
2020, ou la croisée des chemins. Confrontés à une pression grandissante des pouvoirs publics et à l’émergence d’une jeunesse plus sensible aux questions environnementales, les constructeurs d’engins de chantier se doivent de définir une stratégie autour des alternatives au gazole. De par leurs tailles et leurs applications, les mini-pelles sont les premières concernées par ces changements d’orientations. Et après une décennie de tergiversations, il semble bien que le mouvement soit définitivement enclenché depuis 2019, tout du moins en ce qui concerne l’électrique. Car, pour le moment, ce sont les batteries qui s’imposent comme les principales remplaçantes des dérivés pétrolifères. Deux constructeurs, Bobcat et JCB, ont lancé la production d’une pelle à électrons durant l’été 2019. La marque au lynx a sorti de son usine tchèque de Dobris l’E10e, une machine d’une tonne adapté aux espaces contraints : zéro déport et une largeur minimum de 71 cm grâce à sa voie variable. Ce poids-plume possède une autonomie maximale de 8 heures. Sa charge dure une nuit, à moins d’utiliser un compresseur de suralimentation externe, auquel cas 2 heures suffise pour remplir 80 % de la jauge.
De son côté, JCB commercialise la 19Z-1 E-tech, 1,9 t sur la balance. Les caractéristiques des batteries sont sensiblement les mêmes : une capacité maximale comprise en 7 et 7,5 heures, ramenée à 4 ou 6 heures en cas d’usage intensif. Le plein nécessite également une nuit. L’industriel anglais propose aussi un Super Charger qui accélère le mouvement. Ce défaut de la charge paraissait néanmoins à même de décourager nombre d’utilisateurs. Avec près d’un an d’expérience au compteur, Philippe Girard, directeur général de JCB France se montre confiant sur ce point : « ces cycles conviennent aux clients. L’emploi du Super Charger reste assez faible. » En novembre dernier, le manufacturier a réalisé une première livraison très médiatisée à la société Loxam. « Nous comptons parmi les principaux fournisseurs de Loxam. Ils avaient participé à l’élaboration de notre machine. C’est donc dans la logique des choses, remarque Philippe Girard. Par ailleurs, il y a une volonté de Monsieur Déprez (Gérard Déprez, président de Loxam, voir p. 16 et 17 - N.D.L.R.) et de l’ensemble du groupe d’aller dans cette direction. D’autres loueurs, plus discrets, ont fait de même. Mais la majorité des acquéreurs sont de grands groupes, tels que Sade ou Suez, des structures concernés par les travaux urbains. » C’est en effet dans cet environnement que les propriétés des moteurs électriques sont prisées. Les entreprises sont prêtes à un surcoût pour se passer des gaz d’échappement et réduire leurs émissions sonores. Signe d’un changement de perception, des agences de location spécialisé dans l’électrique commencent à apparaître, à l’image de BLS Location avec sa gamme e-BLS. Au sein des grosses firmes, l’influence grandissante des services chargés de la qualité, de la RSE (responsabilité sociale des entreprises) ou de la communication joue en faveur de ces machines.
Des usages inattendus
Mais, pour Philippe Girard, le plus intéressant est ailleurs : « nous découvrons de nouvelles applications. Par exemple, un de nos clients utilise notre mini-pelle 19Z-1 E-tech pour des chantiers effectués dans les hôpitaux, là où il ne pouvait pas utiliser un engin Diesel. Les sociétés qui opèrent dans les tunnels y voient un moyen de s’affranchir des systèmes de ventilation, lourds à mettre en œuvre. » Ici, le tarif supérieur de l’engin est compensé par un service inédit ou la suppression d’un procédé encore plus onéreux. Dernièrement, JCB a présenté un pack de batteries transportable, afin de recharger ses matériels sans accès au réseau. Le fabricant cherche à convaincre les acteurs qui redoutent encore la panne sèche, mais aussi à créer un débouché supplémentaire pour ses accumulateurs. « Nous employons la même technologie de batteries pour tous nos matériels électriques. Si nous multiplions les volumes de ces composants, les coûts baisseront », analyse le directeur général. L’industriel est d’ailleurs à l’affût de toute possibilité d’amélioration dans ce domaine. « Nous avons pris de l’avance par rapport à nos confrères et nous montons en puissance. Les données récoltées par le biais de JCB Livelink (le système de télématique du groupe - N.D.L.R.) nous donnent de nombreuses informations quant aux comportements des batteries », souligne Philippe Girard. Pour autant, pas question d’abandonner le gazole. « Nous saisissons toutes les opportunités pour notre matériel électrique, mais nous proposons toujours la même machine en version Diesel. Cette complémentarité de l’offre restera pertinente. »
L’émergence d’une offre
La réponse des confrères devrait arriver dans les prochains mois. Volvo CE s’est montré le plus disert à ce sujet. En septembre 2019, le manufacturier a annoncé la fourniture pour essais d’une mini-pelle ECR25 électrique à Spac, une filiale de Colas. La société a testé cet engin de 2,5 t dans le cadre d’un chantier de tranchées dans l’enceinte d’un golfe à Saint-Nom-la-Bretèche, dans les Yvelines. Cette expérience était motivée par une volonté de réduire le bruit et les dégagements polluants. Le 25 février, le groupe suédois a ajouté une rubrique « Électromobilité » à son site internet. Les internautes de cinq pays peuvent y pré réserver l’ECR25 : la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Norvège. La production démarrera durant le second semestre. Au cours de cette même période, Takeuchi devrait aussi mettre sur le marché sa mini-pelle TB220e, l’équivalent à électron de la TB216 (1,8 t). « En milieu urbain, les réductions de divers types de pollution sont au goût du jour, l’électrique a donc une belle carte à jouer, même si le pays n’est pas encore prêt pour le tout électrique, indiquais à Chantiers de France en décembre Morgane Pisanu, directeur des ventes et du marketing de Takeuchi France. C’est sans doute un plan sur dix ans. Mais les premiers acteurs auront un temps d’avance le moment venu. » Le produit est déjà en précommande. Quant au précurseur des engins à batteries, Wacker Neuson, sa mini-pelle EZ17e (1,7 t) est attendue dans les prochains mois. En outre, le constructeur étudie la possibilité d’une déclinaison à électrons de l’EZ26 (2,6 t).
Le gaz ou l’attente
Cependant, exception faite de ce quintette, le reste du secteur ne parait pas encore décider à troquer son réservoir pour des accumulateurs. Parmi ces critiques du lithium-ion, Kubota a choisi de privilégier une autre énergie. L’industriel japonais fabrique depuis quelques années des moteurs à allumage commandé. Ceux-ci sont compatibles avec l’essence, le gaz naturel ou le gaz de pétrole liquéfié (GPL). La société compte exploiter ces composants pour commercialiser une mini-pelle au gaz en 2021. « Nous sommes précurseurs dans ce domaine, expliquait Bernard Dewaele, directeur marketing et produit de la Division construction de Kubota Europe, à Chantiers de France en octobre dernier. Par rapport à l’électricité, le gaz ne présente pas la contrainte de la recharge. Il suffit de changer la bouteille. On peut ainsi travailler sans interruption. »
Quelques frémissements montrent que les autres fabricants ne sont pas insensibles à cette dynamique. Entre autres illustrations, citons Hyundai CE qui a décidé d’ajouter un câble de branchement à sa HX10A (1 t) ou Yanmar Construction qui a exposé un prototype électrique et autonome lors du salon Bauma en avril 2019. Mais, dans l’ensemble, ils patientent encore avant de dévoiler leurs cartes : « Nous savons que nos clients ne franchiront pas le cap sans s’assurer d’un niveau de la qualité et de la fiabilité à minima équivalent de nos machines actuelles. CAT a toujours été à la pointe de l’innovation, et investis fortement dans la R & D pour répondre à ces attentes », précise Elric Terver, responsable marketing de la Division produits de construction de bâtiment de Bergerat Monnayeur, le distributeur de Caterpillar en France. Si la charge est lancée, la bataille n’a donc pas encore commencé.
">Continuez votre lecture en créant votre compte et profitez de 5 articles gratuits
Pour lire tous les articles en illimité, abonnez-vous