Chargé de l'intégration du groupe allemand au sein de la division JohnDeere Construction Machinery &Forestry, Domenic G. Ruccolo, explique ses premières actions et précise sa stratégie qui obéit à des enjeux industriels autant que commerciaux. John Deere vous a confié la présidence du groupe Wirtgen à l’issue de son rachat. Quelles ont été vos priorités d’action au cours de ces 18 derniers mois ? L’intégration s’est très bien déroulée. Nous avons beaucoup travaillé au rapprochement des deux entités sur le plan administratif et financier. Les normes comptables applicables aux deux sociétés, l’une cotée à Wall Street, l’autre détenue par des actionnaires privés allemands, étant très différentes, nous avons fait en sorte de faire vite et que cela soit transparent pour les clients, les fournisseurs et les concessionnaires. L’intégration s’est très bien déroulée. Quels changements avez-vous apportés à l’organisation du groupe ? Nous ne l’avons quasiment pas modifiée. Sur les 8 700 personnes que compte le groupe Wirtgen, nous ne sommes que sept, moi compris, en provenance de chez John Deere, la majorité des personnes qui m’accompagnent occupants des responsabilités administratives et financières. Avez-vous développé des synergies ? C’est encore prématuré pour parler de synergies significatives. Nous sommes convaincus qu’il y a en beaucoup dans le domaine de la télématique, de la combinaison des tracteurs JohnDeere avec les matériels de traitement des sols Streumaster, des motorisations, des achats de composants mais aussi dans les domaines industriel et commercial. Les complémentarités des gammes entre les deux marques sont parfaites : il n’y a pas de chevauchement. Pourquoi avoir choisi de revenir en Europe avec les niveleuses John Deere ? Le produit est à l’interface des métiers de la route et du terrassement. C’est le chaînon manquant entre les gammes routières de Wirtgen, et les matériels de terrassement John Deere (pelles hydrauliques, chargeuses sur pneus, bouteurs et tombereaux articulés). A ce titre, les deux marques partagent beaucoup de clients communs. A l’échelle du marché mondial, les volumes considérés sont significatifs. Les modèles 662GP et 672 GP, qui sont conformes aux normes européennes et bénéficient du marquage CE, sont destinées à être commercialisées en Allemagne et en France, au travers des filiales de ventes Wirtgen dans ces deux pays. En amont, il nous faut organiser la logistique pour les pièces, procéder à la formation des vendeurs et des techniciens des différents réseaux,… Nous ne voulons pas précipiter les choses. Nous saurons prendre le temps de bâtir une nouvelle organisation en Europe. Notre stratégie obéit à des enjeux industriels autant que commerciaux. Allez-vous vous appuyez sur le réseau commercial de Wirtgen en Europe ? Le modèle de distribution Wirtgen, qui privilégie la proximité avec le client final, répond à la spécificité de l’industrie routière, à la segmentation de ce marché, au profil de la clientèle et au potentiel commercial de chaque pays. Dit autrement, il est adapté à la technicité du produit, au faible nombre de clients comme aux exigences de service et de support élevées. Il va donc perdurer. Pour les gammes Terrassement, l’offre John Deere, est plus longue, plus diversifiée et s’adresse à une plus large clientèle. En Europe, les principaux acteurs de ce marché s’appuient sur des réseaux de distributeurs plus denses. C’est pourquoi, je n’envisage pas de commercialiser les gammes John Deere au travers du réseau Wirtgen. Cela, d’autant plus que le marché européen est probablement l’un des plus complexes qui existent avec beaucoup de spécificités par pays. En outre, nous sommes focalisés sur Wirtgen et sur la performance du groupe en Europe comme dans le reste du monde. Nous ne voulons pas changer une organisation très performante. Quels sont les marques avec lesquelles vous collaborez ? Nous sommes liés à Hitachi, au travers d’une joint-venture détenue à parité, Deere Hitachi Construction Machinery Corporation. Depuis 1988, cette entité produit des pelles hydrauliques de 13 à 47 t dans l’usine de Kemersville (Caroline du Nord), à partir de composant des deux groupes, à destination du marché nord-Américain exclusivement. Plus de 55 000 unités sont sorties des chaînes d’assemblage. Nous avons signé un accord de type OEM avec Wacker Neuson pour les pelles compactes fabriquées en Chine pour le marché local. A partir de la fin de l’année, la distribution sera élargie à l’Asie Pacifique. Enfin, Liebherr nous fournit des chargeuses sur pneus pour le marché Nord-Américain. D’autres opérations de croissance externe sont-elles envisageables ? Historiquement, John Deere privilégie la croissance organique. Je rappelle qu’en 182 années d’existence du groupe John Deere, l’acquisition du groupe Wirtgen est de loin la plus importante opération de croissance externe. Propos recueillis par Jean-Noël Onfield Photo : Domenic G. Ruccolo, Président du Groupe Wirtgen.