
« Nous accompagnons les constructeurs de matériels dans la décarbonation », une interview de Elian Verdier, directeur de la division Mobile chez Bosch Rexroth.
Quel est le domaine d’expertise de Bosch Rexroth ?
Bosch Rexroth est spécialisé dans le domaine des technologies d’entraînement et de commande, et met en mouvement des machines et systèmes de toute taille. La marque bénéficie d’un savoir-faire global dans le domaine des applications mobiles, de l’automation, de l’ingénierie et des équipements industriels. Avec nos composants intelligents et nos services et solutions taillés personnalisés, nous créons l’environnement nécessaire aux applications entièrement connectées.
Comment relever le défi de la transition énergétique ?
Compte tenu de l’évolution des contraintes législatives et normatives, nos clients se posent beaucoup de questions par rapport à l’électromobilité. C’est l’un des principaux enjeux actuels pour les fabricants de matériels de chantier. Après avoir adapté les motorisations thermiques en réduisant les niveaux d’émissions, l’heure est à la décarbonation du chantier avec de nouvelles solutions. Donc, nous accompagnons les constructeurs de matériels dans la décarbonation.
Pour répondre à un des charges environnementales,l’innovation est-elle la solution ?
L’enjeu est de se préparer à de nouvelles contraintes, toujours plus sévères, avec, par exemple les zones à faibles émissions ou les chantiers « 0 » émission locale. En réponse à ces nouveaux défis, les fabricants vont devoir concevoir une nouvelle génération d’engins de chantier. Ils vont devoir, notamment, passer d’une culture « diesel-hydraulique » à l’électrification de leur gamme. Quelle que soit la source d’énergie retenue, cette évolution exige des compétences nouvelles et commande d’élaborer des systèmes inédits, que les fabricants de matériels maîtrisent ou ne maîtrisent pas.
Qu’est ce qui empêche une diffusion de masse des matériels électriques ?
Par définition, le marché de l’électromobilité, qui est complexe, n’est pas mature. L’offre est limitée et très chère. On sait cependant que les choses vont avancer dans le domaine des matériels compacts ainsi que dans le domaine de la manutention tout terrain. Le principal frein au développement massif de l’électrique est l’énergie : les composants existent et les spécialistes savent les fabriquer. En revanche, la source d’énergie reste problématique. Cela d’autant qu’il n’y aura pas une seule solution à l’avenir. Au-delà de la définition des produits de demain, l’évolution des compétences internes en adéquation avec les besoins technologiques futurs sont également constitue un enjeu de premier plan.
Chez Bosch Rexroth, vous parler d’« électronification » des engins. Qu’entendez-vous par là ?
Au-delà de l’électrification de la motorisation, qui est une des options prises par les fabricants de matériels de chantier, l’enjeu pour Bosch Rexroth réside dans l’optimisation de l’hydraulique. Cette dernière, hors transmission hydrostatique, sera toujours nécessaire sur les matériels, en particulier pour les circuits ouverts. Compte tenu du prix actuel des batteries, ces dernières doivent être optimisées par rapport au cycle du matériel, chaque kW perdu étant extrêmement coûteux. Disposer d’une hydraulique efficiente est donc essentiel. Pour cela, il est nécessaire de passer par son contrôle électronique. Le contrôle électronique de chaque composant hydraulique est donc appelé à se généraliser. Cela signifie pour un industriel tel que Bosch Rexroth de transformer tous les composants hydrauliques éprouvés par des composants électroniques de contrôle. Toute l’intelligence présente dans un régulateur hydromécanique est transférée vers le composant électro-hydraulique associé à un calculateur.
Qu’est-ce que cela induit pour vous ?
Nous développons deux gammes en parallèle. L’une électrique, avec des moteurs, des onduleurs de puissance et différents équipements, l’autre avec des composants et de systèmes hydrauliques. Nous n’avons plus une vision « composant » mais bien « système », dans lequel chaque élément interagit avec le distributeur hydraulique. Grâce à l’électronique et à la cartographie du système hydraulique, l’ensemble devient « intelligent » et peut répondre instantanément aux besoins de puissance. Sans prétendre se substituer au fabricant de la machine, Nous sommes capables de proposer de sous-ensembles intégrés permettant de faire de la distribution, de la transmission avec leur logiciel de contrôle et de gestion spécifique. La solution peut ainsi être adaptée aux besoins de chaque application.
Où en êtes-vous dans le domaine de l’autonomie ?
L’autonomie pourrait arriver assez rapidement dans le domaine des matériels de chantier et probablement plus facilement que dans le domaine de l’automobile. La capacité à définir un périmètre clos simplifie la mise en œuvre de ces innovations. Pour les faire aboutir, il faut travailler sur les dispositifs de sécurité tels que les capteurs à ultrasons, les radars, les caméras et autres systèmes de vision à 360°. Ces derniers devront être durcis pour répondre aux conditions d’exploitation des matériels.
Des co-développements ou des partenariats sont-ils nécessaires pour faire aboutir ces concepts ?
La puissance du groupe permet d’utiliser des composants et logiciels développés pour d’autres applications. Notre vision est que l’électrification va se porter d’abord sur les matériels compacts. C’est plus facile à gérer et cela permet de s’évaluer. Les développements ultérieurs concerneront les matériels de plus grosse capacité. Quant à l’assistance à l’opérateur et à terme, l’autonomie, compte tenu des surcoûts, elle passera prioritairement par les matériels de production. Bosch Rexroth travaille sur des solutions « système » sur la base des composants fabriqués en interne et réfléchit à des partenariats avec quelques constructeurs pour développer des solutions dédiées.
Pouvez-vous illustrer avec un exemple ?
Dans sa nouvelle génération de mini-pelles, Volvo CE a remplacé le moteur thermique diesel par une motorisation 100 % électrique. Cette génération de puissance entraîne un système hydraulique Bosch Rexroth de type ‘flow sharing’ constitué principalement d’une pompe à pistons axiaux et cylindrée variable A10V, d’un distributeur RS et d’une interface homme machine (joystick et pédale) à commande hydraulique. Ce système hydraulique permet une consommation énergétique optimisée et trouve donc parfaitement sa place dans les mini pelles modernes dont l’autonomie dépend de batteries électriques.
Quel retour d’expérience dressez-vous de cette initiative ?
La coopération entre le centre d’application mini pelle Bosch Rexroth de Vénissieux et le centre de design et production Volvo CE mini-pelle basé à Belley a permis de configurer au mieux ce système afin d’obtenir le meilleur résultat économie d’énergie / performance pour cette nouvelle génération de machines. Tous les composants hydrauliques -pompes et distributeurs- ont été optimisés sur le plan énergétique, car c’est le nerf de la guerre sur un matériel électrique.
Quels sont les leviers de progrès à actionner pour gagner encore dans l’efficacité énergétique ?
La machine 100 % électrique, jusque dans les commandes du vérin n’est pas prête. En revanche, des solutions hybrides avec vérin intégrant une mini centrale intégrée, semblent prometteuses. Dans le domaine de l’hydraulique, la tendance est à la décentralisation de la distribution. Au lieu d’avoir un bloc hydraulique principal unique, la réflexion porte sur la possibilité de rapprocher le distributeur hydraulique du vérin pour réduire les pertes de puissance.
Quels sont les prochains développements attendus ?
Nous avançons dans l’approche « système » pour l’électrification. Dans le cadre de l’Electronic Open Circuit, où la pression, le débit et la puissance sont gérés par l’électronique, nous proposons une plateforme de réglage pour que le constructeur du matériel puisse procéder ses propres réglages (mode de travail personnalisé).
Vous vous intéressez donc à la data ?
Avec l’électronique, la machine est devenue une génératrice de données avec ses capteurs de pression, de vitesse, de température, …. À l’usage, ces données contribuent à une meilleure connaissance des conditions d’utilisation des machines, donc à l’amélioration, en amont, de sa conception et sa fiabilité (maintenance prédictive, préventive), mais aussi à l’amélioration de sa gestion, de ses mises à jour, de sa maintenance et de son dépannage, en aval. La data est synonyme de nouvelles opportunités sous réserve de définir les modèles économiques à élaborer avec certains constructeurs et d’élaborer de nouveaux services proposés aux constructeurs pour qu’eux-mêmes puissent élaborer de nouveaux services à monnayer.
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