Tous les ans, les directeurs Matériel des entreprises de TP doivent budgétiser les investissements en matériel pour l’année suivante afin de permettre aux exploitants de disposer des moyens nécessaires à la réalisation de leurs chantiers. Dans un contexte inflationniste et de difficultés d’approvisionnement, l’exercice est d’autant plus complexe qu’au-delà des arbitrages financiers et techniques, ils doivent intégrer les enjeux environnementaux, de transition énergétique et de transformation numérique. Invités à participer à la Réunion de Chantiers de France, six directeurs Matériel ont partagé leur vision pour 2022 et ont présenté leur approche sur les plans financiers et techniques.

Directeurs Matériel : à la croisée des transitions

2022, la fin de l’achat de matériels neuf ? Contrairement à ce que l’on peut observer dans d’autres pays, en France, les entreprises privilégient l’acquisition des matériels « stratégiques » à la location. Eiffage comme Roger Martin demeurent des sociétés patrimoniales pour lesquelles la valeur de l’actif « Matériel » participe de la valeur de l’entreprise. « Nous restons sur des investissements, avec un recours ponctuel à la location sur certains cas et pour des matériels spécifiques exploités sur une durée prédéfinie et dont on ne sait pas s’ils seront conservés ultérieurement, rapporte Fabrice Blanc, directeur Matériel chez Eiffage Génie Civil. Il nous arrive de pousser nos fournisseurs sur le paiement à l’usage mais à ce stade, on ne peut pas parler de transformation radicale. » Avec 17 % d’actionnariat salariés, la major de la construction continue donc d’acheter son matériel afin de créer de la valeur et de conserver la confiance des actionnaires. En expansion de parc depuis quelques années, l’entreprise continue d’investir pour accompagner l’activité et répondre à des objectifs environnementaux et de baisse de consommation. L’approche est similaire au sein du groupe Roger Martin, chez qui « un plan d’investissement réussi est celui qui va concilier les contraintes financières et les besoins des exploitants et des gestionnaires des industries. » Comme le souligne son directeur Matériel et Industrie, Vincent Larrochette, « cette année, la difficulté va être de les satisfaire en matière de délais. Si le dossier du financement et du paiement à l’usage n’a pas encore été ouvert, une première concession a été réalisée par nécessité dans le domaine de l’entretien. Notre filière Matériel, qui a sans doute été délaissée et en tout cas pas suffisamment valorisée, s’appauvrit en ressources techniques. Le recours à des contrats de type full service pour un certain nombre d’engins permet de se couvrir. »

Facturation simplifiée

Bien que patrimoniale également, l’entreprise Yprema se démarque. Pour cette PME patrimoniale réalisant un chiffre d’affaires de 22 millions d’euros, la capacité à investir est déterminante. Le modèle économique tel que l’a conçu Yprema, avec un coût de cinq euros payé par les clients pour chaque tonne de matériaux issus de déconstruction, facilite les investissements. « On garde le cap de l’investissement pour préparer l’avenir, assure Angélique Robineau, directrice des Achats Matériel. Nous sommes en phase de renouvellement de matériels. Cela passe par des acquisitions de concasseurs cribleurs, changés au bout de 20 ans, et d’engins destinés à évoluer autour de notre outil de production principal. Des engins fortement sollicités et donc remplacés tous les cinq ans. » Engagée dans sa transition environnementale, l’entreprise cherche à diminuer sa consommation d’énergie. Comment ? En ayant recours à l’hybridation des installations, avec le recours d’un prestataire spécialisé dans l’électrification des opérations de traitement et en choisissant des matériels roulants moins énergivores. Installations et matériels roulants, la vision d’Yprema est globale. Avec une trentaine de chargeuses sur pneus et de pelles hydrauliques gravitant sur ses plateformes de recyclage, l’entreprise dispose d’un parc opérationnel rajeuni. « Nous avons fait le choix de passer sur de la location longue durée, ce qui nous permet d’exploiter des matériels neufs en rompant avec les pratiques qui voulaient qu’une machine soit remplacée tous les trois ou quatre ans, suivant la trésorerie disponible. En réorientant notre stratégie, considérant que nous avions besoin d’un parc neuf pour travailler efficacement et assurer de bonnes conditions d’exploitation à nos collaborateurs, nous avons renouvelé l’intégralité de notre flotte, bénéficions d’une maintenance efficace et disposons de la remontée de data des matériels mis en œuvre par BM Rent. » De quoi valider les choix des matériels sélectionnés et de vérifier le comportement des opérateurs. Angélique Robineau en est convaincue : l’économie réalisée sur ce poste grâce au recours à la location longue durée est réinjectée sur les autres investissements, dont les installations, les équipements annexes (exemple : les laveurs de roues) et les aménagements de sites. Avantage induit, tous les cinq ans, les matériels sont remis à niveau avec les dernières technologies en termes de motorisations et d’équipements de sécurité.

Investissements planifiés

Quelle que soit la stratégie adoptée, un inventaire précis du parc doit être réalisé afin de disposer de l’état complet des moyens et de préparer sereinement les besoins de renouvellement, voire d’accroissement dans les années à venir. Plus le parc est important, plus l’exercice est ardu. Il faut également prendre en compte les besoins liés à des chantiers importants, dont la réalisation nécessitera des moyens spécifiques et les contraintes associées. « Afin de gagner en visibilité à moyen et long termes sur les matériels dont nous avons besoin, nous avons la volonté d’inscrire les chantiers projets dans le reste de l’activité du groupe, indique Fabrice Blanc, directeur Matériel chez Eiffage Génie Civil. C’est notamment le cas avec le lot 2 du TELT attribué à Eiffage Génie Civil et qui nécessitera de disposer de moyens spéciaux, en particulier en matière de tunnelier. » Savoir garder son matériel se révèle un avantage concurrentiel. « Nous préservons notre indépendance en conservant nos matériels au-delà de la fin d’un projet d’envergure ou d’un cycle haut, quitte à le voir dormir pendant quelque temps, à l’instar de l’échelon de décapeuses et de bouteurs de grande taille, rapporte Vincent Larrochette. Nous savons aussi faire face à des besoins de matériels spécifiques ou courants supplémentaires. Notre force, c’est de pouvoir maintenir un niveau d’investissement de l’ordre de 5 % du chiffre d’affaires pour les matériels roulants. Ces investissements sont complétés par des moyens dédiés aux sites industriels et au patrimoine immobilier du groupe. » À la faveur des cycles de renouvellement, 2022 sera consacrée à l’achat de pelles de taille intermédiaires de 10 à 25 t, pour travaux de terrassement et de VRD. A contrario, au terme du remplacement du parc et considérant les délais annoncés par les fournisseurs, qui obligent l’entreprise à s’adapter, les matériels de transports routiers s’inscriront en retrait. Quant aux matériels d’occasion récents, c’est à l’occasion, à savoir pour répondre à un besoin spécifique d’engins peu courants destinés à une utilisation ponctuelle dans le cadre d’une phase précise sur le chantier. Un principe qui supporte quelque entorse, l’entreprise s’autorisant ponctuellement le rachat d’un matériel de démonstration. « Nous n’allons guère au-delà, assure Vincent Larrochette. Ce n’est pas dans la culture du groupe. » En cas de nécessité, Fabrice Blanc se dit prêt à en acquérir. Le manque de disponibilité de certains matériels et l’allongement des délais annoncés par certains fournisseurs « jusqu'à 16 mois parfois » pourraient modifier la donne, même s’il est également possible de jouer sur la fréquence de remplacement.

Investissement sécurisé

Dans un contexte de reprise mondiale, la disponibilité des matériels et les délais de livraisons annoncés par les fournisseurs sont deux difficultés supplémentaires. Les directeurs Matériel devront vraisemblablement composer avec cette contrainte pendant quelques années. Pour tous, le maître mot est l’anticipation. Les critères d’achat s’en trouvent-ils modifiés ? « Non », répondent logiquement nos différents intervenants, qui privilégient l’achat de ses moyens de production et reste sur des marques prémium. « Le premier point d’approche reste le SAV car nous devons assurer aux exploitants la disponibilité des matériels. Le deuxième critère est la consommation, avec les motorisations de nouvelles générations, les solutions alternatives comme l’hybride, voire les technologies de rupture. À ce titre, Eiffage a fait l’acquisition de porteurs 100 % électrique destinés à l’approvisionnement des chantiers du Grand Paris et de mini-pelles électriques pour ses activités de déconstruction. » Des investissements qui traduisent la nécessité de décarboner toutes les activités de chantier. Les objectifs d’Eiffage sont de réduire de 40 % sa production de gaz à effet de serre à l’horizon 2040. « Déjà, pour la partie industrie, le parc de centrales est passé au gaz, confirme Fabrice Blanc. Ce n’est pas simplement en renouvelant le parc que l’on y parviendra. Il faudra aussi trouver quelques ruptures. On suit ce qui se fait dans le domaine de l’électricité et bien évident on pense à l’hydrogène ». Une volonté partagée de tendre vers des modèles de fonctionnement plus durables et plus éco-responsables, même si la technologie parfaite reste à définir. Électrique, hybride ou hydrogène, aucune solution n’est encore assez poussée pour concilier enjeux environnementaux, efficacité opérationnelle et compétitivité économique au regard du coût d’acquisition. Les progrès attendus devraient permettre de mieux répondre aux besoins des directeurs Matériel en optimisant les processus sur chantier.

Tous les ans, les directeurs Matériel des entreprises de TP doivent budgétiser les investissements en matériel pour l’année suivante afin de permettre aux exploitants de disposer des moyens nécessaires à la réalisation de leurs chantiers. Dans un contexte inflationniste et de difficultés d’approvisionnement, l’exercice est d’autant plus complexe qu’au-delà des arbitrages financiers et techniques, ils doivent intégrer les enjeux environnementaux, de transition énergétique et de transformation numérique. Invités à participer à la Réunion de Chantiers de France, six directeurs Matériel ont partagé leur vision pour 2022 et ont présenté leur approche sur les plans financiers et techniques.

Gestion du parc : des outils pour optimiser son taux d’engagement



Les solutions développées par Irium Software sont basées sur des logiciels « métier » permettant de résoudre les problèmes auxquels les exploitants et les gestionnaires de matériel peuvent être confrontés, notamment en matière de gestion du SAV. « Prévenir, contrôler, intervenir et suivre, c’est toute la chaîne qui peut être monitorée afin de gagner en efficacité, en rapidité, en traçabilité et, in fine, en qualité, explique Nicolas Crouzevialle, directeur marketing chez Irium Software. La valeur ajoutée du logiciel réside dans la possibilité de construire une véritable « stratégie » dans le domaine du suivi technique d’un matériel ou d’un parc, en traitant l’ensemble des données relatives à son entretien pour intervenir avant la panne. » Cette approche préventive est rendue possible grâce à la connectivité de chaque matériel et à la puissance des outils de traitement et de restitution des données. Si l’intégration de ces données est de plus en plus simple, leur analyse et leur restitution « pertinente » pour l’exploitant sont plus complexes. « Grâce à l’expertise acquise depuis la création de la société et qui s’est enrichie de celle de Vega Systems depuis la fusion des deux entités, Irium Software est en capacité de définir des indicateurs métiers, selon qu’ils sont destinés à un distributeur, un loueur, un gestionnaire ou un exploitant de matériel engagé dans la transition digitale, assure Nicolas Crouzevialle. Le rapprochement des deux spécialistes métiers effectif officiellement depuis le 1er juillet dernier permet, au sein du groupe Isagri, de mutualiser les investissements dans les nouvelles solutions accessibles sur mobiles, tablettes et portail internet. » Pour les directeurs Matériel, ces solutions permettent, à partir des remontées natives des données des machines ou avec des outils additionnels, d’optimiser les moyens opérationnels disponibles. Ces solutions peuvent également contribuer à la meilleure adéquation entre les besoins, le nombre et le type de machines à disposition. La meilleure utilisation de l’actif qui en résulte, influe de fait sur la rentabilité de chaque machine et de chaque usine connectée.

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