
La table ronde de l'événement a mis en évidence différents freins à la réduction des accidents et des émissions.
La réussite du loueur dépend de l’adéquation entre son parc et la demande. Il a donc tout intérêt à inviter les entreprises de construction et les constructeurs à dialoguer. Les trois partis peuvent ainsi mieux saisir les aspirations de chacun. Loxam s’est engagé dans cette direction avec ses Rencontres de la sécurité et de l'environnement. La cinquième édition s’est tenue le 22 juin dernier dans l’enceinte de l’hippodrome de Longchamp à Paris.
Le groupe avait convié ses clients à visiter les stands de fabricants et à assister à une table ronde consacrée au concept de matériels zéro émissions et zéro accident. « Il y a cinq ans, la question de la sécurité a pris une énorme importance, a souligné Gerard Déprez, président de Loxam, en introduction. L’environnement est ensuite apparu comme une nouvelle préoccupation. Nous avons des besoins dans ces deux domaines. Et si demain, nos fournisseurs actuels ne peuvent pas répondre à ces besoins, nous nous adresserons à d’autres fournisseurs. Nous avons déjà participé à des développements de technologie par le passé et nous sommes prêts à des partenariats pour passer du prototype à la grande série. »
La détection ne suffit pas
Si les intervenants présents ont tous insisté sur l’importance de cet objectif double zéro, les moyens d’y parvenir restent encore difficiles à cerner. « Les accidents de chantier ont baissé de 25 % en 10 ans, a indiqué Sébastien Marie, responsable du domaine travaux publics de l’OPPBTP*. Mais les prochaines avancées nécessiteront une rupture. Il faudra trouver de nouvelles solutions managériales et techniques. »
Le mouvement actuel qui consiste à multiplier les systèmes de détection ne satisfait pas le spécialiste. « Je ne suis pas convaincu que ce soit nécessaire ou suffisant. Nous pourrions peut-être nous inspirer d’autres secteurs. Le freinage d’urgence est notamment devenu un standard dans l’automobile. » Michel Poncelet, directeur des matériels bas carbone et de la sécurité des équipements de Colas, a été dans son sens : « Il ne faut pas que l’opérateur reçoive constamment des alertes ». « En matière de sécurité et de pénibilité, la mécanisation constitue aussi une source de progrès, a-t-il ajouté. Les attaches rapides et les porte-outils multidirectionnelles peuvent désormais remplacer une main. »
De son côté, Invivo, première union française de coopératives agricoles, testent divers produits afin d’en évaluer les qualités, « des alarmes intégrées à des gilets connectés par exemple ou des dispositifs de repérage des piétons », a précisé Emmanuel Houles, directeur des achats du groupe. Le responsable a indiqué une autre source de danger : l’utilisation de machines destinées au BTP dans le monde agricole. « Les tâches ne sont pas les mêmes. Les deux secteurs devraient se réunir pour imaginer des matériels en commun. »
Mix énergétique
Autre technologie émergente, les engins à batterie ne contribuent pas réduire les accidents sur les chantiers, mais ils peuvent lutter contre l’usure des compagnons. « Les matériels électriques contribuent à réduire les émissions de polluants et les bruits, a observé Sébastien Marie. Alors que le stockage d’hydrogène introduit un nouveau risque. »
Ce gaz s’avère en effet explosif. « Il faudra une montée en compétences des collaborateurs, a noté Caroline Mazzoleni, directrice hydrogène et smart energies de Bouygues Energies & Services. Néanmoins, l’hydrogène n’est pas la solution à tous les problèmes. En milieu urbain, les batteries sont idéales. Il faut se poser la question du mix énergétique. »
Pensez coût total de possesion
Du côté de Colas, Michel Poncelet a indiqué que toutes les pistes sont étudiées : gaz, électricité ou hydrogène. Emmanuel Houles a pointé le problème crucial du prix. « Les machines électriques sont environ 30 % plus chères que leurs équivalents thermiques. Nous devons développer une sensibilité au coût total de possession. »
À condition de prendre en compte l’ensemble de la durée de vie du produit, les batteries pourraient rivaliser avec les moteurs à explosion. Les maintenances sont moindres et les tarifs de l’électron sont inférieurs à ceux du gazole. Les constructeurs s’appuient tout particulièrement sur cet argument. Michel Denis, président-directeur général de Manitou Group, l’a rappelé au micro, « notre économie est complètement bousculée. Notre premier chariot télescopique électrique, le MT625E, affichera un coût total de possession égale à un modèle thermique. »
Le fabricant a également exposé une nouvelle nacelle électrique 160 ATJE, dotée d’une hauteur de travail de 16 m. Ses dirigeants ont bien l’intention de continuer. « Nous développons un chariot télescopique à l’hydrogène. Il devrait arriver sur les chantiers en 2024 », a promis Michel Denis.
Autre manufacturier engagé dans cette dynamique, Wacker Neuson a mis en avant ses pilonneuses à électron. Les packs de batterie de ces dernières sont compatibles avec les modèles de son confrère Bomag. « Nous présenterons d’autres machines électriques durant la Bauma, en octobre prochain à Munich », a signalé Marc Cavallo, directeur commercial de Wacker Neuson France.
Temps d'adoption
Invité à conclure ces échanges, Michel Forissier, directeur de l’ingénierie et du marketing de l’équipementier automobile Valeo, s’est montré très tranché quant à l’avenir des industriels qui resteraient accrochés au Diesel. « Dans notre secteur, nous savons depuis 26 ans que nous allons passer à l’électrique. Il y a deux réactions possibles, soit vous ne changez rien et vous mourez, soit vous voyez comment vous positionnez dans ce nouveau monde et vous préparez le changement. »
Anticiper des évolutions s’avère d’autant plus essentiel que les clients testent un procédé pendant plusieurs années avant de l’adopter. « Installer une innovation prend du temps. Nous avons conçu un système d’arrêt-démarrage automatique en 1995. Il a été intégré dans une automobile pour la première fois en 2004. La standardisation amène ensuite une baisse des coûts. » Sous ces auspices, la décennie 2020 s’annonce décidément comme une période délicate pour les constructeurs de matériels, contraints d’investir sans récupérer immédiatement leur mise.
* : Organisme professionnel de la prévention du bâtiment et des travaux publics
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