Après avoir été confrontée en 2022 aux pires difficultés économiques depuis la seconde guerre mondiale, comment se présente l'année prochaine ?  Pour répondre à cette question et éclairer la vision de ses adhérents, la fédération des matériels a invité Emmanuel Lechypre à l'occasion de la journée des métiers DLR. Décryptage.

2022, une année de chocs sans précédent. L'éditorialiste de BFM Business et RMC, les effets conjugués de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine, constituent les plus grands chocs pour notre économie. Les conséquences sont plurielles : flambée des matières premières, pénuries majeures, hausse marquée des taux d'intérêts des banques centrales, sans oublier le retournement des marchés boursiers et tout particulièrement l'effondrement des valeurs technologiques. Au niveau macroéconomique la tempête a fait rage, mais, grâce aux aides publics, les entreprises ont plutôt bien résisté. "Il se peut que cela soit l'inverse en 2023, prévient Emmanuel Lechypre. L'année prochaine pourrait être plus calme en matière de macroéconomie, avec un certain apaisement et une croissance très modérée (Ndlr : +0,3% selon les dernières estimations de la Banque de France), dont une année de convalescence. En revanche, ce sera plus dur pour les entreprises sur le plan financier puisqu'il faudra supporter la hausse des coûts d'approvisionnement et être en capacité de répercuter ces augmentations dans les prix de vente". Si l'on ajoute à cela, le remboursement des PGE, on comprend que l'année prochaine mettra à l'épreuve les entrepreneurs. Pour autant, tout n'est pas négatif. L'économie française devrait rester en croissance, même si le rythme baisse sensiblement. En outre, l'investissement devrait résister grâce à une situation financière, certes plus tendue, mais pas catastrophique.

Inconnues

En réalité, 2023 est conditionnée par l'évolution de deux inconnues majeures, aux premiers rangs desquelles figure l'inflation. En considérant que tous les germes de la hausse de prix perdent progressivement de leur vigueur, le profil de l'inflation devrait être celui de la décélération permanente. Déjà, les prix des matières premières (gaz, pétrole,...), de l'énergie (électricité) et des métaux sont redescendus des sommets atteints pendant l'été. Sur le front des microprocesseurs, la pénurie tend à se résorber et la situation revient progressivement à la normale dans le domaine de la logistique et des transports, notamment pour ce qui est du fret maritime. "Tout cela nous fabrique une inflation encore forte en début d'année, et encore plus forte au premier trimestre en France qu'ailleurs en raison de la disparition progressive des dispositifs de soutien au pouvoir d'achat, estime Emmanuel Lechypre. Autrement dit, nous devions démarrer l'année avec un taux de l'ordre de 6 à 7% pour atterrir autour de 2 à 3% en fin d'année. Autre inconnue, l'évolution de la pénurie de main-d’œuvre, ou comment recruter en 2023 ? La pénurie est là pour durer et les difficultés persisteront au-delà de l'année prochaine. Plus des deux tiers des chefs d'entreprise déclarent avoir du mal à embaucher, un tiers estimant même être pénalisées dans leurs activités quotidiennes pour produire, vendre et servir faute de personnel. Le manque de "bras" est particulièrement sensible dans la filière de la construction et des matériels, et la réévaluation des salaires (soit +4 à 5% en 2022 et sans doute autant en 2023), ne suffira pas à résorber cette difficulté structurelle. "La pénurie de main-d’œuvre est sans doute le principal défi auquel les entreprises seront confrontées dans les prochaines années, affirme Emmanuel Lechypre. Le problème est à la fois quantitatif, qualitatif et d’efficacité ».

Le nombre de candidats aux postes proposés n’a en effet jamais été aussi bas. Quant aux compétences des salariés, elles sont impactées par un niveau de formation mauvais". En 2030, 85 millions d’emplois seront vacants dans le monde contre 370 000 en France en 2022, soit +75% par rapport à 2019. C’est là que l’immigration pourrait intervenir, car elle représente 5% de la main-d’œuvre mondiale, et met ce qu’on appelle de l’huile dans les rouages ». Tous secteurs confondus, les salaires ont progressé en moyenne de +3% à +4% en 2022 pour les salariés en poste. Ils augmenteront encore de +5% en 2023, contre +6% à l’embauche, alors que la hausse atteint +9% pour les salariés travaillant dans la construction. Comme le mentionne l'éditorialiste, « pour l’instant, la grande peur des salariés concerne le pouvoir d’achat. Ce sont donc les salaires dont le coût est supporté par les entreprises qui sont concernés. Rappelons seulement que le meilleur investissement c’est celui qui a un coût », Autre motif de satisfaction, l’activité industrielle assez atone en 2023 côtoiera un secteur du BTP qui tire son épingle du jeu. Globalement, le climat des affaires reste bon dans la Construction. 

Vents contraires

Pour le 3e trimestre de l'année, le baromètre DLR/Asteres fait état de signaux contraires : certes, le chiffre d'affaires s'inscrit en hausse sur un an, mais il apparaît en contraction sur la période. En glissement annuel (3e trimestre 2022 par rapport au 3e trimestre 2021), les trois secteurs affichent de fortes progressions de chiffre d’affaires, de +5,0% pour la location à +18,3% pour la distribution de matériel de construction, en passant par +6,3% pour la distribution-location de matériel de manutention industrielle et agricole. En revanche, les trois métiers ont vu leur chiffre d’affaires se contracter par rapport au 2e trimestre, avec des baisses allant de -1,6% dans la distribution-location de matériel de manutention à -5,4% dans la location de matériel de BTP, avec un secteur de la distribution entre les deux, à -2,6%. Cette évolution contrastée indique donc une forte progression de l’activité depuis un an, suivie d’un retournement récent, une tendance qui est globalement similaire à celle de la dynamique des économies occidentales impactées par les répercussions de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique. De fait, Les entreprises des trois secteurs subissent des difficultés communes à une large part de l’économie française : des délais de livraison élevés, voire des pénuries pour certains composants, une hausse des coûts et notamment des prix de l’énergie, des difficultés de recrutement et l’augmentation des taux d’intérêt. Ces difficultés ont été accrues par les grèves dans les raffineries qui ont compliqué l’approvisionnement en carburant et, pour certains métiers comme la location, par les aléas de la météo.

Nuages à l'horizon

Le climat économique global s’assombrit, notamment dans la construction où les nuages pointent à l'horizon. La croissance économique, limitée à 0,2% au 3e trimestre, pourrait être légèrement négative au 4e. La baisse sensible du climat des affaires est à ce titre un indicateur plutôt préoccupant. Dans la construction, la progression du nombre de permis de construire délivrés ralentit et les mises en chantier stagnent par rapport à l’année précédente. Les anticipations des adhérents DLR pour le dernier trimestre 2022 restent plutôt optimistes au vu du climat économique global dégradé. Les intentions d’embauches et d’investissement ainsi que les prévisions d’activité pour le trimestre à venir ont rebondi dans la distribution de matériel de BTP et de manutention. La location de matériel de chantier est dans une situation plus mitigée, avec une faible hausse des intentions d’investissement mais une baisse des intentions d’embauche et des prévisions quant à l’activité.

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