
Après l'introduction des radiocommandes, Tyrolit a fait de ses carters des promoteurs de bonne pratique.
Sciage : les diamants ne valent pas la vie
Aucun sentiment ne résiste aux canines de la routine. À force de manipulation, les outils de sciage diamantés n’inspirent plus la crainte au compagnon. Et c’est bien ennuyeux. Sans un fond de peur, les règles de sécurité paraissent une perte de temps. Pourtant, même familiers, ces instruments aiguisés peuvent toujours faucher un homme de bien des manières. « Deux événements récents me viennent en tête : un premier compagnon écrasé par une machine qui s’est décroché d’un mur, un second par la chute de la partie découpée, confie Manuel Martin, référent pour le gros œuvre au sein de la direction technique du l’OPPBTP*. L’utilisation de ces équipements n’est pas anodine. Les accidents sont souvent très graves. Les néophytes ne sont pas les seuls concernés. L’habitude aidant, les risques peuvent être mal appréhendés. » Le phénomène mérite d’autant plus l’attention que les scies thermiques demeurent des matériels courants sur les chantiers. Selon Manuel Martin, les acteurs de la filière sont bien conscients du problème. « L’OPPBTP a des échanges réguliers avec le Syndicat des entreprises de déconstruction, dépollution et recyclage (Seddre) autour de ce sujet. Il y a une prise en compte de ces questions par la profession et par les maîtres d’ouvrage. » Le Seddre pilote d’ailleurs une certification de qualification professionnelle (CQP) de scieur-carotteur de béton. Cette formation, délivrée par centre CLPS de La Bouëxière en Île-et-Vilaine, consacre un important module à la prévention et à la sécurité.
Ne pas sous-estimer les chevilles
Les fabricants sont également engagés dans ce mouvement. « Nous répétons sans cesse les mêmes consignes, mais ces piqûres de rappels sont nécessaires, remarque Laurent Gerard, responsable des ventes France pour les prestataires de Tyrolit. Au fur et à mesure de leur carrière, les opérateurs ont tendance à prendre plus de risques. Chaque mise en route de machine s’accompagne d’une formation dispensée par un de nos collaborateurs et de la remise d’un manuel de sécurité. » Parmi les préconisations essentielles, rappelons que le port de l’ensemble des équipements de protection individuel (EPI) n’est pas négociable. Ils constituent un rempart contre le bruit et les projections d’éclats ou d’eau. Des semelles antidérapantes et des gants adaptés éviteront peut-être à la machine un vol plané. Pour les découpeuses à sec, un dispositif d’aspiration des poussières préservera les poumons du travailleur. Tout comme une ventilation qui extraira les polluants émis par les moteurs thermiques dans les endroits clos. Quant aux scies murales et à câble, elles doivent être munies de leurs carters et de leurs butés de rail. Lors du fonctionnement, une distance de sécurité d’au moins trois mètres devra également être respectée. Par ailleurs, quel que soit le modèle, un minimum de connaissances sur le matériel s’avère crucial. « En tant que constructeur, nous nous assurons que nos clients connaissent les règles de l’art nécessaires à un bon usage du produit, indique Christophe Menou, développeur d’affaires diamant lourd d’Hilti France. Cependant, les machines ne sont pas toujours associées aux composants recommandés dans le mode d’emploi. La fixation de l’outil par exemple nécessite des chevilles spécifiques. » Laurent Gerard ajoute que le nettoyage, l’entretien de l'équipement et la vérification de l’état des différentes pièces avant le démarrage demeurent des actions indissociables d’une démarche de prévention. Les deux responsables constatent toutefois que la culture des utilisateurs progresse dans ce domaine. « Les départs à la retraite entraînent l’arrivée de jeunes compagnons plus sensibilisés à la sécurité, observe Laurent Gerard. Notre discours n’a pas changé, mais ils sont plus attentifs. Le métier du sciage est aussi plus connu que par le passé. Les responsables sécurité des chantiers prêtent plus d’attention à ce type d’opération. » « Les entreprises peinent à trouver des opérateurs. Elles essaient d’en prendre soin, complète Christophe Menou. C’est une avancée. » Husqvarna Construction Product (CP) France prévoit d’apporter une réponse à ce besoin croissant. La filiale lancera dans le courant de l’année une Sawing Academy, une série de formations autour des découpeuses thermiques ou électriques, des scies murales et des scies à câble. « Nous formons déjà nos partenaires, mais nous devions formaliser cette démarche en vue de proposer offre de service, précise Cyprien Lucas, directeur marketing d’Husqvarna CP France. La demande vient du terrain. Nos clients souhaitent que leurs salariés soient mieux formés afin de réduire les accidents. »
De la radiocommande à l'automatisation
En parallèle, les industriels réfléchissent depuis plusieurs années aux moyens d’intégrer ce critère dans le développement de leurs produits. « Toute évolution technique doit être conçue avec les opérateurs, analyse Manuel Martin. Dans le cas du sciage, l’augmentation des performances ne s’est pas faite aux détriments de la sécurité. Les fabricants sont attentifs à cet aspect. Les nouvelles technologies contribuent en outre à donner une meilleure image de la profession. » Cette dynamique a tout d’abord donné naissance aux commandes à distance pour les scies murales et les scies à câble. « Depuis 2010, Tyrolit propose des radiocommandes, expose Laurent Gerard. Aujourd’hui, toutes nos scies murales sont compatibles avec ce type d’accessoire. La portée maximale est comprise entre 8 et 10 m. L’opérateur peut ainsi se positionner en dehors de la zone de danger. » Chez les principaux constructeurs, ces accessoires sont souvent compatibles avec plusieurs références. Dans le même temps, les matériaux des capots ont changé. « L’emploi de l’ABS thermoformé (acrylonitrile butadiène styrène, un polymère présentant une bonne résistance aux chocs - N.D.L.R.) leur confère une plus grande rigidité et un poids plus faible », relève le responsable. Car la chasse aux kilos, en partie responsable des troubles musculosquelettiques, est devenue une autre priorité. « Notre scie murale WSE1621 ou notre scie à câble WCU17 sont composées de plusieurs éléments démontables, chacun pèse moins de 25 kg », poursuit-il. Même constat chez Hilti : « nos scies câbles sont démontables avec des éléments de moins de 12 kg chacun, souligne Christophe Menou. Quant à nos scies murales, la tête est d’un seul bloc, mais avec un poids de 28 kg, elle reste l’une des plus légère du marché. »
Une autre voie plus récente consiste à intégrer des systèmes qui influencent les gestes des compagnons. Du côté de Tyrolit, ce sont les carters des derniers modèles qui résistent aux mauvaises pratiques. « La partie centrale du carter doit être en place pour que l’eau puisse suivre le circuit normal de refroidissement de la lame, détaille Laurent Gerard. Si elle n’est pas installée, le liquide ressort dans le vide. » Dans la même veine, les découpeuses SmartGuard d’Husqvarna possèdent « un carter de disque qui empêche l’opérateur de couper avec le haut du disque. Il doit utiliser le bas de l’outil », explique Cyprien Lucas. Le manufacturier suédois a d’ailleurs lancé l’année dernière de nouvelles pistes en matière de prévention. Les disques de sa gamme Elite-Cut sont dotés de plusieurs indicateurs visuels qui fournissent des informations quant à la profondeur de coupe, le dégagement latéral et l’usure du composant. « Nous avons amélioré la visibilité du marqueur d’usure », note le directeur. Mais sa sortie majeure demeure sa première découpeuse à batterie, la K 1 Pace. L’électricité et son absence d’émissions facilitent le travail en milieu confiné. « Elle incorpore du reste le dispositif X-Alt, un frein d’urgence qui arrête le disque en cas de fonctionnement inhabituel. » Ces outils arrivent progressivement chez les distributeurs. « Les pénuries ralentissent leur commercialisation, mais nous avons déjà des demandes. »
La dernière forme de soutien technologique est à retrouver dans le catalogue d’Hilti. Dévoilé en 2018, le Cut Assist est désormais disponible pour tous les modèles de scies murales et de scies à câble de la marque. Dans un certain nombre de cas, ce système contrôle sans intervention humaine la découpe : il détecte la surface, régule le débit d’eau et la vitesse, arrête le moteur une fois l’opération terminée. Le compagnon peut ainsi s’éloigner de l’appareil. L’électronique écarte également les erreurs de réglage. Toutes les informations liées à l’activité de la machine sont enregistrées. « Cette technologie n’a pas encore un standard, mais elle le deviendra, assure Christophe Menou. L’opérateur peut choisir d’activer le Cut Assist ou de travailler manuellement. Le recours à ce dispositif semble beaucoup dépendre de l’âge de l’utilisateur. Les plus jeunes l’emploient plus régulièrement. » Nul doute que les autres fabricants relèveront bientôt ce défi.
* : Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics
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