
« Les trains de roulement vont redevenir un composant stratégique de tout matériel de chantier », Une interview de Piero Bruno, Président de Berco
Qu’est ce qui a prévalu à la création d’un nouveau centre de R&D à Copparo ?
Depuis sa création, la société se distingue par la qualité de ses produits et par sa capacité à innover. Pour cela, il est nécessaire d’investir constamment dans la recherche et le développement. Je suis convaincu que pour être efficace dans le domaine de la R&D, il ne suffit pas de se doter d’un outil efficace et à la pointe de la technologie. Il faut aussi inscrire son action dans le cadre d’une démarche globale, depuis la formalisation d’une idée jusqu’à l’industrialisation de la nouveauté. Il faut enfin, veiller à créer un environnement propice au travail des ingénieurs et des chercheurs et s’assurer que les nouveaux produits sont en adéquation avec les besoins actuels de nos clients et anticipent leurs attentes futures. C’est comme cela que Berco conservera son avance technologique.
Dans le domaine de la R&D, le benchmarking est aussi nécessaire ?
Nous analysons en permanence les brevets qui sont déposés par nos clients dans le monde entier dans notre industrie évidemment, mais aussi par nos concurrents directs et par des industriels qui évoluent dans des secteurs connexes, Michelin par exemple. Nous ne sommes pas en confrontation frontale avec le manufacturier de pneumatiques, même si nous pouvons servir les mêmes clients sur les mêmes marchés. En quelque sorte, Berco est le Michelin du train de chaîne. Cette approche permet de dégager les grandes tendances et d’identifier les prochains enjeux dans le domaine des trains de roulement et les pièces d’usure. De quoi contribuer à pérenniser l’entreprise à long terme.
Peut-on parler de R&D 4.0 ?
De nos jours, et au-delà de la capacité à industrialiser une innovation, l’un des enjeux principaux réside dans le délai de mise sur le marché. Il faut tout mettre en œuvre pour raccourcir le temps qui sépare le développement d’une innovation de sa commercialisation. C’est pourquoi, le nouveau centre de R&D, dans lequel 1 million d’euros a été investi, dispose aussi de moyens de production avancés, que l’on retrouve dans l’usine 4.0. Sur un même site de 2 000 m2, nous avons la possibilité caractériser les aciers, concevoir de nouveaux alliages, tester, analyser, fabriquer des prototypes et même évaluer et valider la qualité du produit fini. Le nouveau centre permet d’innover à la fois sur le produit et sur son industrialisation, dans le cadre d’un processus linéaire et totalement digitalisé. Auparavant, nous attendions la demande du client pour lancer la production. Aujourd’hui, nous pouvons lancer la production en toute confiance. Nous sommes rapides, plus efficaces et plus réactifs grâce au recours à l’intelligence artificielle. L’industrialisation intervient plus rapidement. La production, sur le site adjacent de 270 000 m2, est plus efficiente.
C’est également pour gagner en réactivité que les activités de R&D se sont poursuivies pendant l’aménagement du nouveau centre ?
C’est un des points clés du projet. Cette transformation digitale est opérée alors que les travaux de R&D se poursuivent, que l’usine reste opérationnelle, que la production est maintenue et que les livraisons à nos clients sont assurées. C’est pourquoi, tout a été programmé en amont. Depuis trois ans, nous nous sommes préparés à ce changement qui nous emmène jusqu’en 2024.
Comment êtes-vous structurés à présent ?
L’équipe Technologie et Innovation, qui regroupe une vingtaine de chercheurs, est organisée en deux sous-groupes : le laboratoire de métallurgie et l’ingénierie des produits. Les effectifs seront rapidement portés à 30 personnes.
Quels sont ses axes de travail ?
Si l’on observe les tendances de l’industrie mondiale des matériels de chantier et les attentes des clients, on se rend compte que la sécurité est le principal axe de progrès. C’est un enjeu essentiel. L’autonomie de la machine, rendue possible grâce au déploiement de la 5 g, est en marche et va aller en s’accélérant. Cela signifie qu’à terme, l’opérateur va travailler de manière déportée et que la cabine va disparaître des matériels de chantier. De même, le moteur thermique va progressivement être remplacé par des batteries électriques.
Ces deux mutations sont-elles sources d’opportunités pour Berco ?
C’est ce qui pouvait arriver de mieux à notre industrie, typique du vieux monde. Nous sommes des forgerons. Nous travaillons les métaux, leur composition et leur fabrication. Compte tenu des orientations prises par les constructeurs de matériels, les trains de roulement vont redevenir un composant stratégique de tout matériel de chantier. Ils vont être au cœur de la conception des prochaines gammes d’engins de chantier, qui privilégieront les spécialistes, capables de leur proposer des produits fiables et efficients mais aussi connectés. En d’autres mots, ces produits à forte valeur ajoutée. C’est tout le sens de notre démarche de R&D et de l’outil dont on s’est doté. Demain, le train de chaîne d’une pelle sera communicant. Il générera de la donnée. C’est d’autant plus nécessaire que le matériel étant éloigné, il n’y aura plus de technicien ou d’opérateur pour s’assurer de son bon état fonctionnel.
Vous annoncez le train de roulement « connecté » ?
Le train de roulement pourra délivrer à l’exploitant des informations sur son état, par exemple, un début de fissuration ou un risque de rupture d’une soudure. Chez Berco, dans le futur, le train de roulement va devenir un composant critique d’un matériel de chantier. Au-delà d’un composant seul, nous sommes capables de proposer un système propulsif complet à nos clients OEM. Cela, parce que nous avons également une expertise dans le domaine de la lubrification. C’est la valeur ajoutée de notre offre. Nous connaissons les besoins des fabricants de matériels et savons répondre à leurs attentes avec des solutions à forte valeur ajoutée, parce que définies par des experts. En instrumentant nos trains de chaîne, nous accédons à des données relatives à l’état et aux comportements opérationnels des matériels que nous équipons. Nous pouvons aussi prévenir d’éventuels incidents, en intervenant en amont de la panne.
Quel est le principal défi à relever pour y parvenir ?
La principale difficulté réside dans la capacité de tester en conditions réelles les produits. Si l’on se compare à l’industriel automobile, nous évoluons sur un marché de petits volumes, sur lequel les conditions de travail sont extrêmement variables, qu’il s’agisse de l’application, du climat ou de l’intensité d’usage. C’est l’une des complexités de notre métier. Nos produits doivent être opérationnels dans toutes les circonstances, y compris les plus extrêmes.
Qu’est ce qui vous permet d’affirmer cela ?
Le savoir-faire centenaire de Berco, qui, dans son domaine n’a pas d’équivalent. Au sein du groupe ThyssenKrupp Forged Technologies, nous avons accès aux aciers les plus performants. En interne, notre connaissance du traitement thermique, déterminant pour conférer à l’acier ses propriétés de résistance, du comportement des matériaux sous contraintes et des caractéristiques d’usage est unique. Un autre domaine dans lequel nous excellons est la lubrification. C’est essentiel pour des pièces de métal en mouvement, comme un train de chaîne. Enfin, nous avons acquis un réel savoir faire dans le domaine de l’assemblage. La précision d’assemblage conditionne la fiabilité du produit final. Grâce au contrôle digital de la production, Berco est le seul fabricant qui s’engage sur le montage de ses chaînes
C’est le moyen de vous démarquer de la concurrence asiatique ?
La fiabilité reste notre priorité. La stratégie mise en œuvre par Berco, et qui est illustrée par le nouvel outil de R&D, consiste à introduire de la valeur ajoutée à un produit complexe, de qualité et de plus en plus spécifique, qu’est le train de roulement. L’évolution technique des matériels de chantier et les enjeux actuels et futurs des exploitants, nous offrent la possibilité de revaloriser ce composant clé. C’est d’autant plus nécessaire que nous sommes confrontés à de nombreux concurrents et que nous ne croyons pas en une approche quantitative du marché. C’est la qualité qui conditionne notre avenir. .
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