
Dans toute l’économie, l’époque est à la location. Petit à petit, l’usage contre paiement prend le pas sur la propriété. De par son caractère épisodique, le chantier de construction se prête bien à cette pratique. Les entreprises de génie civil tendent donc à généraliser ce mode de gestion. Les matériels qui n’occupent pas une place centrale dans les activités d’une société disparaissent progressivement de son parc. Les compacteurs de sol autoportés relèvent souvent de cette catégorie. Ils sont conçus pour une tâche spécifique, certes indispensable, mais plutôt courte à l’échelle d’un projet.
Pour les fabricants, les conséquences de cette dynamique varient selon les produits. Les classes VM1 et VM2, des équipements inférieurs à 13 tonnes réservées aux travaux urbains ou à proximité d’ouvrages sensibles, étaient déjà depuis longtemps une affaire de loueurs. Dans ce segment de marché, les volumes de ventes restent faibles. « En dessous de 1,7 m de largeur de cylindre, les machines sont concurrencées par les double-billes, constate Frank Vedrines, directeur des applications spéciales de Bomag France. Même si ce n’est pas leur principale fonction, ces derniers peuvent participer à de petites opérations de terrassements. Ce n’est pas la bonne manière de procéder, mais le travail est fait. » En effet, les rouleaux tandem possèdent une puissance de traction inférieure aux modèles à monocylindre. Par ailleurs, à force de rouler sur de la terre, les billes risquent d’être marquées. Ces déformations favorisent le collage du bitume et nuisent à l’efficacité de l’outil lors des opérations de voirie.
Le déclin de la propriété
En revanche, au-delà de 12 tonnes (les catégories VM3, VM4 et VM5), le phénomène s’avère plus neuf. Il s’est amorcé avec les VM5, les compacteurs volumineux de plus de 15 tonnes. « Les majors ont maintenant tendance à louer leur flotte de VM5, remarque Jean-Philippe Briton, inspecteur commercial pour le matériel routier de Bergerat-Monnoyeur, concessionnaire de Caterpillar en France. Ces machines sont employées lors de grands chantiers d’infrastructures ou lors de la réalisation de plates-formes industrielles. Elles sont parfois difficiles à réutiliser. » Le mouvement s’étend désormais à toutes les gammes. « C’est un nouveau public à convaincre. Les loueurs recherchent une grande fiabilité et un faible coût total de possession », analyse Jean-Rémy Chasse, responsable du service après-vente pour l’Europe du Sud de Dynapac.
Voilà donc les constructeurs écartelés entre deux marchés complexes. Pour les groupes de location, l’expérience du terrain passe au second plan. Et en ce qui concerne la fiabilité, les principaux manufacturiers ont beaucoup travaillé sur cette question au cours de la dernière décennie, à tel point que la technique semble avoir atteint un palier. « Nos machines ont été optimisées au maximum. Il y a très peu de casse », indique Jean-Rémy Chasse. Dans ce domaine, Volvo Construction Equipement (CE) et Caterpillar affichent un léger avantage sur la concurrence au sens où ces groupes fabriquent leurs propres moteurs. « Nos concessionnaires assurent eux-mêmes la maintenance et les réparations de ces composants », souligne Julien Provensal, chef de produits pour les compacteurs de Volvo CE France. Toutefois, si l’on excepte cette particularité, il sera difficile de se distinguer grâce aux performances intrinsèques de l’outil. La compétition se fondera donc principalement sur la réputation et le sens des affaires de chacun.
Rester original
Du côté des entreprises de travaux publics, si la logique des chiffres devient également prépondérante, les opérateurs et les conducteurs de chantier peuvent parfois encore influer sur les choix des acheteurs. Or, ces acteurs sont en prise directe avec les machines. Leur jugement tient bien sûr compte de la robustesse, mais aussi d’autres critères plus immédiats. C’est alors que l’originalité prend de l’importance. Celle-ci peut s’exprimer dans chaque organe de la machine. Néanmoins, les principales différences résident dans les technologies de vibration. Elles varient d’un constructeur à l’autre. Les fonctions de contrôle de l’énergie communiquée au sol se révèlent plus ou moins fines : choix de la fréquence, de l’amplitude, ou bien encore de la direction des oscillations avec le dispositif Variocontrol de Bomag. « Nous commercialisons cette technologie depuis une quinzaine d’années, explique Frank Vedrines. Nous avons d’ailleurs assisté au renouvellement des premiers compacteurs vendus avec ce système. Et une très grande majorité des utilisateurs qui l’ont essayé y sont revenus. » Dans ce champ, Dynapac a présenté un nouveau procédé de régulation de la fréquence, baptisé Seismic. La cabine constitue un autre levier crucial de singularisation, d’autant plus que les conducteurs compétents se raréfient. Il faut donc les choyer ou faciliter la tâche des débutants. « Pour nos modèles, nous avons repris les postes de nos chargeuses, précise Julien Provensal. Certains nous demandent si ce niveau de prestation a du sens pour ce type de matériel. Les discussions avec les utilisateurs mettent pourtant en évidence que c’est un point important pour eux. » Dans l’ensemble, les surfaces vitrées ont augmenté et les parties arrières ont été abaissées autant que possible. Cette recherche d’une visibilité maximale pousse certains fabricants à supprimer les tableaux de bord pour les remplacer par un écran de contrôle, situé à la droite du conducteur chez Volvo CE ou sur le volant pour Ammann.
Les débuts du contrôle numérique
Enfin, dernier terrain de compétition, la métrologie. C’était un paramètre sous-estimé par les sociétés de construction, mais la situation est en train d’évoluer. La majorité des machines peuvent aujourd’hui être équipées d’instruments de mesure de la résistance du terrain. La nature des valeurs fournies change selon les fabricants, mais elles apportent toutes une indication claire sur l’avancée des opérations. « Ce sont des systèmes simples. La lecture des valeurs s’effectue directement sur un écran, détaille Jean-Philippe Briton. Le compactage gagne ainsi en efficacité. » Par ailleurs, les données peuvent être archivées dans un dispositif de gestion électronique. L’opérateur peut les récupérer avec une clé USB ou par le biais du réseau de téléphonie mobile. Ces comptes rendus de travaux commencent à intéresser les donneurs d’ordres. « Nous sentons que ça bouge, signale Frank Vedrines. Les clients hésitent quant au choix des machines. Si les rapports d’activité deviennent obligatoires, il faut posséder des compacteurs capables de mesurer ces paramètres. »
Ce goût croissant pour un suivi numérique pourrait aussi profiter aux services de cartographie. La plupart des industriels proposent un système d’informations géographiques (SIG) qui affiche les zones du chantier dans des couleurs correspondant au degré de rigidité du sol. Une liaison GPS assure la mise à jour du plan en fonction des mouvements de l'engin. À l’heure actuelle, ce procédé ne bénéficie pas d’une franche popularité. Il demeure lourd et coûteux. Pour autant, ces caractéristiques rédhibitoires devraient rapidement évoluer. Bomag a par exemple lancé cet été l’application mobile Bomap, qui reprend les propriétés des SIG passés mais sous une forme gratuite. Pour accompagner ce nouvel outil, Bomag a simplifié son BCM (Bomag Compaction Management), l’interface d’affichage et d’archivage de la carte installée dans le compacteur. Celle-ci se résume désormais à une simple tablette sous Android. Elle communique par Bluetooth avec une antenne fixée par le biais d’une embase magnétique sur le toit de l’engin. Les données peuvent ainsi être transmises à un serveur au moyen du réseau GSM. Le manufacturier commercialisera d’ailleurs dans quelques mois la plate-forme web Bomap Connect pour héberger ces informations. Les utilisateurs pourront s’y connecter pour visualiser les cartes de leurs chantiers, complétées d’analyses sur les travaux effectués.
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