Alors que l’Hexagone semble prêt à abandonner les systèmes d’accroche mécanique au profit des procédés hydrauliques, les modules de connexions automatiques des flexibles gagnent en popularité grâce aux porte-outils multidirectionnels.

Ce n’est pas le tout d’inventer de nouveaux procédés, encore faut-il qu’ils coïncident avec les mœurs de l’époque. Les attaches rapides n’ont pas connu d’évolutions majeures depuis les années 2000. Les techniques les plus avancées ont néanmoins dû patienter. Les temps n’étaient pas encore à l’étude fine des rendements et aux offres pléthoriques d’outillage. Mais aujourd’hui, plusieurs constructeurs assurent que la bascule est en cours. Le contrôle hydraulique de l’ouverture et de la fermeture de l’attache gagne du terrain.
Arden Equipment possède par exemple pas moins quatre séries d’attache rapide (UA, QA, S et AECW) disponibles à la fois en mécanique et hydraulique pour les pelles allant jusqu’à 54 t (65 t pour l’AECW). Seuls les plus petits modèles existent uniquement en mécanique. « Et l’hydraulique est en nette augmentation, note Jonathan Sassi, chef de produits terrassements du fabricant. Cette technologie est de plus en plus demandée pour les QA destinés à des petits tonnages. Les acheteurs apprécient sa flexibilité, sa fiabilité et son efficacité. » En effet, dans cette configuration, l’opérateur commande le verrouillage ou le déverrouillage depuis la cabine. Fort de ce constat, la société devrait sortir une version hydraulique de la QA pour les 0-2 t en 2022. Elles songent aussi aux poids lourds. « Nous avons de la demande dans les catégories de 40 à 50 t. Nous réfléchissons dans les années à venir à enrichir notre gamme pour les plus gros porteurs. »
Chez Liebherr, où le catalogue couvre les pelles sur pneus de 10 à 28 t et les pelles sur chenilles de 14 à 115 t, Geoffroy Debost, responsable de ventes d’accessoires en France, Belgique et Luxembourg observe aussi un marché tourné vers l’hydraulique : « les attaches mécaniques sont aujourd’hui plutôt destinées à l’export. En France, elles restent demandées pour certaines applications spécifiques, tels que les travaux subaquatiques ou souterrains. Les clients changent alors peu d’outils. » Felicia Lange, présidente-directrice générale de Klac Industrie, qui commercialise des attaches pour les engins de 800 kg à 24 t, se montre plus nuancé : « nous proposons des modèles hydrauliques depuis quinze ans. Ils apportent un surplus de confort à l’opérateur, mais le coût est supérieur. » Les tarifs provoqueraient encore quelques réticences. Par ailleurs, la P.-D.G. appelle à la vigilance quant à la sécurité de ces dispositifs. Un acheteur soucieux du problème devra vérifier que l’équipement est bien conforme la norme ISO 13031. « Le verrouillage de certains équipements est uniquement maintenu par la pression, ajoute-t-elle. En cas de panne hydraulique, l’attache s’ouvre. Dans nos produits, l’axe de verrouillage est maintenu par un dispositif mécanique. Il n’y a donc aucun risque en cas de décrochage en cas de défaillance. »

Le vent du Nord


La prochaine étape semble déjà écrite. Les attaches automatiques, qui combinent le contrôle hydraulique de l’ouverture avec un système qui connecte les flexibles sans intervention, existent déjà depuis près de deux décennies. Mais elles ont gagné en attractivité ces dernières années avec le développement des porte-outils multidirectionnels (ou tiltrotateur). Les constructeurs de ce type d'accessoires encouragent d'ailleurs fortement l'émergence de l'automatique. « Il n’y a plus de descente de la pelle, explique David Dominguez, directeur général de Rototilt France, filiale du groupe suédois fabricant de porte-outils. Le chantier gagne ainsi en sécurité. Passer du tiltrotateur à un brise-roche hydraulique nécessite une vingtaine de secondes. L’opérateur est moins réticent à changer d’outils. » L’absence d’action manuelle limite également l’usure des composants et le risque de fuite. Rototilt a lancé en février 2020 Quickchange, sa première série de d’attache automatique. Elle est arrivée à la fin de l’année dernière en France. Selon David Dominiguez les débuts sont satisfaisants : « Le nombre de commandes est assez surprenant. En Suède, les Quickchanges représentent déjà 25 % des ventes d’attaches rapides de Rototilt. »
La société Engcon a elle choisit en 2018 d’intégrer en standard le module de couplage automatique EC-Oil dans ses attaches rapides Q-Safe situé en partie supérieure de ses porte-outils. Si le client achète en même temps un outil hydraulique, ce dernier et l’attache rapide en partie inférieure du porte-outil incorporent aussi l’EC-Oil, sans surcoût. Le tout pour les pelles de 6 à 40 tonnes. « Les volumes des couplages étaient déjà importants, indique Patrick Regnier, directeur des ventes d’Engcon France. Le groupe a souhaité optimiser la production. Il avait aussi la volonté de garder une longueur d’avance sur le marché. » Le responsable considère que cette stratégie à contribuer à la popularité du procédé. « Avant 2018, on ne parlait pas beaucoup des attaches automatiques. Désormais, ce produit est connu. Nous réalisons 80 % de nos ventes de tiltrotateurs en double attaches rapides Q-Safe. » L’industriel devrait prochainement commercialiser un équivalent de la Q-Safe pour les tonnages de moins de 6 t.
Autre manufacturier de ce segment, Steelwrist commercialise depuis fin 2017 son modèle SQ dans l’Hexagone. Après des débuts dans le monde de la déconstruction, ce produit a commencé à fleurir sur les porte-outils en 2020. « Le tout automatique a dépassé son statut d’accessoire de niche. Il y a maintenant de la demande, peu importe la taille de pelle », remarque Nicolas Proust, directeur général de Steelwrist France. Il n’hésite pas à regarder au-delà des frontières de sa spécialité. « Aujourd’hui, la majorité de nos attaches sont vendues avec un tiltrotateur ou en première monte. Mais c’est en train migrer. Nous commençons à avoir des clients pour ces équipements. Certains sont lassés par des modèles trop gros et trop lourds. » Les équipements de la marque en acier moulé comptent parmi les plus légers du marché. Afin d’apporter plus de souplesse aux exploitants, la société a sorti l’année passée un kit qui donne la possibilité de convertir son attache hydraulique S80 (23-45 t) en automatique. Des dispositifs similaires devraient suivre d’ici la fin de l’année pour la S60 (12-20 t) et la S70 (18-33 t). Une référence automatique SQ50 est aussi annoncée pour les 8 à 14 t.

Les nouveaux et les anciens


Les acteurs historiques ne restent pas inactifs. Arden Equipment a notamment débuté la commercialisation de l’Aio, un produit destiné pour le moment aux 12-30 t. Outre la connectique habituelle (hydraulique, graisse et 18 signaux électriques), il reprend aussi les tuyaux de l’Arden Jet, le système de pulvérisation d’eau intégré dans les cisailles du fabricant. Ses coupleurs tolèrent des pressions de 400 à 420 bars, alors que la normale tourne plutôt autour 350 bars. « Cette spécificité garantie une meilleure durée de vie du composant », souligne Jonathan Sassi.
À côté de ces nouveaux compétiteurs, Liebherr fait figure de vétéran de l’automatique. Son dispositif d’accouplement hydraulique Likufix existe depuis 2001. En attendant que les mentalités changent, le groupe n’est pas resté inactif. « La structure mécano-soudée de nos attaches a été améliorée et renforcée, précise Geoffroy Debost. Chacun de nos modèles couvre une grande plage de porteurs. La SW 33 peut par exemple être installée sur des pelles de 8 à 22 t. Nos clients disposent ainsi d’un équipement qui peut convenir à un large panel de machines. La maintenance a également été simplifiée : les bagues peuvent être changées en un quart d’heure et les joints des platines Likufix en quelques minutes. » Le constructeur garde quelques atouts supplémentaires en main. Son composant peut être installé sur une de ses attaches hydrauliques à tout moment. En option, il peut être relié au Tool Management, une unité qui reconnaît les outils connectés puis ajuste le débit et la pression d’huile en fonction. Elle enregistre aussi les temps d’utilisation. L’industriel semble encore disposer d’une marge de progression. Dans le segment des pelles neuves, environ 80 % de ses attaches hydrauliques sont vendues avec le Likufix en Allemagne, contre 50 % en France.

L’ouverture scandinave


Le monde des attaches rapides n’est pas réputé pour sa fraternité. La majorité des modèles sont brevetés, la forme S venue de Scandinavie étant l’une des rares exceptions à la règle. Rototil et Steelwrist ont décidé en 2020 d’étendre cette idée aux attaches automatiques avec Open-S, une norme en libre accès qui réglemente entre autres les connexions hydrauliques. Les porte-outils, outils et attaches conformes à ce standard peuvent être associés les uns avec les autres sans tenir compte du fabricant. « Open-S ouvre de nouvelles possibilités à nos clients, remarque David Dominiguez, directeur général de Rototilt France. Néanmoins, faire connaître ses avantages reste complexe. Il faut communiquer auprès des utilisateurs finaux. En ce moment, l’information circule principalement par le biais des réseaux sociaux. » Nicolas Proust, directeur général de Steelwrist France, note de l’intérêt chez les petits loueurs, « notamment ceux qui proposent des pelles avec opérateur. Mais il faut que le chauffeur adhère à ce changement. »

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