Pour rester dans la course, les constructeurs de nacelles sur porteur doivent réussir à suivre plusieurs évolutions techniques, sans pour autant que ces changements intéressent tous leurs clients.

Nacelles sur porteur : un cycle sans stabilisateurs

Dans le monde des matériels de chantier, l’exhaustivité est devenue l’une des lignes directrices des constructeurs. Les gammes s’élargissent avec des modèles sans cesse plus spécifiques. Ce mouvement atteint son paroxysme chez les fabricants de nacelles sur porteur. Ces derniers doivent composer avec une clientèle des plus variée, de l’artisan couvreur à l’entreprise spécialisée dans les télécoms, en passant par la collectivité locale ou le gestionnaire de réseau électrique. Chaque métier a ses requêtes. Les manufacturiers cherchent donc constamment un équilibre entre un sur-mesure trop onéreux et une standardisation trop rigide. « Par le passé, nous fabriquions beaucoup à la carte, mais aujourd’hui, nous souhaitons tendre vers une production en série, explique Pascal Mène, directeur commercial de France Élévateur, groupe français qui assemble entre 1 200 et 1 700 machines par an. C’est déjà le cas pour les petits équipements. Pour les modèles plus volumineux, nous essayons d’anticiper les options que nos clients pourraient utiliser. Cette démarche industrielle est nécessaire dans une période où les coûts augmentent. »

Dans ce contexte, les catalogues des principaux constructeurs se structurent autour de deux gammes principales : la première destinée aux télécoms, avec des hauteurs comprises entre 9 et 12 m, la seconde pour les réseaux électriques et l’éclairage, entre 14 et 22 m. Elles sont complétées par des modèles plus grands, jusqu’à 70 m, d’un usage moins répandu. Si l’on excepte les évolutions liées aux moteurs, les principales sorties de ces derniers mois concernaient le segment des réseaux électriques. Pour des tailles équivalentes, les matériels s’allègent. Klubb a par exemple dévoilé en juin 2021 la KT18PZ, un engin sur un fourgon Mercedes Sprinter 5 t. Elle possède une hauteur de travail 19 m et un déport de 9,4 m. Son panier, d’une capacité de 265 kg, peut résister à des vents de 90 km/h, « C’est la plus haute nacelle sur van du marché, affirme Julien Bourrellis, président-directeur général du groupe. Elle nous a permis de remporter un appel d’offres d’Enedis pour trois ans. » Une version sur une base Iveco devrait bientôt être disponible.

Flèche serpentine

Dans la catégorie du dessus, Ruthmann a présenté le même mois la Steiger T 300 XS, une machine châssis-cabine de 7,5 t pour 7,59 m de long. Elle atteint 30 m de hauteur avec un déport de 23 m. Le panier est muni de deux axes de rotation à 90°. Il peut accueillir jusqu’à 350 kg. Pour les amateurs des très grandes hauteurs, le constructeur allemand avait lancé en 2020 la Steiger T700 HF, 70 m de hauteur et 41 m de déport. « Ce modèle présente l’avantage de peser moins de 32 t et de mesurer moins de 12 m de long, détaille Rémy Doyen, responsable commercial pour la France de Ruthmann. Il est également muni d’un essieu vireur à l’arrière qui facilite les manœuvres. » La flèche a été pensée pour offrir un maximum de souplesse. Le second bras de la nacelle mesure 24,6 m. Entre lui et le panier, une dernière portion de 2 m, le Russel Highflex, peut pivoter de 220°. Le panier est aussi muni de deux axes de rotation à 220°. Il peut supporter jusqu’à 600 kg. Enfin, en option, l’engin peut être équipé du dispositif DRS qui calcule le déport maximal en fonction des conditions (pressions exercées par les appuis, vitesses du vent, charge du panier). « Cet outil peut être installé sur d’anciens modèles », précise Rémy Doyen. Les systèmes d’assistance électronique sont d’ailleurs de plus en plus courants chez tous les industrielles : cycles sans stabilisateur avec limitation de déport, retour automatique en position de transport, ou encore le LMC de Versalift, « cet équipement ajuste le déport de la flèche en fonction de la charge dans le panier », indique Éric Azzopardi, directeur du service clients de Versalift France.

L’électrique à petit pas

En parallèle de ces travaux sur le poids et l’électronique, les constructeurs suivent de près l’émergence des batteries et du GNV. « La course à la hauteur a plus ou moins cessé. C’est désormais les énergies alternatives qui préoccupent le secteur », analyse Pascal Mène. Julien Bourrellis confirme cette dynamique : « les politiques de responsabilité sociétale des entreprises encouragent la constitution de vraies flottes électriques ou hybrides. ». Klubb, France Élévateur ou Versalift proposent des nacelles montées sur des fourgons électriques : Renault Master ZE, Peugeot e-Expert ou même un petit Goupil G4 chez Klubb. À noter que Nissan a arrêté en 2021 la production du eNV200. Il devrait être remplacé par un Townstar à batterie. Des versions châssis sur Iveco Daily au gaz sont également commercialisées. « Dans ce domaine, nous avons notamment décroché un marché avec la ville de Paris pour une vingtaine de machines, dont treize tout électrique et un Iveco gaz », note Éric Azzopardi. Pour les porteurs Diesel, il reste possible de munir la nacelle d’un dispositif de batteries. « L’engin travaille alors en électrique, sans nuisances sonores car le moteur du véhicules est éteint, souligne Julien Bourrellis. Les accumulateurs se rechargent en roulant. » Pour autant, Pascal Mène relève que le manque de références en matière véhicules électriques ou gaz freine le mouvement. « Nous savons intégrer des batteries dans nos machines depuis 30 ans. Nous sommes même prêts à ajouter des prolongateurs d’autonomie à l’hydrogène. La demande est là, mais nous attendons des porteurs adaptés à nos engins. »

Néanmoins, le futur de la nacelle sur porteur ne se réduit pas à une question de carburant. France Élévateur explore plusieurs directions. « Nous réfléchissons déjà à la machine de demain. Elle devra être plus légère. Le poids des porteurs progresse et nous devons nous adapter, observe Pascal Mène. Nos recherches portent également sur les logiciels qui accompagnent la nacelle. Nous développons de nouvelles cartes en vue de réaliser de la maintenance prédictive. » Autre piste de développement, le groupe a monté en 2018 FE Training, une structure qui délivre des formations autour de ces produits. « Nous voulons mettre l’accent sur cette activité. Nous avons récemment embauché trois collaborateurs, ce qui monte à huit les effectifs de l’équipe. » Parce que tous les algorithmes ne suffiront pas à remplacer un opérateur compétent.

Le label qualité Enedis

Client important dans le secteur des nacelles, le gestionnaire de réseau choisit ses matériels en fonction de critères stricts.

Sur les sites internet des fabricants de nacelles sur porteur, Enedis est parfois cité dans la description d’un produit, comme une garantie d’efficacité. Le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité compte parmi les principaux acheteurs de l’Hexagone. Son parc se compose d’environ 1 200 nacelles réparties entre 700 et 750 sites d’opérations. Les machines sont variées. Les élévateurs sur véhicule léger côtoient des modèles sur poids lourd 4 × 2 et 4 × 4. Mais la société n’est pas seulement un gros client, c’est un client exigeant, prêt à mettre les moyens pour que ses acquisitions respectent un cahier des charges draconien quant à la sécurité des opérateurs. « Nos engins doivent tenir compte des conditions d’interventions spécifiques de nos métiers, indique Olivier Terral, directeur de la prévention, santé et sécurité d’Enedis. Nous devons être en mesure de dépanner à tout moment le réseau. Les machines doivent être équipées d’un panier isolant et elles sont conçues pour résister à des vents assez puissants. » Pour certains modèles, leur conception garantit une stabilité à des rafales pouvant aller jusqu’à 90 km/h.

Contrôle collectif

Dans ses démarches d’évaluation, Enedis s’appuie sur les fiches techniques du Comité des travaux sous tension. Cet organisme rassemble des représentants des gestionnaires de réseau, des membres de ministères appuyés par des experts de la formation, de la recherche et de la prévention. Ses fiches techniques, élaborées en coopération avec le centre technique Serect*, décrivent les spécifications qu’un matériel doit respecter pour participer à des chantiers sur les lignes électriques. Avec ce processus de validation, les derniers systèmes électroniques devront faire leurs preuves avant d’approcher des pylônes. « Nos prescriptions en matière de nacelles demeurent assez stables, mais nous restons attentifs aux évolutions techniques, notamment par le biais de nos prestataires », nuance Olivier Terral. Enedis a d’ailleurs intégré depuis peu les nacelles araignées à ses marchés. La société doit parfois œuvrer dans des zones exiguës ou difficile d’accès, des environnement où ces produits sur chenilles s’avèrent bien utiles. « Ces nacelles compactes ont été adaptées et testées pour répondre à nos spécifications, avec un panier isolant, précise le directeur. Elles font désormais partie des équipements référencés et nous disposons de plusieurs unités en exploitation. »

* : Section d’études, de réalisation et d’expérimentation pour le Comité technique.

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