
Qu’est ce qui a motivé cette étude ?
Nous avions quitté une Bauma 2019 pleine de promesses avec une prise de conscience des enjeux de l’électromobilité et à la nécessaire évolution des systèmes de propulsion des matériels de chantier. Trois ans plus tard, la foison de solutions électriques et, dans une moindre mesure, de motorisations alternatives confirme le virage amorcé par la plupart des fournisseurs. Aussi, on peut considérer que les enjeux de R&D ne se situent désormais non plus au niveau de la chaine cinématique de la machine mais dans son contenu des technologies embarquées.
Quelle en est sa portée ?
Le panel est très représentatif, avec cinq acteurs mondiaux full-liner et spécialistes de la pelle mini pelles audités. La typologie des interviewés a été étudiée en amont pour offrir la plus large diversité possible au sein de la filière, depuis le constructeur jusqu’au client final. Nous avons également interrogé les deux réseaux nationaux de la location en France et plusieurs distributeurs. Cela nous a permis de bien appréhender les besoins du marché européen et de comprendre les difficultés rencontrées selon l’application, la disponibilité du matériel, ses caractéristiques techniques et sa destination.
Que faut-il retenir cette analyse ?
La finalité de mon travail est d’expliciter comme la contribution technologique du matériel proposée par son fabricant permet de s’affranchir des problèmes identifiés. Parmi les enseignements de l’étude, il apparait que le distinguo ne se fait aucunement à partir de l’origine géographique du constructeur, chacun étant concentré sur le marché européen. Leur lecture de ce marché est donc faite à l’aune d’une analyse commune à tous les fournisseurs, qu’ils soient ou non fabricants sur le « vieux continent ». Autrement dit, qu’il soit Américain, Européen ou asiatique, y compris nouvel entrant chinois, un constructeur de mini pelle est parfaitement conscient des besoins du marché et va s’efforcer d’y apporter une solution personnalisée. Cela se vérifie, quelles que soient leurs capacités industrielles en Europe.
Est-ce à dire que le distinguo s’opère non pas à partir d’un critère géographique mais bien à partir du marché adressé ?
Absolument. Selon que l’on cible le marché des utilisateurs finaux ou celui de la location, l’approche diverge. A chacun de ses deux contextes clients, son modèle économique et donc sa définition du produit. De fait, c’est le modèle économique et le circuit de vente de la machine qui importent. Prenons le cas d’un industriel qui vend à quelques grands comptes utilisateurs finaux et loueurs. Dans ce schéma, l’approche économique prime. Le besoin s’exprime à partir de notions d’efficacité, de valeur résiduelle et de coût total de possession. Quand la chaîne de valeur se rapproche de l’utilisateur final, les enjeux ont trait à la sécurité, au confort et à la facilité d’utilisation. La notion de coûts opérationnels s’inscrit en deuxième rideau.
Tous les fabricants ne sortent pas indemnes de la période ?
Le constat est sans appel : on observe une véritable distorsion du marché. Toute la difficulté pour le constructeur est de répondre à ces deux demandes alors que, traditionnellement, le cahier des charges rédigé par le distributeur à partir des demandes de l’utilisateur final, prédomine. En réalité, les arbitrages se font en fonction du positionnement de la marque selon qu’elle se considère Premium, offrant le meilleur rapport Qualité/Prix ou se positionnant en entrée de gamme. De fait, ce dilemme est reporté sur le loueur qui ne peut pas faire l’impasse sur les enjeux de sécurité et de développement durable,alors qu’il est également très sensible au prix d’achat et à la valeur résiduelle de son matériel. Cela explique les initiatives prises par les grands réseaux de location de location et qui sont destinés à faire monter en gamme le produit, avec par exemple, des dispositifs de détection d’obstacle ou de barrière électronique.
Quels sont les acteurs les mieux armés selon vous ?
Il apparaît qu’avec trois stratégies différentes et trois approches du marché européen disctinctes, Bobcat, JCB et Kubota sont bien positionnés.
Quels sont les enjeux pour les exploitants ?
La principale question que les utilisateurs finaux mais aussi les loueurs et prestataires doivent se poser a trait aux choix des systèmes télématiques les plus basiques jusqu’au drones à mettre en œuvre dans le cadre du chantier connecté voire même jusqu’à l’interaction des matériels déployés avec le bureau d’études de l’entreprise dans le cadre du développement de la maquette numérique, Au-delà des seuls industriels, les enjeux sont déterminants pour les distributeurs et les loueurs, tant leur sensibilité aux enjeux techniques et leur perception de ce que seront demain des technologies embarquée sont propres à chacun.
La prime revient au loueur, et plus particulièrement aux grands réseaux transcontinentaux ?
Parce qu’il teste et évalue en permanence le produit et les technologies embarquées directement avec le client final, le loueur devient un « super » préconisateur vis-à-vis du constructeur, capable même de shunter le concessionnaire. Cet état de fait est d’autant plus capital que pour la première fois en Z021, les volumes de ventes de mini pelles en Europe se sont équilibrés entre ces deux les trois canaux de commercialisation. Avec 37% du marché en volume et une capacité de frappe sans équivalent, le marché de la location est devenu incontournable. Le choix des technologies embarquées évolue en conséquence. Des systèmes électroniques et informatiques, voire d’automatisation et d’intelligence artificielle permettant d’assister l’opérateur et de gagner en efficacité , dont, à la différence des composants mécaniques voire hydrauliques, ils n’ont pas la maîtrise. De l’acier et du boulons vers les gants blancs et la salle propre qui préfigure un produit à plus haut contenu « soft » et qui, de facto, banalise son côté « hard ».
L’approche partenariale est donc incontournable ?
Dans cette perspective, les notions de partenariats avec des acteurs « hors » filière deviennent stratégiques. L’avantage sera dans la capacité d’un constructeur à avoir détecté avant les autres la meilleure technologie avec le meilleur partenaire, y compris dans le champ des start-ups capables, au-delà de la digitalisation, d’offrir une véritable solution intégrée. A ce titre, l’écosystème de l’électromobilité est déjà capital. Au-delà de la technologie des batteries, le système de gestion et de recharge et les infrastructures associées, concentrent la valeur ajoutée du produit. Le premier à proposer sur le marché une interface totalement étanche et transparente pour l’utilisateur final viendra disrupter un modèle économique qui prévaut depuis plusieurs décennies et prendra de facto, le leadership dans la capacité de répondre aux besoins des exploitants. La menace peut également venir d’un secteur connexe comme l’agriculture. La disruption peut également venir d’une autre vision du métier en se focalisant sur une exploitation uniformisée de la donnée transmise par la mini pelle. Aucun constructeur n’est à l’abri de cette menace. Le risque est réel tant pour les spécialistes que pour les généralistes, même si ces derniers, dont certains revendiquent déjà plus d’un million de connexions télématiques, peuvent apparaître mieux armés.
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