
Au fil des éditions, ces rencontres se sont imposées comme la plateforme de partage d’expérience des différents acteurs de la construction. En sortie de crise sanitaire, cette 4e édition revêt un caractère particulier alors que l’industrie de la construction se transforme profondément, posant les grands enjeux du secteur pour les années à venir. Transition écologique et transformation numérique, nouveaux modes constructifs, le secteur se doit d’évoluer tant il est acquis que l’on ne construira pas dans 15 ans comme on le fait aujourd’hui. À ce titre, l’appropriation des nouvelles technologies par tous les acteurs du chantier constitue un enjeu de premier plan. Déjà, l’émergence du BIM oblige aux différents intervenants, industriels, entreprises et fabricants de matériels, à communiquer entre eux sur toute la chaîne de valeur. Avec le numérique et l’internet des objets, c’est la connectivité du chantier qui s’inscrit en filigrane et son volet énergétique.
Empreinte carbone
La décarbonation du chantier est probablement le défi le plus ambitieux à relever au regard des efforts à fournir pour atteindre les objectifs affichés. Pour rappel, il s’agit de réduire les émissions de GES de 7 % par an et jusqu’à l’horizon 2060 afin de contenir les effets du changement climatique. « L’amélioration continue ne suffira pas. Il va falloir des ruptures », estime Fabrice Luminet, directeur central Développement Durable et QSE chez Bouygues S.A., « En France comme à l’international, le centre de gravité de la construction va se déplacer du neuf vers la rénovation ». Dans ce secteur, les techniques de restauration et de réhabilitations encore très artisanales devront donc être industrialisées afin d’être compétitives. Il faudra notamment changer la nature des matériaux et des matériels pour construire avec une empreinte carbone moindre. Comment ? En misant sur l’innovation, en concevant des systèmes constructifs de plus en plus passifs et en s’engageant sur la voie de l’électromobilité. « Il est vraisemblable qu’en 2030 il y ait, dans les villes, plus de voitures électriques que de voitures thermiques », poursuit Fabrice Bonnifet. « Les bâtiments vont devenir des hubs de mobilité partagée à même d’approvisionner en énergie ces véhicules ». À l’aube de ces changements structurels, les entreprises comme les fabricants doivent être pionniers audacieux, en expérimentant des nouvelles façons de faire. Cela implique de définir un nouveau modèle économique pour les matériels de chantier. Ces derniers sont, de fait, principalement conçus pour les chantiers de construction neuve. Le constat de l’urgence est partagé Jean-Luc Barras, directeur Achats du groupe, qui rappelle l’enjeu de mesure objective. L’électrification des matériels pose la question de leur usage, qui va devoir changer mais aussi de toute la logistique associée dans le domaine de capacité de charge et d’équipement de recharge. Depuis deux années, le groupe Vinci travaille sur sa feuille de route qui prévoit une baisse de 40 % des émissions d’ici 2030. « Le Scope 2 des entreprises de travaux publics c’est 90 % de matériels, le solde étant en Scope 3 », rappelle Didier Thévenard, directeur Matériel de Vinci Construction Terrassement. « Il faut donc se concentrer sur les matériels et les véhicules. Or l’offre n’est pas là. Les constructeurs ne proposent que des gammes d’engins de moins de 3 t qui ne représentent que de 10 % à 12 % des émissions. De fait, près de 90 % des matériels de chantiers n’ont pas d’alternatives. Nous attendons des constructeurs qu’ils s’engagent. Quand Volvo CE annonce s’engager sur l’ensemble de ses gammes, nous savons que nous disposerons de matériels lourds avec des motorisations électriques ".
Transition énergétique
À leur tour, les fabricants de matériels sont mis au défi de faire évoluer leur gamme. Après avoir intégré les questions de bien-être au travail et d'ergonomie, le nouveau regard sur les enjeux sanitaires et l'accélération des exigences des exploitants dans le domaine du confort, de la sécurité ainsi que dans le domaine de la transition écologique ils doivent donc apporter des solutions innovantes. . « Nous balbutions à parler de matériels électriques. Nous avons gagné 2 ou 3 dans le développement produit qui sont à présent commercialisés et exploités », observe Philippe Girard, directeur général de JCB France. « Nous avançons très vite ». Au-delà de suivre l’évolution des normes régissant les émissions des motorisations, JCB travaille sur le diesel « décarbonné », notamment grâce aux carburants de synthèse. L’industriel anglais est convaincu que le diesel n’est pas mort, deux limites à l’électrification des gammes ayant été identifiées. L’une d’ordre technique, avec des interrogations sur la capacité de fournir suffisamment d’énergie pour animer les matériels, l’autre d’ordre économiques, avec des réserves sur les coûts induits par les batteries lithium-ion de forte capacité. Parallèlement, les recherches sur l’hydrogène avancent. La mise au point d’un prototype de pelle sur chenilles sur le segment de 20 t dotée d’une pile à combustible et des tests sur sept matériels fonctionnant avec un moteur à combustion fonctionnant à l’hydrogène. De quoi atteindre la neutralité en émissions de carbone et des niveaux de NOx proches des exigences du Stage VI. Les développements sur les moteurs à l’hydrogène s’annoncent prometteurs. Pourquoi ? « Quand une pile à combustion va coûter 20, le développement du moteur va coûter 1, la structure même de la machine n’est pas bouleversée. L’intégration de la pile à combustion se fait simplement et rapidement ». répond Philippe Girard." La production de l’hydrogène et les infrastructures de stockage et de livraison sur le chantier sont à élaborer. En tant que constructeur, nous ne pourrons pas tout assumer. Peut-être que demain, le loueur apportera la machine fonctionnant à l’hydrogène et l’énergie sur le chantier ». Sécurité et environnement chez Haulotte également, l’industriel français ayant annoncé en 2018 sa conversion aux motorisations électriques, avec le lancement de la gamme nacelles élévatrices à ciseaux tout terrain électriques Pulseo. « Sur les aspects de sécurité d’environnement, nous ne sommes plus dans l’intention mais bien dans le faire et la réalisation », confirme Philippe Luminet, responsable Innovation du groupe Haulotte. Le système anti-écrasement illustre cette évolution. Après avoir été dévoilée l’année dernière, cette innovation est désormais installée sur les nacelles destinées à Loxam. Considérant qu’il est impossible de distinguer les enjeux liés à l’environnement de ceux liés à la sécurité, les aspects technologiques s’imposent comme prépondérants. Le croisement de la donnée et de l’énergie ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de la réduction de l’intensité carbone des matériels. Encore faut-il bien exploiter la donnée pour améliorer l’usage des engins de chantier. Considérant que plus un matériel est utilisé, plus il est rentabilisé, la notion d’intensité de l’usage mérite d’être travaillée par les fabricants. Afin d’en optimiser les plages d’utilisation, partager l’usage interprofessionnel, acheter mieux grâce à des commandes groupées et utiliser mieux chaque matériel, tant un engin de chantier mal exploité est une catastrophe pour l’environnement, sont autant de leviers sur lesquels les exploitants peuvent agir. Cette approche collaborative suppose de changer ses habitudes. Elle répond aux enjeux environnementaux et d’atteindre les objectifs de décarbonation fixés. Un nouveau paradigme se profile qui commande une collaboration inédite entre les entreprises et va nécessairement bouleverser le renouvellement des parcs. Si la connectivité constitue une aide efficace pour les exploitants, il y a urgence pour l’arrivée des nouvelles gammes à même de satisfaire aux objectifs de baisse des émissions. Sachant que la feuille de route des entreprises a pour horizon 2030 et que la mise sur le marché de nouvelles motorisations interviendra à partir de 2025, la marge de manœuvre est étroite. À court terme, l’amélioration de l’usage passe par une exploitation efficace de la donnée générée par les matériels. De fait, c’est toute la chaîne de la valeur qui est impactée et qui replace le loueur au cœur de la réflexion. Le prix du carbone, qui aura une incidence sur les tarifs, sera déterminant dans la réorganisation de la filière.
Trois questions à Gérard Déprez, Président du groupe Loxam
Pourquoi avoir ajouté "Environnement" aux Journée de la sécurité ?
C’est ce qui résultait de l’édition 2020. Nous avions pu observer que la sécurité était bien ancrée et que les matériels devaient être perçus dans un cadre plus large. Après la crise sanitaire, la priorité est donnée à la dimension environnementale. Loxam joue deux fois de son nom. D’une part, par sa taille, nous nous devons d’être plus vertueux pour tirer le secteur derrière nous et entraîner tous les acteurs de la location. D’autre part, par la masse de notre parc, qui permet d’influer sur certaines décisions et orienter les fournisseurs qui veulent se préparer à ces changements. Nous entendons être précurseur dans ce domaine en Europe. Les contraintes qui existent sont supportables par un groupe comme le nôtre.
Cette contrainte peut-elle être transformée en opportunité ?
Dans un premier temps, il est évident que la transformation énergétique a un coût. C’est donc une contrainte. Il se peut que nous ne soyons pas en mesure de répondre à la clientèle d’aujourd’hui. Mais dans un deuxième temps, avec l’effet « offre », nous répondrons encore mieux à la clientèle de demain. En cela, c’est une opportunité pour Loxam, qui va investit, au minimum, 6 Mds d'euros dans son parc à l'horizon 2030. Cela donne l’orientation que nous pouvons donner à notre parc. Bien sûr, il y a des contingences. Mais cela montre qu’il existe aussi de véritables points de bascule qui peuvent véritablement peser en faveur d’un fournisseur ou d’un autre selon qu’il ait ou pas une offre adéquation avec nos exigences environnementales. Nous sommes tous embarqués dans cette transformation énergétique et la nécessaire baisse des émissions. À court terme, il faut veiller à consommer moins à travail égal. Cela passe par des dispositifs simples comme les systèmes de stop&start, l’éco conduite mais aussi par l’amélioration de l’efficience des motorisations. Cela passe aussi par la donnée et l’analyse prédictive des parcs qui vont nous aider à moins consommer pour une même fonctionnalité. A plus long terme, il faut impérativement réduire notre empreinte carbone Le message est d’abord à l’adresse de nos clients. Loxam mettra à leur disposition des matériels vertueux sur le plan environnemental. Le message est également à l’adresse de nos fournisseurs de matériels que nous sensibilisons sur les volumes. Cela doit les aider à se préparer. Compte tenu de la courbe de renouvellement de notre parc, l’accélération se produira en fin de période. Aujourd’hui, nos investissements sont limités par la disponibilité de ces matériels qui ne représentent que 40 % de nos achats. En fin de période, c’est-à-dire en 2029, ils devraient être de 100 %. À cette échéance, il est vraisemblable que l’obsolescence des gammes les plus anciennes s’accélère aussi.
Qu'est ce qui vous a motivé à dévoiler la trajectoire carbone du groupe ?
Nous souhaitons accélérer notre démarche environnementale en soutenant l'initiative Science Based Targets. Portée conjointement par le Global Compact des Nations Unies, le Carbon Disclosure Project, le World Resources Institute (WRI) et le World Wide Fund for Nature (WWF), cette initiative favorise la mise en place de trajectoires climatiques ambitieuses, dont le cadre est validé par des experts. Loxam s’engage à réduire, d’ici à 2030, ses émissions directes de 50% et ses émissions indirectes de 30 %, par rapport à 2019, son année de référence. Inscrits dans les accords de Paris sur le climat, les objectifs affichés de Loxam lui permettent ainsi de contribuer à limiter le réchauffement climatique à l’objectif ambitieux de 1,5 °C.
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