L’évolution des pratiques au sein des grands groupes aidant, les fabricants de banches et d’étais renouvellent leurs gammes de produits manuportables.

Coffrage et étaiement : reprise en main

La manipulation du matériel demeure un problème dans les chantiers de travaux publics. Certes, la grue remplie très bien cette tâche, mais elle n’en reste pas moins une machine coûteuse qui ne couvre pas toujours le site. L’homme s’avère plus souple à condition pouvoir dénicher des équipements adaptés à ses capacités physiques. Dans le secteur du coffrage et des étaiements, les constructeurs ont toujours possédé des produits déplaçables à la main, sans que ces derniers ne constituent une priorité en matière de recherche et développement. Ces dispositifs pesaient tout de même un poids respectable, ce qui pouvait freiner leur diffusion. La préoccupation croissante des grands groupes pour la santé de leurs salariés a néanmoins amené les industriels à se pencher de nouveaux sur l’ergonomie de ces produits avec un succès inattendu. Peri a compté parmi les premiers fabricants à s’être engagé dans cette direction en 2016. Ce modèle en polymère « était à l’origine destiné aux pays émergents , remarque Thierry Chancibot, directeur technique et marketing de Peri France. Finalement, ce couteau suisse s’est imposé dans toutes les filiales. C’est le numéro trois de nos ventes. » Le Duo apparaît désormais dans de nombreux projets de génie civil, quand il s’agit de réaliser des voiles, des dalles, des poteaux ou des fondations. Il s’est notamment illustré lors de coffrages en sous-œuvre dans le cadre des chantiers du Grand Paris Express. Les panneaux mesurent entre 60 et 135 cm de haut et peuvent atteindre 90 cm de large. Leurs poids ne dépassent pas les 25 kg. Les services logistiques apprécieront. « Nous avons d’ailleurs mis sur le marché des racks de rangement sur roulette qui simplifie le transport », note le directeur. Un connecteur central assure la jonction entre deux éléments, sans recourir à un marteau. « Le montage s’apparente à un Lego. Cette facilité d’utilisation contribue à sa bonne acceptation par les compagnons. » Les banches sont compatibles avec les composants des séries Peri Up et Variokit. Sa principale limite réside dans sa résistance à la pression, 50 kN/m² pour les voiles et 80 kN/m² pour les poteaux et les voiles de refend. Depuis ce lancement, Peri a rajouté des trous supplémentaires dans le cadre afin que le système puisse servir pour les dalles. La filiale française se fixe comme objectif de séduire les petites entreprises, moins réceptives au produit que les entités munies d’un service chargé de la santé et de la sécurité. « Le Duo est bien installé chez les majors. Nous devons maintenant toucher les artisans », résume Thierry Chancibot.

Une dynamique soutenue

À la suite du Duo, d’autres manufacturiers ont renouvelé leur offre de coffrage manuportable. Paschal commercialise depuis octobre 2020 le NeoR. Doté d’un cadre en acier, cet équipement affiche des caractéristiques comparables au Duo, dont un poids de pièce inférieur à 25 kg. Il peut être combiné avec les composants des autres gammes du catalogue : Circulaire, Treillis et Logo. Le constructeur a annoncé en septembre dernier la sortie d’une version pour le coulage des poteaux. Cette dernière comporte des trous tous les cinq centimètres. Il est ainsi possible d’édifier un poteau rectangulaire ou carré avec des côtés compris entre 20 et 50 cm. Ce modèle peut aussi modeler l’arrête d’un voile ou intervenir dans un coffrage de face en reliant les éléments à l’aide de boulon tender.

Chez Doka, c’est le Xlight qui est venu prendre la succession du Frami durant l’été 2020. Le groupe a lui opté pour l’aluminium recouvert d’une peinture qui empêche les accrochages de ciment. Il avance un poids de 20 kg par m². Le système peut supporter une pression de 50 kN/m² en voiles et 75 kN/m² en coffrage-poteaux. Thierry Demingeon, directeur des ventes de Doka France, le compare lui aussi à un couteau suisse du coffrage. Le fabricant a récemment complété les hauteurs existantes. Elles sont aujourd’hui au nombre de trois : 1 m ; 1,5 m et 3 m. L’outil est fourni avec une peau Xlife, utilisable 100 fois avant d’être changée. Le directeur des ventes se montre particulièrement enthousiaste au sujet de ce produit. « Nous trouvons de nouveaux clients tous les jours, à tel point que nous avons plus de demande que nous pouvons fournir. Depuis trois ou quatre ans, les entreprises agissent dans le domaine de la prévention. C’est une tendance marquée. L’OPPBTP, les Carsat et la Cramif* soutiennent cette dynamique. Nous revendons nos Frami d’occasion ou aux autres filiales pour acheter de nouveaux Xlight. »

Entre aluminium et acier

Dans le segment des étais, l’aluminium constituait la référence quand il s’agissait d’alléger les barres. Le Titan HV de Ischebeck (1,75 à 3,05 m de long, 16 kg pour une capacité minimum de 30 N) ou le Multiprop de Peri (de 0,8 à 6,25 m pour un poids de 10,1 à 34,6 kg) le démontrent toujours. Propriétaire d’une référence en aluminium (Eurex 100 plus), Doka a cependant décidé d’explorer une autre voie. En 2020, l’industriel a lancé l’Eurex 20 LW en acier. Ses propriétés sont comparables à son prédécesseur l’Eurex, mais son poids est réduit de 2,8 kg pour un composant de trois mètres. « Quand un ouvrier transporte 100 étais par jour, ce n’est pas négligeable, observe Thierry Demingeon. Il faut savoir que les étais de 3 m à 3,5 m représentent 80 % du marché. Nous nous adressons donc à un large public. ». Son filetage a été amélioré. « Nous avons effectué des essais comparatifs, il nécessite cinq coups de marteau de moins pour être desserré. Tout comme les poids, c’est moins de fatigue pour les compagnons, une meilleure productivité et des économies à chaque chantier. Quand ces conditions sont réunies, les entrepreneurs s’y retrouvent. Ils s’emparent de la question. »

Le manufacturier n’a toutefois pas oublié l’aluminium. Il a poursuivi en septembre 2021 avec le Dokarex, des bracons de stabilisation dans ce matériau destiné au soutien des éléments préfabriqués. Les longueurs sont comprises entre 3,05 et 10,2 m. Ils se distinguent par leur tête d’amarrage qui se fixe directement sur la pièce préfabriquée. L’extrémité de l’équipement se clipse automatiquement, sans nécessité d’intervention en hauteur. Les deux parties télescopiques sont situées aux extrémités, ce qui évite un point faible au centre, là où le gros des efforts se concentre. Des poignées aident à la prise en main. Une tête d’étançon est disponible. Elle donne la possibilité d’accrocher le Dokarex à une banche. D’autres fabricants commencent à suivre le mouvement. Altrad Coffrage & Étaiement a dévoilé en 2020 l’Altralight, une tour d’étaiement en aluminium dont les cloches de connexion et les bague d’appuis de vérin sont en acier. L'entreprise revendique un poids inférieurs de 30 % à la moyenne du marché. Les cadres pèsent au maximum 12 kg. La structure peut néanmoins reprendre 5,5 t par pied à 6,4 m d’hauteur utile. Altrad souligne que sa création est conforme à la dernière norme NF P 93 551, qui régit ce type de matériels. Pour le moment, l’Altralight est surtout loué, mais il peut aussi être acheter.

Réinventer la planche

La dernière échelon inattendu de ces réflexions sur l’ergonomie, les panneaux de coffrage. Peri a ouvert le bal l’année dernière avec le Peri Panel. Ce support de 15 mm d’épaisseur est en polypropylène, un composé recyclable. Le groupe revendique un poids trois fois inférieure au contreplaqué classique, soit 2,95 kg/m². La réponse de Doka est en ligne depuis le 11 octobre dernier. Le Panelife est destiné aux coffrages horizontaux. Après plusieurs essais, l’entreprise a opté pour du contreplaqué multiplis, le meilleur compromis entre la solidité et le poids selon ses dires. Une bordure en polyuréthane prévient les casses en cas de chute. Un pré-perçage est pratiqué aux extrémités en vue du cloutage. Le tout monte à 12 kg pour un panneau de 2 m par 5 m et 15 mm d’épaisseur. A l’image du Xlife, ils sont réemployables une centaine de fois. « Moins de bois jetés, moins de livraison, moins de dioxyde de carbone », rappelle Thierry Demingeon. La filiale annonce deux épaisseurs, 15 et 18 mm « Nos clients apprécient ces deux dimensions, conclue le directeur. Elles correspondent aux contreplaqués qu’ils ont l’habitude d’utiliser. Nous nous attendons à une forte demande. Notre premier camion est réservé à 80 %. »

* : Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et la Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France (Cramif).

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