
Arnaud Berthier
Une interview de Arnaud Berthier, CEO de Sunward Europe
Sunward est présent depuis près de 20 ans en Europe sans réelle visibilité. Quelles sont les raisons de la récente accélération que l’on peut observer depuis l’année dernière ?
Nous sommes implantés de façon structurée en Europe depuis 2015. Les premières ventes remontent à 20 ans, mais sans réelle coordination à l’échelle du continent. Les dernières années nous ont permis de bénéficier de conjoncture et de connaître une forte expansion, à l’instar de celle du groupe fondé en 1999 et qui s’est classé au 35e rang mondial des fabricants de matériels pour la construction en 2020, avec un chiffre d’affaires de 1,2 Mds €.
Quelle est la contribution de l’Europe ?
Forcément encore marginal considérant les positions que nous défendons en Chine. Nous devrions atteindre plus de 60 millions d’euros en Europe en 2021. La grande part de ce chiffre d’affaires est générée par les ventes de pelles compactes. Il y a cinq ans, Sunward vendait 200 unités sur « le vieux continent ». Cette année, nous dépasserons les 2 500 machines.
Quels sont vos objectifs pour l’année en cours ?
Nous avons bien accéléré en Europe. L’année dernière, en dépit des circonstances, nos ventes ont progressé de 40 %. Nous anticipons un bon de 50 % en 2021. Même si les délais s’allongent, la prise de commande est active et nous sommes confiants dans notre capacité à atteindre cet objectif.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres fabricants chinois ?
En premier lieu, la culture d’entreprise que notre Président Qinghua He a instillé. Ce professeur d’université, qui a lancé Sunward en concevant et en fabriquant des matériels de forage et de battage, a toujours été animé par la volonté d’innover. Avec près de 450 ingénieurs dédiés à la R & D, principalement en Chine, la marque a accumulé quelque 1 000 brevets. À la différence de beaucoup de concurrents, la marque est très tournée vers les solutions innovantes. J’ajouterai, la capacité de la société à soutenir une croissance rapide. Aujourd’hui, le groupe fabrique déjà pour le marché européen des mini-pelles, des chargeurs compacts, des pelles hydrauliques sur chenilles jusqu’à 21 t, des grues sur chenilles et des nacelles.
Est-ce suffisant pour positionner la marque différemment de vos concurrents chinois ?
Nous mettons en avant un rapport qualité/prix sans équivalent. Le produit Sunward se caractérise par un niveau de finition inédit pour un produit chinois. C’est aussi un produit fiable et performant, qui répond à une clientèle d’utilisateurs finaux mais aussi de petits loueurs, certes sensibles au prix, mais qui recherchent un retour sur investissement rapide. La gamme de nacelles élévatrices à ciseaux de 8 à 14 m est configurée pour la location. Nous avons une carte à jouer en veillant à limiter nos coûts de structure tout en étant capable d’apporter le bon support à notre réseau. L’écart de prix est significatif, l’enjeu est de le conserver. L’un des particularismes du marché européen réside dans la nécessaire personnalisation des matériels de chantier.
Êtes-vous en capacité de répondre à cette exigence ?
C’est l’enjeu du projet que nous déployons en Belgique pour l’Europe. Le marché européen est demandeur de machines compactes bien équipées. Pour cela, nous nous sommes dotés d’un centre de préparation en Flandres. Outre la réception des machines, l’objectif est de proposer des options et des accessoires en fonction des pays, en particulier dans le domaine des attache-rapides et autres accessoires répondant aux besoins locaux. Ce centre permet également de disposer d’un stock tampon entre l’usine chinoise et le marché européen. C’est incontournable si l’on veut assurer une disponibilité des matériels suffisante pour servir efficacement le marché européen, et être compétitif face à nos confrères produisant en Europe, et face à nos homologues chinois.
Ces derniers ont souvent péché par le SAV et la disponibilité des PR. Comment appréhendez-vous ces enjeux ?
Le suivi des machines est essentiel si l’on se place dans une perspective à long terme. Disposer du bon stock est donc indispensable pour livrer notre réseau dans les bons délais. Nous nous engageons auprès de notre réseau sur un taux de service de 95 % pour les Pièces de rechange. Nous avons déjà recruté une dizaine de spécialistes du SAV et du négoce de pièces de rechange pour faire l’interface avec les différents marchés européens. Cette plateforme service est une pièce maîtresse dans notre dispositif. À partir de l’année prochaine, nous serons aussi en mesure d’améliorer de manière significative nos conditions d’accueil en Belgique, pour les formations techniques et les démonstrations de machines. La volonté est de disposer d’une cellule européenne complète capable d’assurer tout le support nécessaire.
Pour quelles raisons ?
Le marché européen est le plus exigeant au monde. C’est le plus concurrencé. En se confrontant à la concurrence mondiale, nous progresserons et améliorerons nos positions en Chine. Pour Sunward, le « fabriqué en Chine » a été substitué par le « créé en Chine », depuis longtemps déjà. Si le produit chinois veut être mondialement reconnu, il doit d’abord faire ses preuves en Europe. Les Chinois sont très attachés à cette respectabilité. C’est ce que Sunward vient chercher en Europe.
Êtes-vous conscient du déficit d’image de marque de Sunward ?
C’est incontestable, mais cela mérite d’être relativisé. Les réticences de certains, vis-à-vis du produit chinois, sont là, c’est clair. Mais j’observe aussi beaucoup de curiosité. Beaucoup de nos concurrents, produisent aussi en Chine. Quand ils ne sont pas implantés localement, ils intègrent des composants ou des sous-ensembles fabriqués en Chine. De plus, la marque a toujours été reconnue pour sa qualité d’industrialisation, avec des process avancés. À nous de la valoriser et de la faire connaître.
Quelle est la stratégie industrielle du groupe ?
Le parti pris est de n’intégrer que des composants premium en matière de motorisation et d’hydraulique et d’être très intégré pour le reste. Nos trois fournisseurs de moteurs sont Yanmar, Kubota et Cummins. 75 % de nos gammes compactes sont motorisées par Yanmar. Côté hydraulique, nous montons des composants japonais et européens. Nous maîtrisons l’intégralité de la mécano soudure. Nous fabriquons en interne nos châssis, flèches, balanciers, lames et même nos cabines. Cela nous expose moins aux difficultés d’approvisionnement auxquelles toute la profession fait face actuellement.
Quelle est votre stratégie pour l’Europe ?
Notre stratégie consiste, dans un premier temps, à gagner des parts de marché sur le segment des mini-pelles afin d’implanter la marque durablement en Europe. Pour cela, l’Allemagne, la France, l’Italie ont été identifiés comme les marchés prioritaires. Le Royaume-Uni également. Nous avons choisi de concentrer nos efforts sur les gammes compactes et plus particulièrement les mini-pelles et pelles compactes avec 10 modèles de 1 à 10 t et 4 modèles de chargeurs compacts car synonyme de volumes. Nous avons introduit en 2020 les pelles hydrauliques sur chenilles de 15 à 21 t motorisées en stage 5, et monterons jusqu’à 36 t d’ici à la fin de l’année. L’année prochaine, un modèle de 50 t sera aussi commercialisé en Europe.
Comment s’organise la distribution ?
Nous nous appuyons sur un réseau de concessionnaires, en tenant compte des spécificités de chaque pays. En l’espace d’un an, nous sommes passés d’une quarantaine de concessionnaires à plus d’une centaine. Dans un deuxième temps, nous implémenterons progressivement l’offre. Pour la France, nous structurons notre distribution autour de concessionnaires indépendants. En l’espace d’un an, nous sommes passés de 4 revendeurs à un réseau de vingt-deux distributeurs couvrant déjà les deux-tiers de l’Hexagone. Des acteurs de premier plan de la commercialisation de matériels de TP nous font confiance. À titre d’exemple, avec des sociétés comme Mandamat et Westmat (Groupe Blanchard), les régions Rhône-Alpes et Bretagne sont d’ores et déjà couvertes. W87TP commence à opérer dans le Centre. Grâce à ce maillage, la France sera le deuxième marché européen après l’Allemagne dès cette année.
Repères chiffrés
1,2 Mds € chiffre d’affaires mondial
+ 30 % évolution 2020/2019
6 lignes de produits
6 000 collaborateurs
1 usine
120 pays couverts dans le monde
Continuez votre lecture en créant votre compte et profitez de 5 articles gratuits
Pour lire tous les articles en illimité, abonnez-vous