En pleine crise énergétique, le groupe a tenu à rappeler fin septembre sa présence forte dans tous les segments de cette nouvelle filière gazière.

L’hydrogène promet beaucoup depuis deux décennies, sans pour autant réussir à dépasser le stade des projets de démonstration, fiables mais coûteux. La situation serait-elle sur le point d’évoluer ? Les cadres de Vinci ont en tout cas jugé à propos d’organiser une rencontre avec la presse fin septembre. Le groupe voulait montrer ses positions avant un éventuel décollage du secteur. « Nos premières réflexions autour de ce sujet remontent à 2017, mais depuis deux ans, l’ouverture de guichets d’aide en Europe, aux États-Unis ou en Chine changent le marché, analyse Xavier Huillard, président-directeur général de Vinci. Ces structures soutiennent des projets qui n’ont pas encore atteint la rentabilité. Le photovoltaïque n’a pas toujours été compétitif. Il a reçu des subventions pendant une dizaine d’années. Nous avons besoin d’un appui similaire pour l’hydrogène. »

Une marque plutôt qu’une société

Le géant du BTP compte des entités capables d’intervenir dans toutes la chaîne de valeur de l’hydrogène : la conception et réalisation d’installations diverses (Vinci Construction, Vinci Énergies ou encore Cobra IS), la pose de pipelines (Spiecapag), le stockage (Geostock) ou la distribution sur les autoroutes ou dans les aéroports (Vinci Concessions). « Nous possédons déjà l’essentiel des compétences en interne, précise le P.-D.G. Le secteur de l’énergie représente 20 milliards d'euros de notre chiffre d’affaires. » Fidèle à sa stratégie, la firme ne prévoit pas constister une société spécifique pour ce segment. Elle a néanmoins créé la marque Hyfinity qui symbolise son offre en matière d’infrastructures de production.

Ces différentes entreprises participent à plusieurs chantiers précurseurs. France Ingénierie Process, filiale de Vinci Énergies, a mené les études nécessaires à la création de la station de production et de distribution d’hydrogène près de la porte de Saint-Cloud à Paris. Elle devrait générer une tonne de gaz par jour qui alimentera des taxis. La mise en service est annoncée pour l’automne 2022. Vinci Autoroutes et Vinci Airports annoncent aussi des stations de distribution dans l’aire de Toulouse-Sud et dans l'enceinte de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry.

Les promesses espagnoles

De l’autre côté des Pyrénées, Hyfinity a été retenu avec Técnicas Reunidas et PowerChina Guizhou Engineering pour soumettre un projet de conception-construction du réseau Hydeal España. Cette opération s’annonce gigantesque : 9,5 GW de panneaux photovoltaïques répartis dans plusieurs sites en Castille-Leon et en Aragon, 7,4 GW d’électrolyseurs, environ 1 000 km de pipeline et du stockage souterrain. « La première usine d’hydrogène devrait être mise en service en 2026 et la dernière en 2030. À terme, le prix de l’hydrogène de ce dispositif devrait atteindre 60 euros du MWh, moins cher que le gaz naturel », explique Bruno Nicolas, directeur de la marque Actemium au sein de Vinci Énergies. Le groupe est aussi engagé dans dossiers plus ou moins avancés à Murcie : une station de recharge multimodale (électricité et hydrogène) et une centrale photovoltaïque couplée à des électrolyseurs en vue de fournir de l’hydrogène à des industriels.

Au-delà de ces applications proches de la commercialisation, Vinci prend part à des projets expérimentaux : Jupiter 1 000 en France, un démonstrateur de synthèse de méthane à partir de dioxyde de carbone et d’hydrogène, et une installation de stockage de grande profondeur près de Berlin avec le fournisseur de services énergétiques Ewe. En outre, Vinci Construction participe à hauteur de 7 % au capital de Genvia, une entreprise française qui planche sur une technologie d’électrolyseur à haute température. « Ce procédé devrait afficher un meilleur rendement que les modèles muni d'une membrane à électrolyte polymère, note Pascal Baylocq, membre du conseil d’administration de Genvia. Il est réversible. L'électrolyseur peut également tenir lieu de pile à combustible. Dans ce second mode, il peut générer du courant avec de l’hydrogène, mais également avec du méthane, de l’ammoniac ou du méthanol. Notre feuille de route prévoit un déploiement industriel entre 2025 et 2030. »

Amorcer la dynamique

Dernier étage de la fusée, la multinationale a créé avec Air Liquide et TotalEnergies un fonds d’investissement hydrogène bas carbone l’année dernière. Les trois fondateurs ont apporté chacun 100 millions d’euros. Cette structure vise à rassembler deux milliards d’euros en vue de prendre des tickets minoritaires dans des opérations liées notamment à la mobilité ou à la production de gaz. « Nous souhaitons investir dans 20 milliards d’euros de projets partout dans le monde, mais principalement dans les pays où l’hydrogène est plus développé », détaille Éric Delobel, directeur technique de Vinci Concessions.

En conclusion, questionné quant aux ambitions financières de ces multiples démarches, Xavier Huillard se montre elliptique : « impossible de répondre quant au rôle que nous jouerons dans cette aventure, mais nous avons des bonnes raisons d’agir. De gros montants seront investis dans ce secteur. La croissance économique est liée à l’énergie. Il faut développer les énergies renouvelables. Et l’hydrogène constitut un moyen de stocker l’électricité. Son écosystème est en train de se construire. Airbus promet un avion à l’hydrogène en 2035 ou 2040. Que devons-nous faire ? Nous devons nous sensibiliser progressivement à ce vecteur. »

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