
Une interview d'Olivier Peter, président du Soffons et de l’UMTM
Vous accédez concomitamment à la présidence du Soffons, qui regroupe les spécialistes des fondations spéciales et de l’Union des Métiers de la Terre et de la Mer. Comment est arrivée cette double nomination ?
Les présidences du Soffons sont tournantes. à l’issue du mandat de Didier Jacquet, directeur général du pôle Fondations Spéciales du groupe Fayat, qui a pris fin en novembre 2020, le tour de Spie batignolles fondations est venu. Ayant rejoint l’entreprise en qualité de directeur général en 2019, la présidence du Soffons m’incombe ainsi. Pour l’Union des Métiers de la Terre et de la Mer, dont la présidence est confiée à l’un des syndicats professionnels de spécialité des Travaux Publics, le mandat revenait au Soffons. C’est donc au titre de président de ce syndicat que j’assure également la présidence de l’UMTM depuis décembre 2020. Ces deux instances représentent d’une part les entreprises spécialisées dans les travaux de fondations spéciales, et d’autre part un syndicat intermédiaire regroupant des acteurs des fondations,terrassements, travaux souterrains et des travaux maritimes et fluviaux.
Quelles sont vos priorités d’action ?
A titre personnel, je suis très sensibilisé aux enjeux de la sécurité sur les chantiers. J’entends en faire le cœur de l’action syndicale. Beaucoup a été fait dans ce domaine pour améliorer les choses. Le Soffons travaille avec l’OPPBTP pour faire progresser la sécurité et prévenir les risques en s’intéressant aux facteurs humains et opérationnels. Néanmoins, les résultats ne sont pas satisfaisants. Les taux d’accidents restent supérieurs à ceux des autres spécialités des TP. Il faut parvenir à briser le plafond de verre pour réduire le nombre d’accidents.
Sur quel levier pouvez-vous agir ?
Nos efforts doivent porter sur les plateformes de travail. En dépit des recommandations, nous n’avons pas assez avancé sur ce sujet en France. Il serait intéressant de s’inspirer de ce que les anglais ont fait. Il faut définir un cadre contractuel qui précise la conception de la plateforme de travail et interdit de démarrer les travaux de fondations spéciales tant que celle-ci n’est pas réalisée. Il faut que tous les acteurs du chantier aient conscience de l’importance de réaliser sérieusement cet aménagement, qui conditionne la sécurité ultérieure. Pour cela, j’aimerais que les entreprises de fondations spéciales parviennent à contractualiser avec les entreprises générales pour systématiser la réalisation de ces plateformes de qualitél.
Où en est la révision de la norme EN 16-228 qui régit la sécurité sur les machines de forage de petit diamètre ?
La norme est en cours de révision et devrait être mise à jour pour la fin de l’année. Il s’agit d’un type de machine accidentogène, dont la conception des dispositifs de sécurité doit être modernisée.
Pouvez-vous nous présenter votre feuille de route à la tête du Soffons ?
La transition énergétique est un sujet très prégnant dans nos entreprises. C’est un thème qui se décline dans le domaine des motorisations des matériels qui sont mis en œuvre sur les chantiers. Nos entreprises doivent se préparer à la fin des moteurs diesel. A plus court terme, elles doivent s’adapter à la fin de la fiscalité avantageuse du GNR, qui interviendra le 1er janvier 2023. C’est là un enjeu majeur, car les matériels alternatifs ne sont pas encore prêts.
Les premières foreuses électriques ont pourtant fait leur apparition sur vos chantiers ?
Les sujets qui nous intéressent concernent les motorisations électriques, sachant que l’on a, depuis longtemps recours à cette solution, mais à partir de groupes électrogènes. Il faut à présent savoir si l’on peut disposer de machines de forte puissance fonctionnant sur batteries. Liebherr a effectivement souhaité réaliser un test in situ de grande envergure, sur une durée de 2 mois. Si la machine a bien fonctionné, le besoin de puissance est tel, que les batteries ne tiennent pas une journée entière de travail intensif. L’autonomie actuelle, qui n’est pas compatible avec les cycles de travail du chantier, est la limite de cette technique.
Le surcoût significatif n’est-il pas prohibitif à leur commercialisation ?
Tout dépend de l’incitation que les donneurs d’ordre sont prêts à mettre dans ces nouvelles technologies. On parle beaucoup de l’électrique, qui a beaucoup de sens en ville. Il ne faut pas négliger l’hydrogène qui est plus adaptée à nos métiers grâce à la compacité des moteurs à puissance équivalente.
Comment se traduit la décarbonation de vos activités ?
La génération de CO2 de l’activité TP est également un enjeu auquel, comme la FNTP, le Soffons entend s’intéresser. Ce n’est pas parce que la part des travaux de fondations spéciales est assez marginale qu’il faut négliger cette production de CO2. La réflexion doit être globale, en prenant en compte notamment la part du béton qui, dans nos ouvrages, est le principal producteur de CO2.
Quels sont les axes de progrès à explorer ?
L’optimisation du dimensionnement d’ouvrage et les bétons bas carbone y contribuent. Il faut également réfléchir, dès sa conception, à un ouvrage dont l’usage qui en est fait par ses utilisateurs soit aussi moins générateur de CO2. Même si c’est plutôt du ressort du maître d’ouvrage, l’entreprise peut apporter sa contribution à la réflexion. Des sujets de recherche portent sur l’étude de la différence de températures d’une fondation entre sa partie enterrée et la surface et la possibilité de générer de l’énergie. On pourrait imaginer des dispositifs de type « pompes à chaleur ».
Vos adhérents sont-ils confrontés à des difficultés d’approvisionnement ?
C’est un vrai sujet, qui, je l’espère, est d’ordre conjoncturel. Il n’y a pas de chantier de fondations spéciales arrêté pour des questions d’approvisionnement. Si la circulaire ministérielle appelant à ne pas appliquer les pénalités de retard va dans le bon sens, il n’y a aucune consigne sur l’envolée des prix de nos matières premières. Les indices de révision de prix existent, mais ne couvrent pas tous les cas de figure.
Quel bilan pouvez-vous dresser de l’année 2020 ?
La profession a connu un cycle de croissance entre 2017 et 2019, sous l’impulsion du Grand Paris. 2020 et 2021 étaient attendues à la baisse. La crise sanitaire a amplifié le retournement. La contraction en 2020 est de l’ordre de 12 %. Elle ne sera pas effacée cette année. Fin 2021, le volume d’activité restera inférieur de l’ordre de 10 % à celui de l’année 2019. Les effets de plan de relance ne se font pas encore sentir. Le carnet a été consommé et la prise de commandes est à la peine, en particulier dans le domaine du bâtiment.
Les perspectives à moyens termes sont-elles plus favorables ?
Tous les chantiers programmés du Grand Paris ont été confirmés et seront réalisés. Les marchés attribués sont équivalents à ceux qui restent à attribuer. Il s’agit précisément des lots 18.3, 17.3 et les tronçons Est et Ouest de la ligne 15, qui sont quatre chantiers colossaux et dont les premiers effets sur la profession sont attendus à partir de 2023. Le canal Seine Nord Europe et le métro de Toulouse sont les deux autres grands projets qui sont synonymes de volumes.
Vous restez tributaires des grands projets ?
Nos entreprises se sont organisées en conséquence. Nous avons besoin de ce type de projet pour pérenniser nos structures, valoriser nos savoir-faire à l’international et mettre en œuvre des solutions innovantes. Pour les majors de la profession, le plus grand chantier de métro actuellement dans le monde, constitue une vitrine de l’expertise française dans les métiers de la géotechnique.
Quel est le retour d’expérience des chantiers du Grand Paris ?
Nous avons démontré la possibilité de réaliser des travaux « hors norme », complexes à très grande profondeur et sur de forte épaisseur. Côté tunnel, les voussoirs en béton fibrés ont été mis en œuvre à grande échelle. En amont, nous avons beaucoup avancé dans la numérisation du chantier. Le Grand Paris a été l’occasion de déployer un système d’auscultation à base de capteurs, mais aussi d’instrumenter les matériels. Nos métiers s’ouvrent sur la donnée, sa collecte, sa gestion et son exploitation. Le digital est un enjeu auquel nos entreprises se préparent. Très tôt, nous avons mis en place des systèmes informatiques dans nos matériels pour appréhender tout ce que l’on ne peut pas visualiser. Les start-up s’y intéressent aussi. La clé de la réussite réside dans le mélange de la compétence métier avec la connaissance du numérique. C’est essentiel si l’on veut pouvoir tirer parti des milliards de gigaoctets extraites des machines de forage et fiabiliser leur exploitation.
Soffons : repères chiffrés
36 adhérents
85 % du CA national
(les 15 % étant réalisés par des PME hors Soffons, en TP et bâtiment)
4 900 emplois directs
1,5 milliards € : CA 2020 France
1,6 milliards € : CA 2020 International
+ 3 % : évolution CA en 2021 France (prévisions)
+ 4 % : évolution CA en 2021 International (prévisions)
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