Mi-novembre, le salon lyonnais a mis en évidence de nouveaux discours chez les principaux fabricants de pneus. Le rechapage devient une méthode de premier plan. Quant à la télématique, le foisonnement des techniques laisse place à une volonté de rationalisation.

Solutrans : le pneumatique change de rhétorique

Le secteur des pneumatiques en 2021 semble préfigurer le futur des engins de chantier. Les constructeurs européens et américains se trouvent confronter à une concurrence chinoise largement soutenue par les pouvoirs publics. Toujours perdants en matière de prix, les fabricants haut de gamme cherchent de nouveaux arguments.

Si ces derniers continuent d’enrichir leurs catalogues avec des produits plus spécifiques ou moins sophistiqués que leurs standards passés, leur rhétorique à Solutrans mentionnait peu la formulation des gommes. Le salon des véhicules industriels, qui s’est déroulé à Lyon entre le 16 et le 20 novembre derniers, les a vus promouvoir avant tout le rechapage et des systèmes de télématique.

Un savoir-faire à valoriser

Le rechapage consiste à remplacer la bande de roulement usée d’un pneu afin qu’il retrouve des caractéristiques dignes d’un modèle neuf. Cette technique ancienne bénéficie aujourd’hui d’une publicité inédite. Lors d’une conférence consacrée à ce sujet, Bruno Muret, directeur économie et communication du Syndicat national du caoutchouc et des polymères, se félicite de voir les manufacturiers occupés un terrain qu’ils ont longtemps délaissé. « Il y a un progrès indéniable qui a été fait en l’espace de quelques années. Les démarches des grands compétiteurs du secteur sont aujourd’hui présentées sur internet. Tous les arguments, qu’ils soient économiques ou écologiques, sont valorisés. »

Sur le stand de Continental, Mikael Aladenise, responsable du support technique des clients de la filiale française, confirme cette dynamique au côté de deux pneus rechapés, l’un à chaud, l’autre à froid. « Nous maîtrisons les deux procédés, précise-t-il. L’intérêt pour l’écologie favorise le rechapage. Le traçage des carcasses au moyen de puces de RFID simplifie aussi le suivi de ce type d’opération. Nous mettons désormais en avant qu’un produit neuf Continental peut avoir trois cycles de vie. »

Objectifs communs

Tous les pneumatiques ne peuvent pas en dire autant. Pour reprendre la route, encore faut-il que la carcasse soit suffisamment robuste. Seuls les équipements de bonne qualité peuvent être réemployés. Cette particularité pourrait peut-être attirer quelques transporteurs dont les clients regardent de près leur bilan environnemental.

D’ailleurs, chez les grands constructeurs, les divers objectifs de sobriété encouragent cette pratique. « Le rechapage s’intègre parfaitement dans notre démarche 4R*, dont l’un des piliers est le recyclage, souligne Nino Mare, responsable marketing opérationnel de Michelin France, lors d’une conférence. Nous mettons en valeur notre marque Remix, notamment sur notre site internet et les réseaux sociaux. » Le fabricant annonce qu’un de ses pneus rechapés coûte 40 % moins cher que son équivalent neuf. Néanmoins, les entreprises qui n’adhèrent pas encore à ce système risquent d’être difficiles à convaincre. « Chez les transporteurs, nous avons différents types de clients, analyse la responsable. Les clients très structurés connaissent déjà bien l’avantage du multivies. Ils recreusent et rechapent leurs pneumatiques en interne ou en externe. Les clients de plus petites tailles, entre 20 et 50 véhicules, n’accèdent pas à l’activité rechapage. Pour ces derniers, nous devons faire encore plus d’effort en termes de pédagogie. »

Rassembler pour mieux régner

La pédagogie, les fabricants y réfléchissent aussi dans le champ de la télématique. Les technologies sont prêtes, mais la filière ne les a pas encore adoptées. Au-delà de la question du coût, l’opacité de l’offre existante a de quoi refroidir les acheteurs : une multitude de capteurs et de logiciels redondants qui ne communiquent pas avec les autres outils numériques du camion ou de la flotte.

Les principaux manufacturiers amorcent donc un mouvement vers plus de simplicité. Michelin a annoncé durant le salon le rassemblement de l’ensemble de ses dispositifs de gestion de flottes sous une marque unique, Michelin Connected Fleet. La concentration améliora sans doute la visibilité de cette branche d’activité.

Dans le même domaine, Continental a dévoilé en avant-première à Solutrans un nouveau logiciel baptisé Easytrack. Si les contours exacts de ce produit restent encore un peu flous, il devrait non seulement rendre compte des déplacements des véhicules utilitaires et des camions, mais aussi des engins de chantier.

Partage de ressources

Sur le front des capteurs, Un peu plus tôt dans l’année, en septembre, Bridgestone et sa nouvelle filiale Webfleet ont dévoilé une première collaboration. Les données émises par le système de contrôle de pression des pneus (tyre pressure monitoring system, TPMS en anglais) sont désormais directement affichables dans l’interface de suivi de flotte de Webfleet.

Enfin, lors de la conférence de presse de Goodyear, Grégory Briche, directeur de la division des pneumatiques de la filiale française, invitait sur scène Suzanna Perrier, directrice commerciale et opérationnelle Europe de l’équipementier automobile ZF. Les deux responsables ont présenté un partenariat : le TPMS du premier pourra être raccordé au boîtier de communication du second. « Nous ne souhaitons pas nous détourner de notre métier, mais nous devons aussi aider les chefs d’entreprise dans cette évolution complexe », a indiqué Grégory Briche. « Trois boîtiers de télématique, c’est compliqué, a complèté Suzanna Perier. Nous apportons une vraie valeur ajoutée, ZF est spécialiste de la gestion de flotte et de l’électronique de freinage, Goodyear spécialiste des pneus. Nous réunissons l'ensemble dans une seule technologie. » Néanmoins, chacun gardera son application.

* : Stratégie d'économie circulaire adoptée par Michelin en 2014. Elle vise à réduire les consommations, à réutiliser les pneus, à récycler les produits usagés et à renouveller les sources de matériaux et d'énergie.

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