
Depuis plus de vingt ans, les entreprises de TP sont engagées dans une trajectoire de réduction des émissions et de diminuer l’empreinte carbone des matériels sur les chantiers. L’évolution de la réglementation de la taxation du gasoil, finalement actée pour le 1er janvier 2023 et l’essor de la politique RSE dans les entreprises expliquent l’intérêt croissant pour les biocarburants. En outre, les exploitants, qui disposent de flottes captives de PL dont les moteurs sont compatibles avec le biocarburant B 100, souhaitent obtenir la compatibilité pour leur flotte de matériels. « Nous avons souhaité donner à la filière, des éléments objectifs, destinés à éclairer leurs choix », explique Laurent Puybaret. « La vision globale dont nous disposons, au travers des syndicats Seimat** et Simotherm*** nous a permis d’aboutir à un consensus et à avancer quelques recommandations sur le bon usage des biocarburants ». Un exercice particulièrement difficile dans le secteur des TP, considérant les enjeux législatifs, techniques, économique et logistique qui en résultent.

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Laurent Puybaret, responsable du service Technique, Hygiène et Sécurité de la Ficime : « les biocarburants sont un des éléments de la solution mais en aucun cas, la panacée dans les TP »
Définition
Contrairement à ce que laisse entendre leur appellation, les biocarburants ne sont pas issus de la filière « Bio » mais sont produits à partir de matières premières biosourcées donc renouvelable. Ces matières premières sont essentiellement végétales mais il existe également des biocarburants produits à partir de graisses animales ou d’huiles végétales alimentaires usagées. À la différence des carburants fossiles, les émissions de CO2 issues de la combustion d’un biocarburant sont compensées partiellement par le CO2 capté durant la croissance de la plante lors de la photosynthèse. Le biodiesel est considéré comme une énergie renouvelable, non fossile, utilisée comme alternative au carburant pour moteur Diesel classique : gazole ou pétrodiesel. Schématiquement, il existe deux grandes familles de biocarburants : les esters méthyliques d’acides gras (EMAG) et les huiles végétales hydrotraitées (HVO). Il est important de préciser que le gasoil « classique », dit B7, contient 7 % d’EMAG et que le BIO 100 (contenant 100 % d’EMAG) n’est autorisé que pour les flottes captives, l’arrêté du 29 mars 2018 précisant que « le B100 ne peut être utilisé que dans des flottes professionnelles disposant d'une logistique d'approvisionnement spécifique et de leurs propres capacités de stockage et de distribution. »
Préconisation
L’utilisation d’un biodiesel, qui n’est pas neutre sur le comportement et le fonctionnement du moteur, peut entraîner une limitation de la puissance et une surconsommation de carburant. En recourant au B100, la performance et la durée de vie d’un moteur diesel classique se dégradent, et nécessitent des adaptations au niveau du système d’injection et des catalyseurs DOC/SCR. Les intervalles d’entretiens sont également généralement plus courts. Techniquement, le HVO100 peut être utilisé dans des moteurs à combustion diesel classiques avec peu (voire pas) de modifications. À ce stade, la prestation de « départ à froid », n’est pas encore vérifiée par les constructeurs. Comme le souligne Laurent Puybaret, « il y a assez peu de recul sur l’utilisation des biocarburants dans les moteurs des engins de Travaux Publics, ce qui ne permet pas de garantir une fiabilité des moteurs à long terme, avec des répercussions sur les garanties, notamment en utilisation mixte, B7 et biocarburants, par des utilisateurs dont les loueurs. Il est donc nécessaire de réviser les arrêtés B100 afin de clarifier la notion de flotte captive et de véhicule compatible ». Les moteurs de dernière génération (Stage V) sont conformes à la réglementation européenne la plus stricte sur les émissions de polluants. Ils présentent la meilleure efficacité énergétique et permettent même de garantir le respect des limites d’émission pendant 6 000 heures de fonctionnement. Mais ce niveau de performance s’accompagne de contraintes, notamment sur le carburant à utiliser En effet un moteur Stage V est certifié pour un carburant donné (généralement le carburant de référence B7) et tout autre carburant nécessite une nouvelle certification et donc un nouveau passage sur le banc d’essais. En outre, un engin ne doit être utilisé qu’avec le carburant correspondant à la cartographie du moteur. De fait, ni les motoristes ni les fabricants de matériels de chantier, qui proposent des produits sur les marchés mondiaux n’ont vocation à apporter une technique vis-à-vis d’un changement de la fiscalité applicable au gasoil non routier en France. Après plus d’un siècle d’utilisation d’un carburant unique, l’avenir est donc au mix énergétique.
*Fédération des entreprises internationales de la mécanique et l’électronique.
**Syndicat des entreprises internationales des matériels de Travaux Publics, Mines et Carrières, Bâtiment et le levage.
***Syndicat des fabricants mondiaux des moteurs thermiques.
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