
Pierre Knoché
« Trop de matériels thermiques restent sans alternative à proposer aux professionnels », une interview de Pierre Knoché, Directeur général Kiloutou France.
Dans quel contexte économique évoluez-vous en France ?
Après s’être fortement contracté en 2020, le marché a bien rebondi cette année. Des disparités demeurent par type de clientèles. Dans le bâtiment, les dynamiques sont différentes entre le marché du neuf, toujours à la peine, et l’entretien-rénovation qui est bien reparti. Dans les TP, le redémarrage post élection municipale est plus linéaire. Côté clients, l’activité des majors est portée par les grands projets. Les acteurs régionaux sont dans une bonne dynamique, avec des croissances soutenues pour certains. Les artisans disposent de très bons carnets de commandes.
Renouerez-vous avec le chiffre d’affaires de 2019 ?
À ce stade, nous sommes conformes à nos prévisions. Nous sommes satisfaits de notre atterrissage de fin d’année.
Quelles sont vos perspectives pour 2022 ?
Nous disposons d’un portefeuille clientèle diversifiée. Nos clients ne s’attendent pas à un ralentissement significatif l’année prochaine. Ils sont plutôt confiants sur la poursuite de leur activité. Nous n’anticipons pas de secteur à l’arrêt.
Avez-vous identifié des freins à la reprise ?
Les ressources humaines sont tendues. Comme d’autres secteurs, les conducteurs de poids-lourds sont particulièrement demandés. À plus moyen terme, les ressources techniques dont nous avons besoin pourraient manquer. Pour cela, nous entendons poursuivre notre programme de recrutement avec 1 000 nouveaux équipiers attendus pour 2022.
Au-delà de la croissance organique, les opérations de croissance externe restent-elles d’actualité ?
Absolument. La stratégie de Kiloutou est de continuer à croître au travers de l’ouverture de nouvelles agences comme au travers d’acquisitions. Nous restons à l’affût d’opportunités, qu’elles soient d’ordre de notre maillage territorial, de compétences métier ou de positionnement client.
Quel est profil type des structures que vous recherchez ?
Nous considérons chaque dossier au cas par cas, notamment par rapport à notre présence dans les différentes régions où nous voulons encore progresser. Nous n’avons pas de zone blanche sur le territoire métropolitain. La croissance externe, qui a été plus forte en France qu’à l’international en 2021 et nous a permis de renforcer nos positions dans l’ouest et le nord reste d’actualité. Avec 450 agences réparties sur l’ensemble de l’Hexagone, il n’y a aucune urgence à nous renforcer sur tel ou tel territoire.
Le réseau d’agence reste la clé de voûte de la location ?
Je pense que l’on peut exister avec un maillage différent selon que l’on est plus spécialisé sur un segment de clientèle ou sur une région. La stratégie de Kiloutou consiste à proposer une gamme complète de matériels pour une clientèle diversifiée. À ce titre, les agences de proximité restent incontournables pour garantir la qualité de service et les conditions d’accès à nos clients, où qu’ils soient. Il faut aussi être sur les différents canaux de contacts avec la clientèle. La transformation numérique s’accélère. Nous ne reviendrons pas en arrière, nos clients de la construction ont pris le pli de la digitalisation et de la dématérialisation de la relation client, il faut aussi considérer que certains restent attachés à une pratique plus traditionnelle et continuent de passer en agence. Traditionnellement, le recours à la location s’amplifie au sortir des crises.
Le phénomène se vérifie-t-il après la Covid 19 ?
La pénétration de la location va progresser. Économiquement et techniquement, la location est la solution la plus intéressante. La location permet à nos clients d’alléger leur charge et de se délester de leur structure de maintenance de leur matériel. D’un point de vue financier, c’est aussi la possibilité d’équilibrer leurs investissements avec leurs coûts d’exploitation. Pour ces raisons, la location va se développer au détriment de la détention de matériel dans les années à venir, a minima sur les mêmes gammes qu’actuellement, voire sur des segments supérieurs de machines que l’on pourrait être amenés à reprendre dans nos parcs.
Pouvez-vous donner un exemple ?
Je pense à des matériels, au-delà des gammes compactes, qui peuvent être des matériels de production. Ces derniers, qui sont encore considérés comme stratégique par nos clients, pourraient, demain, être gérés par un loueur.
Cela pourrait faire partie d’une entité de spécialités aux côtés de la construction modulaire, de l’énergie et de la signalisation ?
Nous n’en sommes pas là. La location de matériels de production n’est pas encore à l’ordre du jour, notamment car la prestation inclue souvent l’opérateur de la machine. Si nous devions développer ce type de prestation, nous le ferions sous une forme différente.
Qu’est-ce qui a prévalu à la constitution d’une offre constituée exclusivement de matériels à motorisations alternatives ?
Avec cette nouvelle offre, ce sont quelque 3 500 machines qui sont disponibles dans notre réseau. Au-delà des motorisations Stage V, nous avons travaillé sur les matériels électriques, hybrides et biénergies pour constituer une offre nouvelle. La gamme Impakt s’inscrit dans le cadre d’une démarche initiée en 2010, avec la réalisation d’un premier bilan carbone des locations à destination de nos clients. Il s’agissait de les informer et de les sensibiliser sur les émissions engendrées par l’utilisation de nos matériels. Dix ans plus tard, et après différentes étapes, nous avons dressé un bilan carbone global pour le groupe, Kiloutou s’engageant en 2020 à réduire de 40 % ses émissions directes à l’horizon 2030 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Au-delà de nos émissions en propres, nous nous sommes engagés à accompagner nos clients sur leur propre trajectoire carbone sur le même horizon de temps. Les émissions directes de nos activités ne représentent que 6 % du volume total, 94 % étant des émissions indirectes, liées à l’utilisation de nos matériels sur les chantiers.
En quoi est-elle différente de ce que peuvent proposer vos concurrents ?
La démarche est particulière parce qu’elle est proactive. Nous n’avons pas attendu que le matériel soit disponible et diffusé sur le marché pour en commander en nombre. De plus, nous l’avons élargie à d’autres types de matériels. Notre objectif n’est pas de servir les majors de la construction avec des engins de chantier mais de toucher l’ensemble de notre clientèle. Nous avons donc travaillé sur différentes familles de produits que nous avons commencé à répandre sur l’ensemble de notre parc.
Quelle offre proposez-vous ?
Le déploiement est en cours et nous accélérons fortement sa diffusion en cette fin d’année et sur l’année prochaine. La gamme Impakt est disponible sur l’ensemble du territoire métropolitain. Nous avons voulu avoir une transition globale de notre parc, sur l’ensemble de nos agences. Nous nous appuyons sur la couverture nationale de notre réseau pour servir nos clients du BTP mais aussi les artisans, les industriels et d’autres professionnels qui s’intéressent aussi à ces matériels. Nous n’avons ni voulu nous focaliser sur des régions spécifiques ni voulu concentrer ces matériels sur telle ou telle agence. Nous voulons que l’offre soit à disposition de l’ensemble de nos clients de la manière la plus pratique pour eux sur l’ensemble des territoires.
À quel prix ?
Notre politique tarifaire est à la fois simple et compliquée. Simple, parce qu’il y a un impact fort sur le prix d’achat qui se répercute forcément sur le prix de la location. Compliquée, parce que l’on ne dispose pas encore, au niveau de la filière, d’analyse sur l’ensemble du cycle de vie du matériel. Ce que l’on sait, c’est que le coût d’exploitation est moindre, que les interventions de maintenance sont simplifiées et que, in fine, la consommation de carburant sera optimisée et que la facture énergique sera inférieure. Il reste aussi à confirmer que la durée de vie des matériels est allongée. Une fois le coût total de possession de ces matériels sur l’intégralité de leur cycle de vie connu, nous serons en mesure d’élaborer l’équation économique la plus pertinente pour nos clients. C’est ce que nous avons amorcé, avec nos partenaires dans le cadre des Rencontres du Matériel Durable et dont les travaux seront rendus d’ici à la fin de l’année.
Comment réagit le marché ?
Aujourd’hui, nous avons une traction assez importante sur ce type de matériels de la part du client final, pour plusieurs raisons. Certains de nos clients principaux, qui s’engagent à réduire eux-mêmes leurs émissions, devront avoir une transition sur les matériels loués. Les contraintes sur les zones à faible émission font que, sur certains chantiers, ces matériels sont nécessaires. Nous travaillons à avoir une adéquation entre la volonté globale exprimée par nos clients et la position du chef de chantier qui se pose des questions sur la productivité de ces matériels, leurs conditions d’utilisation et leurs contraintes d’exploitation.
Comment agir pour lever ces réserves ?
Les retours d’expérience sont déterminants pour démontrer les apports de cette gamme. Pour cela, il faut passer par la formation et la réalisation de chantiers tests. C’est ce à quoi nous nous employons. En interne, en formant nos collaborateurs aux usages et à la performance des matériels de la gamme Impakt et en préparant, avec nos fournisseurs, notre réseau technique à son suivi. En externe, nous proposons aussi des formations aux clients qui veulent avancer sur la question et que nous devons accompagner sur le choix, l’adéquation du matériel aux besoins du chantier et son bon usage par les équipes.
Comment qualifieriez-vous les solutions que vous proposent vos fournisseurs ?
L’offre actuelle répond à nos besoins, mais reste insuffisante. Trop de matériels thermiques restent sans alternative à proposer aux professionnels. Sur ce type de matériels, les loueurs sont les premiers à avoir une stratégie d’investissements à même de créer un besoin auprès de nos clients et de faire en sorte qu’ils adaptent leur propre parc de matériels. Sur certaines gammes et dans certaines catégories de produits, ces machines n’existent qu’avec des motorisations thermiques.
Quelles sont les évolutions attendues ?
Nous allons aller vers des matériels de plus en plus importants. Nous avons démarré avec des pelleteuses de 1,7 t. Nous avons aujourd’hui des modèles de 2,8 t, À terme, nous irons vers des machines de 5 t. Nous allons également évoluer dans l’autonomie de ces matériels. Notre objectif est d’assurer à nos clients une journée complète de travail sans avoir à recharger la machine, y compris en cas d’utilisation intense grâce notamment aux chargeurs rapides que nous mettons à leur disposition.
Quelles sont les conséquences des difficultés d’approvisionnement actuelles et du manque de disponibilité des matériels alternatifs ?
Nous observons clairement un allongement des délais de livraison. Nous avons pris nos dispositions en anticipant nos commandes. Pour cela, nous avons revu nos process internes, l’enjeu étant de ne pas ralentir le déploiement de la gamme Impakt sur le marché. À la mi-année, nous avions déjà commandé l’ensemble de nos matériels dont nous avons besoin par rapport à la croissance de parc que nous voulons réaliser. Sauf imprévu, les fournitures de nous fournisseurs seront conformes à nos objectifs en 2022.
Pouvez-vous préciser les montants de ces investissements ?
Cela reste confidentiel. Je peux simplement confirmer, que cette année, nous avons accru de 50 % les montants alloués à la gamme Impakt par rapport à l’année précédente. C’est une accélération importante que nous entendons bien conserver dans les années à venir.
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