
Qu’entendez-vous par locations extérieures ?
Mon service est en charge des locations de matériels qui n’appartiennent pas à l’entreprise pour les chantiers TP, énergie ou bâtiment de Bouygues Construction en France. Nous sommes donc au service de l’ensemble des filiales pour tous les matériels dont l’entreprise ne dispose pas en propre et qui sont mis en œuvre sur les chantiers, principalement des matériels de terrassement, de manutention, d’élévation, de compactage mais aussi de transport de matériels. Nous disposons de nos propres matériels de levage, de mise en œuvre du béton, de coffrage, des étaiements et de matériel d’installations électriques provisoire, de base vie, ….
Quels sont les grands principes qui régissent ce recours à la location ?
Nous louons auprès de loueurs nationaux et régionaux, le premier critère étant la conformité du matériel et de l’accessoire adapté au chantier. Nous recourons également à la location avec opérateur pour les grues automotrices et les matériels de production (pelles de 30 t, pelles long bras…) Plus nous montons en gamme dans les matériels de terrassement de production et plus nous faisons appel à des loueurs des matériels avec opérateur, capables de nous fournir de vrais spécialistes Nous investissons dans les matériels qui présentent un intérêt stratégique pour l’entreprise. Sur les grands projets, qui demandent des matériels très spécifiques la logique est différente. Ces matériels peuvent être amortis sur la durée des travaux du chantier. Sur les chantiers plus courants la durée des travaux n’est pas suffisante pour les amortir. En outre, la diversité des moyens est telle, qu’il n’est pas réaliste d’acquérir.
Quelles sont vos missions ?
Les chefs de chantier comme les conducteurs de travaux sont experts dans l’expression de leur besoin. Pourtant, face à la profusion de l’offre et aux multiples nouveautés qui sont mises sur le marché chaque année, ils ne peuvent pas tout connaître ni disposer d’une vue globale de l’offre. Leur mission c’est la production du chantier. Ce n’est pas de gérer le matériel. C’est de notre ressort. Nous sommes de notre côté des experts dans l’apport d’une solution en adéquation à un besoin exprimé. Nous assurons la définition du besoin, le contrôle réglementaire et la livraison. Nous sommes aussi en charge du suivi de l’évolution du produit. Cette veille technique est essentielle pour pouvoir mettre en œuvre un matériel toujours adapté à l’évolution des problématiques du chantier.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Nous sommes au service du chantier pour la fonction Matériel. Nous aidons les responsables des chantiers et les conducteurs de travaux à définir leur besoin en matériel. À partir de là, nous définissons la solution la plus adaptée au chantier, en adéquation avec l’objectif et avec la réglementation en vigueur. En amont, nous nous assurons que le matériel soit conforme et que le loueur va fournir un matériel CE, en bon état fonctionnel avant livraison. Enfin, nous assurons la négociation tarifaire avec nos fournisseurs loueurs.
En quoi est-il important d’associer l’utilisateur, le loueur et le fabricant ?
Notre organisation fait que nous sommes de plus en plus associés au développement, voire à la conception des nouveaux matériels. Cette organisation a évolué il y a trois ans, afin de pouvoir porter ces enjeux à l’échelle nationale. C’est important car cela suppose d’avoir des contacts avec nos fournisseurs de premiers rangs, les loueurs, mais aussi avec leurs propres fournisseurs, les constructeurs de matériels. Les constructeurs apprécient la diversité de nos chantiers et donc la variété des matériels que nous pouvons déployer et qui, in fine, couvre à peu près toutes les gammes disponibles. Le lien que nous avons noué avec le chantier nous permet d’avoir une vision globale de la fonction Matériel.
Quelle est l’approche sur les questions HSE et de sécurité ?
Avec les enjeux environnementaux, la question de la sécurité est la clé de voûte de notre organisation. L’enjeu est de faire avancer le chantier dans les meilleures conditions de productivité et de rentabilité. Cela nous conduit à rechercher le mieux disant auprès de nos loueurs. Le prix entre évidemment en ligne de compte dans nos réflexions, mais ce n‘est pas le seul critère. L’adaptation du matériel, sa fiabilité et la rapidité d’intervention en cas de pannes, sont donc à nos yeux, plus importantes. S’y ajoute le service au sens large, qui inclut le respect des horaires de livraisons, la qualité du matériel et son état général.
Comment évolue l’accidentologie au sein de Bouygues Construction ?
Chez Bouygues Construction Matériel l’année 2019 a été très instructive. Ce que nous appelons les situations à haut potentiel a eu tendance à augmenter fortement. Ce que nous appelons le haut potentiel, c’est l’étape qui précède le presqu’accident, sur laquelle nous voulons agir avec le Service Prévention du groupe.
Comment y remédier ?
L’un des enjeux de notre prestation est d’intervenir en amont des travaux afin d’éliminer toutes les sources de risques avant le démarrage du chantier. Il est exclu que nos chefs de chantier et conducteurs de travaux aient à se « débrouiller » avec un matériel inadapté à leurs besoins. Ainsi, nous écartons une source de risques. Avec MatForm, notre organisme de formation interne, nous organisons des sessions de formation auprès du service Méthodes de l’entreprise. L’enjeu est de mieux définir le besoin en matériels du chantier et de mieux l’expliquer aux loueurs. Il est important que la typologie des matériels fournis, en particulier avec des matériels spécifiques, soit bien prise en compte. Les conducteurs et chefs de travaux sont aussi associés à la démarche.
Par exemple ?
Nous avons défini avec Loxam Access deux modules de formation et d’évaluation avec un simulateur de nacelles élévatrices d’une journée. Le contenu pédagogique inclut la simulation de conduite, la descente d’urgence, la prise en main et la réglementation de la machine. Elle permet aussi de remettre à niveau des opérateurs qui n’auraient pas utilisé ce type de machines pendant un certain temps.
La manutention de charge tout terrain est-elle plus sensible ?
Par définition, le chariot élévateur tout terrain à déport de charge est appelé à évoluer sur tout type de sol. Les situations critiques sont rencontrées principalement en configuration de déplacement en charge haute, quand la flèche est sortie, avec un angle qui peut être important. Un léger dévers peut suffire à déséquilibrer la machine latéralement. De même, les risques de basculement vers l’avant peuvent être rencontrés en cas de coupure intentionnelle des systèmes de sécurité. Dans les phases d’approvisionnement, outre les problèmes de surcharge, il arrive que certains opérateurs relèvent les patins de stabilisation à l’avant de la machine pour gagner en portée.
En quoi consiste le dispositif Loxsafe ?
Les situations à risques que nous rencontrons le plus fréquemment concernent la conduite de chariots élévateurs tout terrain à déport de charge porte ouverte, le non-bouclage de la ceinture de sécurité ou encore les collisions entre machines. Les systèmes d’alerte tels que nous les avons conçus avec Loxam et Manitou dans le cadre du concept Loxsafe répondent à ces enjeux. Ils sont adaptés aux conditions d’utilisation sur les chantiers, dans la mesure où c’est le matériel qui informe l’opérateur et le responsable du site d’un dysfonctionnement. Dans la définition du concept, nous avons veillé à ne pas accroître la surcharge mentale de l’opérateur, en se focalisant sur des paramètres clés. Il est essentiel que l’opérateur reste acteur de sa prévention.
Que permet l’internet des objets en la matière ?
Ce recours découle d’une réflexion plus globale menée au sein de la direction Matériel du groupe Bouygues Construction. Nous nous sommes interrogés pour savoir comment le matériel pouvait accompagner la politique Prévention/Santé/Sécurité de l’entreprise dans le cas d’une situation à risque. L’intérêt de l’internet des objets est de pouvoir quantifier et mesurer des données de chantiers pour affiner nos modes opératoires et optimiser le choix des matériels. Cela afin d’avoir une meilleure maîtrise du risque.
Quel bilan pouvez-vous dresser à ce stade de l’expérimentation du concept Loxsafe ?
Le matériel, qui est équipé de fourches et d’une potence, est en test depuis septembre dernier sur deux chantiers différents. Nous avons déjà pu mesurer ce qui se passait réellement sur le chantier. Le nombre de situation à risque, à haut potentiel, avec accident a été précisé. Nous avons pu aussi partager et commenter ces données avec les opérateurs pour mieux comprendre les situations ayant abouti à ces dysfonctionnements. Des mesures correctrices ont pu être mises en œuvre. Nous allons donc poursuivre ces phases d’évaluation dans d’autres contextes de travail et sur d’autres types d’applications en nous intéressant tout particulièrement au risque de dévers. Nous avons aussi identifié d’autres situations à risque qui seront évaluées ultérieurement et appelleront d’autres solutions. Nous évaluerons ensuite d’autres types de matériels, et tout particulièrement les mini-pelles et les nacelles élévatrices qui sont accidentogènes.
Comment pouvez-vous valoriser les données disponibles ?
L’exploitation de la donnée, qui n’est pas encore effective, va impacter les modes opératoires du chantier qui vont être mis à jour. Il est acquis que le risque sera traité différemment. Nous voulons nous intéresser, au-delà du seul chapitre sécurité, à des questions de productivité liée à l’utilisation de ces matériels, à leur prise en main par l’opérateur, à leur grutage, à leur entretien quotidien. Nous ne sommes qu’aux prémices des matériels connectés sur les chantiers et à la remontée des informations. À terme, quand des flottes entières de matériels seront équipées, il nous faudra disposer de compétences en interne dans de nouveaux métiers pour exploiter ces données et en tirer un avantage concurrentiel.
Quel est le niveau d’acceptation de la part des opérateurs ?
C’est très disparate d’un chantier à l’autre. Il est évident que le côté évaluation de sa propre conduite peut parfois, être mal perçu. À nous de faire preuve de pédagogie et de démontrer tout l’intérêt de ce système dans le cadre d’une conduite responsable.
Propos recueillis par Jean-Noël Onfield
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