leur cours.
Et de cinq. Le 21 octobre, Wacker Neuson a annoncé la création de la marque de Battery One. Cette nouvelle appellation recouvre ses gammes de batteries et de chargeurs qui sont désormais partagés avec quatre autres constructeurs de systèmes de compactage. Après Bomag en 2021, Enarco, Mikasa et Swepac ont rejoint l’alliance. Wacker Neuson progresse ainsi dans ses démarches pour hisser sa technologie au rang de standard. Le fabricant allemand poursuit d’ailleurs l’électrification de ses gammes. Durant la Bauma, qui s’est tenue du 24 au 30 octobre à Munich, il a exposé l’APU3050e, une plaque réversible à électron de 30 kN pour une largeur de 50 cm. La machine intègre par ailleurs une transmission directe, le DireX. Elle supprime l’habituelle courroie de transmission, susceptible de casser. En parallèle, l’industriel ne compte pas laisser le créneau des conteneurs de batterie à ses concurrents. Il a présenté la Charging Box, un dispositif de 25 kWh capable de délivrer une puissance de 45 kVA. Le produit devrait sortir durant le printemps 2023. De son côté, Bomag accélère sur les accumulateurs. Le manufacturier avait lancé en début d’année la pilonneuse BT 60. En Bavière, les visiteurs pouvaient découvrir deux plaques électriques réversibles, la BP 18/45 e (18 kN et 45 cm de large) et la BP 10/36 e (10 kN et 36 cm de large). Elles affichent des performances équivalentes aux modèles Diesel. Leur bord droit facilite le compactage long des bordures de trottoirs ou des murs.
Écran incorporé
Déjà bien avancé dans le domaine des batteries, Weber MT s’est concentré cette année sur les systèmes d’information avec le Weber Smart Assist (WSA). Ce moniteur affiche les différents renseignements fournis par les capteurs embarqués de l’équipement. L’opérateur peut ainsi consulter l’état du moteur ou des filtres à air. Le dispositif sert aussi d’interface au Compatrol 2.0. Auparavant, ce système de contrôle prenait la forme de quatre LED qui s’allumaient en fonction de l’avancement du compactage. Ces pastilles sont désormais visibles sur l’écran. Le WSA sera disponible pour les compacteurs de sol réversibles CR 6, CR 7, CR 8 et CR 9. Ces machines possèdent un poids compris entre 400 et 700 kg et une force comprise entre 55 et 100 kN. Weber MT a également indiqué que ces matériels disposeraient d’un démarrage automatique. Il suffit de presser un bouton pour lancer le moteur.
Chez Ammann, l’heure était plutôt au prototype. À l’occasion de la foire, le fabricant a dévoilé l’ eAPX 68/95, une plaque vibrante électrique octogonale. Cet appareil contient quatre arbres de travail disposé en X, ce qui lui donne la possibilité de se déplacer dans toutes les directions. D’une hauteur de 70 cm, il peut se glisser sans problème dans les tranchées. Selon la marque, ses quatre batteries lui conféreront une autonomie de 80 minutes en fonctionnement continu. La recharge nécessitera 30 minutes.
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