À Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine, le producteur de matériaux de construction a inauguré début 2020 un site où la réception de déchet voisine avec le recyclage des gravats et la production de béton.

L’industrie du béton se trouve dans une position délicate. Elle marche sur un fil tendu entre les impératifs du commerce et les exigences d’une société de plus en plus soucieuse de son environnement. Depuis quelques années, les principaux fabricants envoient des signaux de conformité. Ils adoptent des objectifs de réduction de leurs émissions et de leurs consommations, aussi bien d’énergie que de ressources. Si ces pourcentages restent abstraits, quelques actions visibles viennent illustrer un changement progressif des pratiques.

En septembre 2020, le groupe Cemex a prénommé Circle sa nouvelle politique interne destiné à limiter son empreinte environnementale. Elle comporte quatre cibles à atteindre d’ici 2030 : une baisse de 55 % des rejets de CO2, l’intégration de 15 % de matières premières recyclés ou biosourcées, la mise en place de plans de gestion de la biodiversité et une diminution de 10 % de la quantité d’eau employée.

Le lieu parfait

La dernière implantation francilienne de l’entreprise vient apporter une réponse intéressante aux deux premiers points de la feuille de route. Dans le port de Gennevilliers, le principal centre d’échanges fluviale aux alentours de Paris, elle a ouvert début 2020 une plate-forme dite « multiservices » : la réception de gravats ou déblais, la transformation en granulats et la fabrication de béton prêt à l’emploi (BPE) dans une même emprise de 3,5 ha. « Nous souhaitions bâtir une structure autonome où la récupération, le recyclage et la production du béton seraient proches », résume Louis Natter, directeur du développement durable, de la RSE et des affaires publiques de Cemex France.

L’emplacement, loué à Haropa Port pour une dizaine d’années, s’avère idéal pour tenter cette expériences. La capitale et ses environs dégagent « des volumes très importants par rapport au reste de la France », remarque le directeur. Les chiffres de la société en Île-de-France en témoignent : 1,5 million de tonnes de BPE produites ; 1,5 million de tonnes de déblais et de déchets valorisées et 2 millions de tonnes de sables et de graviers reçues par voie d’eau.

La Seine capitale

Le fleuve joue un rôle crucial dans une région aux routes saturées. Le site possède un quai de 120 m bordé d’un bassin qui débouche dans la Seine. Cemex compte notamment utiliser son espace pour concentrer de grandes quantités de rebuts de chantier avant de les évacuer par barge vers des sites de valorisation et d’enfouissement. Des boues de tunnelier de la ligne 16 du métro francilien ont par exemple transité par Gennevilliers. « Nous possédons une flotte en propre et un chantier naval. Nous pouvons donc proposer des prestations de logistiques fluviales, souligne Louis Natter. Par ailleurs, cette configuration de plate-forme favorise le double-fret. Après avoir déposé les déblais, il est possible de repartir avec des granulats. » Le site accepte tout type de déchets inertes. Un duo de pelles LH 40 de Liebherr est chargé de la manutention.

Les bétons issus des chantiers de déconstruction ou des retours de centrales font l’objet d’un traitement spécifique. Une fois isolée, une pelle les attaque au brise-roche hydraulique et au broyeur. La plate-forme abrite deux engins de ce type, des 30 t munis d'attaches rapides, l’une de marque Caterpillar, l’autre Volvo. Elles sont appuyées par un couple de chargeuses, une Doosan DL450 et une Cat 972M XE.

Question de configuration

Les morceaux passent ensuite dans un concasseur mobile électrique Giporec R 100. Le groupe a opté pour une machine roulante afin de pouvoir changer l'aménagement de la plate-forme en fonction des flux reçus. L'engin, doté d’un crible embarqué, d'une soufflerie et d'un aimant, peut isoler des granulométries variées, de la grave 0/80 jusqu’au sable 0/12. « Notre laboratoire interne contrôle la qualité de ces matières premières, notamment les concentrations de sulfate », précise Janina Baigus, responsable de la revalorisation de Cemex Matériaux Île-de-France. Pour sa première année, l'installation a généré entre 60 et 80 mille tonnes de matériaux recyclés. Ses équipes visent un rythme de 150 mille tonnes par an. Les granulats sortant du concasseur alimentent  en partie la centrale à béton voisine. Outre des bétons contenant ces éléments recyclées, elle commercialise des formulations bas carbonne et des produits standards.

Finalement, le principal défaut de cette organisation réside dans les nombreuses conditions nécessaires à son fonctionnement. Est-ce qu’en dehors de Gennevilliers, un autre lieu pourrait réunir ces trois facteurs essentiels : un vecteur de transport de masse, des volumes significatifs de déchets et une demande importante de béton ? Louis Natter se montre réaliste, mais il n’enterre pas complètement l’idée : « ouvrir un second point en Île-de-France ne semble pas impossible. Ailleurs, il faudra étudier chaque configuration. »

Retrouvez le « Matériel en action » consacré au concasseur Giporec R100 la semaine prochaine sur notre site et dans le prochain numéro de Chantiers de France.

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