La transition énergétique est bien engagée dans les matériels d’élévation de personne, les technologies moteur se diversifient. Sur ce marché structuré par les loueurs, les orientations prises par les fournisseurs sont déterminantes tant elles conditionnent la trajectoire bas carbone du secteur.

Nacelles élévatrices automotrices : électrique, hybride, thermique, quelle motorisation choisir ?

« À l’horizon 2028 au plus tard, l’intégralité de notre gamme sera électrifiée avec un parti pris de laisser une liberté sur la recharge des batteries, annonce Stéphane Hubert, directeur « Expérience Client » chez Haulotte Group, pilotant commerce, marketing et service. Avec trois modèles électriques tout-terrain d’ores et déjà commercialisés, et considérant que 75 % de nos nacelles pour sol stabilisé fonctionnaient déjà avec des batteries, ce sont près de 85 % de l’offre qui sont électrifiés. » Le fabricant, qui a encore recours pour des raisons de coûts à des batteries au plomb, travaille sur la technologie lithium-ion. À raison d’un lancement tous les 18 mois, le calendrier prévisionnel sera respecté, en dépit des perturbations engendrées par la crise sanitaire et les pénuries de composants, qui en sont une conséquence. Comme le souligne Stéphane Hubert, « quatre ans après avoir fait le choix de la transition électrique, le pari est gagné. Le marché accélère. Nous sommes fiers d’avoir été les premiers à proposer une nacelle tout-terrain capable de travailler en 100 % électrique et de bénéficier d’un supplément de puissance pour des applications exigeantes ». Pour cela, l’architecture de la nacelle a été entièrement revue pour être pensée autour de l’électrification, c’est-à-dire autour de l’économie de l’énergie à l’usage. Utiliser la gravité pour faire descendre le panier, alléger la flèche, redessiner l’implantation des faisceaux électriques, gérer l’énergie en temps réel et redéfinir l’interface sont autant de changements introduits. L’industriel a également révisé son modèle économique. Le principal frein à lever ? « La création de valeur associée. Fabriquer des nacelles électriques tout-terrain coûte de 15 à 20 % plus cher que des machines thermiques. Il faut donc faire la transmission de la chaîne de valeur auprès des loueurs, ces derniers devant procéder de même auprès de leurs clients, répond Stéphane Hubert. Nous sommes dans la preuve de l’iso-performance, de la décarbonation des opérations et du confort à l’usage. Ceci a une valeur. Au départ, c’est une valeur incrémentale qui vient suppléer l’offre thermique classique. À cinq ans, le marché mondial aura fait la bascule. Les loueurs intégreront naturellement cette évolution dans leur démarche d’achat. »

Conversion électrique

« L’électrification des gammes est amorcée pour atteindre le « 0 » émission sur site, déclare François Le Picard, directeur des ventes France chez JLG. En tant que marque premium, nous avons choisi la technologie lithium-ion afin de répondre aux besoins de nos clients et leur garantir les performances opérationnelles de nos nacelles. » Le fabricant l’assure : l’autonomie est suffisante pour une journée de travail « normal ». En cas de besoin, une heure suffit pour recharger les batteries à hauteur de 40 % de leur capacité. Pour atteindre les 80 %, il faudra patienter deux heures. Dans les deux cas, la recharge se fait à partir d’une prise standard et permet d’assurer l’autonomie en cas d’usage intensif. Comme le mentionne François Le Picard, « cette technologie commande de redéfinir précisément le besoin du client final et de connaître l’utilisation exacte de la nacelle sur le chantier afin d’en garantir le bon fonctionnement ». De fait, à l’exception de rares applications à haute intensité d’usage, une nacelle dépasse rarement les trois à quatre heures effectives de travail.

JLG commercialise trois modèles électriques, dérivés des nacelles thermiques et bi-énergies de 16, 18 et 20 m à flèche articulée. Cette offre redéfinit le modèle économique de l’industriel comme celui du loueur, compte tenu d’un écart important. « La vente des machines électriques passe par un raisonnement différent de celui auquel sont habitués depuis longtemps nos clients loueurs et, dans une moindre mesure, les utilisateurs finaux. Différentes solutions de financement permettent d’accéder à cette technologie, moyennant un loyer mensuel sur une base d’un certain nombre de journées de travail qui, au final, se révèlent très proches des financements traditionnels. Cette approche, permettant l’accès à cette nouvelle technologie pour un coût proche des modèles conventionnels, s’adresse aux grands réseaux comme aux loueurs régionaux et aux clients finaux. Il est probable que la ventilation des ventes s’en trouve modifiée, anticipe François Le Picard. Tout compte fait, le coût total de possession est sensiblement inférieur à celui des versions diesel. Il devrait être encore plus compétitif avec l’augmentation attendue de la capacité des batteries et, à plus long terme, l’évolution des technologies de production de l’électricité. » Le succès rencontré sur le marché européen laisse augurer d’une accélération rapide de la conversion des parcs de location. Avec moins de 10 % de matériels fonctionnant avec une énergie alternative hybride ou électrique, la marge de progression est réelle.

Hybridation

« En tant que fabricant mondial, Genie se doit de proposer une gamme pour répondre aux demandes du marché international et ne peut pas faire du micro management de produit, c’est-à-dire de concevoir un produit spécifiquement pour un marché, indique Christophe Rousseau, directeur des ventes Europe du Sud chez Genie. Nous savons vers quoi nous voulons aller et nous nous attachons à appréhender au mieux les solutions techniques disponibles. » Si à terme, c’est le moteur à hydrogène qui devrait être embarqué dans ses nacelles, le fabricant américain entend répondre au mieux aux besoins immédiats de ses clients dans cette période de bascule. Comment ? En déclinant chaque modèle en version « Full électrique » et hybride pendant toute la durée de la phase de transition. Sous l’impulsion de quelques loueurs qui ont voulu prendre une longueur d’avance sur ce segment, les ventes de nacelles hybrides connaissent une progression impressionnante, la demande émanant désormais de tous les acteurs de la location, y compris des petites structures, pionnières dans la démarche. Un retour sur investissement plus court et une capacité financière plus dynamique leur confèrent cette agilité à atteindre le point d’équilibre. « Depuis cinq ans, les ventes d’hybrides doublent chaque année, confirme Christophe Rousseau. Elles auraient même pu tripler en 2021 mais la capacité de production a été bridée par le manque de composants électroniques. »

Horizon 2025

Dans le cadre de son plan stratégique, Manitou Group s’est engagé dans le renouvellement de ses gammes de machines tout terrain en tout électrique. La nacelle à flèche articulée 200 ATJ E, distribuée dès mars dernier, préfigure l’avenir de l’offre de la marque, couvrant des hauteurs de travail allant de 12 à 28 m. Hormis le bloc-moteur, la conception se veut proche du modèle thermique. « Le parti pris est de conserver une machine très simple et très fiable, indique Samuel Viaud, chef de Produit Nacelle chez Manitou Group. Les ponts de transmission, issus des matériels de manutention tout terrain Manitou, ont été conservés. » Deux moteurs électriques, l’un pour animer la transmission du châssis, l’autre pour alimenter les mouvements hydrauliques, associés à deux variateurs pour gérer les flux électriques, contribuent à cette simplicité. La même architecture sera donc dupliquée sur les modèles électriques à venir, l’industriel poursuivant la production de nacelles à motorisations thermiques conventionnelle largement optimisées, avec l’intégration de moteurs Phase V, le montage de dispositif « stop&start » et la mise à jour des programmes de gestion. Même si la feuille de route initiale a quelque peu été chamboulée par la crise sanitaire, l’industriel se fait fort de proposer l’ensemble de son offre tout terrain en version électrique à l’horizon 2023. « Aujourd’hui, l’énergie n’est plus orientée à une application précise, constate Samuel Viaud. À ce titre, les chantiers du Grand Paris illustrent les besoins des exploitants de disposer des nacelles à faibles émissions. » Une tendance que les loueurs accompagnent à travers des gammes « vertes », destinées notamment aux chantiers en ZFE. « Depuis deux ans, nous observons une sensibilité accrue pour les matériels environnementaux de la part des loueurs qui vont plus loin que ne l’exige la demande du marché, commente Samuel Viaud. Ils entendent se positionner auprès de leurs clients qui eux-mêmes anticipent l’interdiction du diesel en milieu urbain. En amont, ce virage demande de repenser l’organisation générale du chantier et son raccordement au réseau électrique avant le démarrage des travaux. »

Chez Haulotte, 95 % des clients sont des loueurs, par définition « prudents » dans leurs évolutions de gammes. « Nous avons dû les rassurer sur les performances opérationnelles et l’autonomie de nos machines, confirme Stéphane Hubert. L’intensité de l’usage fait que le temps de travail effectif de la nacelle excède rarement quatre heures par jour. Avec une seule charge complète, la machine peut donc travailler plusieurs jours. » Des arguments à promouvoir auprès des clients les plus perplexes, quand d’autres loueurs, ayant segmenté leur offre par la typologie motrice, ont redéfini leur offre locative pour permettre la montée en gamme. Dans les deux cas de figure, l’évolution de la réglementation et la nécessité de répondre aux besoins des utilisateurs finaux continuent de guider les choix des loueurs. « Les loueurs spécialisés d’Europe du Nord ont été les premiers à se positionner avec les Allemands, relève Stéphane Hubert. Le premier bénéfice avancé est l’absence de bruit, avant même la décarbonation du chantier. » De fait, le signal faible perçu en 2018 s’est transformé en signal fort dès 2020, confortant Haulotte dans son approche. La création de valeur se faisant par l’usage, l’industriel a fait des choix stratégiques afin de disposer d’un avantage concurrentiel. Il s’emploie à présent à transformer son outil industriel pour tendre vers le 4.0 et accompagner la demande « mondiale » à partir de ses bases européennes, américaines et chinoises.

Retour d’expérience

Le choix d’électrifier un modèle de 20 m de hauteur de travail procède à la fois de la structuration du marché et de la volonté de Manitou de décliner progressivement la technologie sur des modèles de plus petite capacité. Capitalisant sur son expérience acquise dans la manutention, le fabricant a opté pour des batteries au plomb « ouvert », le meilleur compromis entre la performance énergétique, l’autonomie, le coût et le besoin de maintenance. Même si Manitou s’est concentrés sur le « full électrique » avec des machines tout terrain offrant la même puissance qu’un modèle diesel, il entend proposer des solutions hybrides et travailler aussi sur l’hydrogène. Quelle que soit la technologie choisie, la gestion intelligente de la batterie constitue, avec la maîtrise des paramètres de la nacelle, un axe de travail du groupe. Le cahier des charges de l’industriel commande de conserver la simplicité de l’architecture électrique des prochaines gammes tout en améliorant la sécurité des nacelles grâce à la technologie, dans le cadre de la montée en puissance de la production. Le retour d’expérience acquise dans la manutention a facilité l’élaboration du modèle économique appliqué aux nacelles tout terrain. Comme le souligne Samuel Viaud, « il faut raisonner en coût total de possession. Dans ce cadre, les coûts de maintenance et d’exploitation sont d’autant plus favorables aux machines électriques que nous avons opté pour des moteurs asynchrones ». Le prix de revente de la machine doit être également pris en considération. L’engagement moyen d’une nacelle est de l’ordre de 600 heures par an. Sur cette période, près des deux tiers du temps, la machine est au ralenti. Le prix de revente d’une nacelle électrique, qui pour la même durée d’exploitation ne totalisera que le tiers d’heures travaillées, sera sensiblement supérieur. A contrario, le coût de remplacement de la batterie impacte le coût total de possession. Ce changement intervient pour les batteries à plomb à partir de sux ans, sur la base de 200 cycles annuels de recharge. L’exploitant, comme le loueur, a également possibilité de régénérer la batterie à partir de quatre ans selon les applications, et ainsi allonger sa durée de vie opérationnelle. À mesure que la technologie Lithium Ion se développera, avec un coût marginal abaissé, et que le recyclage de ce type de batterie se structurera, Manitou Group s’engagera dans cette voie. L’objectif ? Garantir la durée de vie de la batterie à celle de la nacelle. « Il est possible d’envisager un retour sur investissement rapide pour les nacelles hybrides dès lors que les loueurs seront en capacité de valoriser leurs tarifs de location, assure Christophe Rousseau. Cela suppose de quantifier les gains de productivité et de raisonner en coût total de possession. » Pour cela, chaque produit doit être parfaitement positionné sur le marché. Chaque opérateur doit également être formé et chaque exploitant sensibilisé aux apports de la technologie hybride sur son chantier et aux économies potentielles qu’elle apporte. Si l’adoption par les utilisateurs finaux a significativement progressé, le rôle du loueur reste déterminant. Sa valeur ajoutée réside dans sa capacité de conviction auprès de son client. Pour cela, il s’appuie sur les argumentaires préparés par le fabricant pour mettre en évidence les avantages d’une nacelle tout-terrain électrique. Une démarche à déployer au niveau du chantier, au plus près des opérateurs et des responsables des travaux. « La capacité du fournisseur à accompagner le loueur comme l’utilisateur final est déterminante, souligne Stéphane Hubert. Au premier rang des arguments à avancer : le coût total de possession performant. Notons également que l’amortissement de la nacelle peut être sensiblement le même si le tarif de location est légèrement augmenté. Sans oublier le coût d’entretien allégé, le confort de travail et la valeur de revente, supérieure à celle d’une nacelle thermique de même âge beaucoup plus usée dans ses liaisons mécaniques. »

Elévation de personnes : repères chiffrés

ventes 2021

5 697 nacelles

variation 2020/2021

+8 %

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