Derrière les blindages des machines à cône, percussion ou mâchoire, l’électrique remplace progressivement l’hydraulique, une transition motivée par des intérêts économiques et environnementaux.

« Il y a cinq ou six ans, nous n’en vendions pas un seul. Aujourd’hui, de plus en plus entreprises choisissent ce type d’engins. Certaines sont très volontaristes. » Interrogé quant à la place des concasseurs mobile à entraînement électrique, Florent Rey se montre enthousiaste. Le directeur opérationnel de Lheureux, société qui distribue et propose à la location des concasseurs de marque Terex Finlay, observe un intérêt nouveau pour ce substitut à l’entraînement hydraulique, intérêt que les constructeurs comptent bien capter. Durant les trois années écoulées, la plupart ont sorti des machines appartenant à cette famille. Chacune a ses recettes, mais deux méthodes reviennent souvent. Pour les plus petits tonnages, le moteur Diesel entraînement directement le broyeur et une génératrice qui alimentent les autres organes, c’est ce qu’on appelle l’entraînement direct. Pour les engins plus volumineux, la génératrice mise en rotation par le moteur fournit de l’énergie à tous les composants, on a alors tendance à parler d’entraînement Diesel-électrique, bien que la dénomination ne soit pas encore figée.

Chez Terex Finlay, la gamme Dual Power, composées de produits à entraînement direct et Diesel-électrique, ne cesse de s’enrichir. En matière de concasseurs, elle compte trois engins à mâchoire, J-1175 (54 t), J-1280 (75 t) et LJ-130 (123 t) ; et une machine à cône, C-1540 (45 t). « D’autres modèles à mâchoire et à percussion devraient suivre, indique Florent Rey. Des produits où le moteur thermique ne sert qu’au déplacement sont aussi prévus. » Parmi les industriels les plus actifs, citons Keestrack qui convertit son catalogue à toute vitesse en jonglant entre les deux techniques. Quant à Metso : Outotec, un autre poids lourd du secteur, il a annoncé le 27 avril dernier la création de la série Lokotrack e-Power. Elle rassemble quinze concasseurs et six cribles, la plupart déjà existants. Cet intitulé tout neuf pourrait leur apporter un surcroît d’attractivité.

Calculs et convictions

Un seul manufacturier semble se tenir à l’écart de l’agitation. Kleeman, la marque du groupe Wirtgen, est restée discrète. Et pour cause, tous ses produits emploient déjà des systèmes électriques, en entraînement direct et Diesel-électrique. La société travaille sur la question depuis plus d’une vingtaine d’années. « Nous avons toujours été sur ce marché, précise Julien Colli, directeur des ventes pour Kleeman de Wirtgen France. Cette technologie nécessite un vrai savoir-faire. Elle réclame beaucoup d’expérience. Au cours des dernières années, notre conception n’a pas connu d’évolutions majeures, mais nous avons continué à l’optimiser. »

Le constructeur allemand est donc plus que prêt pour ce changement de paysage. Car l’électrique va rester. Même si la communication qui entoure cette technologie prête parfois à rire, ses avantages sont indéniables. En premier lieu, elle consomme moins de carburant que son équivalent hydraulique. « L’électrique est beaucoup plus facile à réguler que l’hydraulique. Par ailleurs, le changement de régime est instantané », explique Julien Colli. Les émissions de gaz à effet de serre s’en trouvent réduites. La disparition d’une partie ou de la totalité de l’hydraulique diminue aussi le bruit. En outre, les engins y gagnent en fiabilité. Néanmoins, au-delà de ces qualités, Florent Rey constate l’émergence d'une nouvelle mentalité : « J’ai le sentiment qu’il y a aussi la volonté d’une activité plus verte. Nos clients qui choisissent un Dual Power n’évoquent jamais un calcul économique. » Selon le directeur opérationnel, le phénomène commence à toucher le secteur de la location. « Nous ne sommes pas aussi avancés que dans la vente, mais nous avons de plus en plus de demande à ce sujet. »

Malgré les contraintes

Autre particularité favorable aux concasseurs à entraînement Diesel-électrique, le raccordement au réseau. Les machines peuvent être équipées d’un câble de branchement. Une fois connectées, elles tournent entièrement avec le courant, sans Diesel. « Du point de vue économique, c’est idéal. Toutefois, le raccordement peut s’avérer contraignant, analyse Julien Colli. Vous perdez en mobilité. Il faut réfléchir à plusieurs sujets : la présence d’un transformateur avec une puissance disponible suffisante, le placement des différents points de livraison et la mise en place du câblage. Nous le réservons donc à notre gamme Pro où les machines sont moins souvent déplacées. » Malgré ces obstacles, le directeur indique toutefois une net augmentation des ventes dans ce segment. Florent Rey confirme cette dynamique : « des entreprises acceptent d’avancer avec cette contrainte. Elles changent un peu leurs méthodes de production pour accueillir ce mode de fonctionnement. » À noter que les groupes composés du moteur et de la génératrice de quelques modèles Keestrack peuvent être retirés du concasseur et placer à distance, ce qui peut éventuellement constituer une aide dans l’aménagement d’une installation raccordée.

Le branchement résout la dépendance au pétrole des concasseurs sédentaires. En revanche, les petites unités qui se baladent de chantier en chantier restent consommatrices de Diesel. Leur situation s’apparente à celles des pelles de moyenne taille. Trop grosses pour les batteries en théorie. Il faudra sans doute attendre l’hydrogène ou éventuellement un transfert vers d’autres carburants.

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