Solidement ancrés dans leurs bassins économiques et bénéficiant d’une réelle proximité relationnelle avec leurs clients, les loueurs régionaux et spécialisés poursuivent leur développement. Face aux différentes défis auxquels ils sont confrontés, si les stratégies adoptées sont propre à chacun, elles se rejoignent en trois points : les investissements, l’expérience client et l’excellence technique.

La Réunion de Chantiers de France: l’agilité prévaut-elle sur la taille ?

En 2022, ils ont évolué dans un environnement économique complexe mais qui est resté dynamique pour la location. Comme pour les majors de la profession, l’un de leurs principaux enjeux a été d’assurer le renouvellement, voire l’expansion de leur parc. De fait, l’une de leur marque de fabrique réside dans des politiques d’investissements soutenus. A titre indicatif, V Lok exploite 12 agences sur le seul département de la Vendée, se développe dans quelques départements limitrophes (trois agences en Loire-Atlantique et dans les Deux Sèvres) et conserve un niveau d’investissement élevé, de l’ordre de 12 à 15 millions d’euro chaque année, à comparer avec le chiffre d’affaires de 34 millions en 2022. « C’est l’une des forces de la société qui a toujours misé sur la qualité des matériels et donc du service, souligne Jessica Vincendeau, présidente de V Lok. Nous maintiendrons ces niveaux cette année et réfléchissons déjà pour 2024, compte tenu des délais de fournisseurs. »

Après avoir traversé un trou d’air au mois de novembre dernier, en pleine préparation des budgets, le rebond de l’activité intervenu depuis a rassuré Antoine Le Quellec, président de Loc +, Apex et Covitech, trois sociétés de location positionnées sur les matériels pour la construction, les véhicules utilitaires et industriels ainsi que les VGP pour matériels et installations électriques. La croissance du parc et l’augmentation du nombre des agences sont les principaux moteurs du loueur qui intervient sur l’arc méditerranéen. Bien que vigilant, Philippe Jan, président de Bleu Blanc Location, constate que les voyants sont au vert et que ses clients ont du travail. Il anticipe donc une belle année 2023, en particulier dans le domaine des réseaux secs (fibre optique) et humides (eau potable, assainissement...) ainsi que les marché liés à l’environnement. « La transition énergétique est consommatrice de matériels d’élévation de personne et de manutention de charge, analyse Philippe Jan. Nous devions avoir une mutation de notre clientèle, y compris de nos clients actuels, qui pourraient s’orienter vers de nouveaux métiers. A nous de les accompagner et de leur permettre de réaliser leur chantier dans de meilleures conditions de sécurité et de productivité. » Après avoir forcé le trait dès mi-2021 pour s’affranchir des tensions dans le supply chain, le loueur revient à son niveau d’investissement d’étiage, soit de 10 à 15 millions d’euros selon les ouvertures d’agences. Pour le loueur multirégional, c'est l'agilité du loueur qui permet d'accompagner ses clients dans la transformation de leurs actrivités en leur proposant les matériels adaptés. La tour de force de ces structures est de maintenir des niveaux d'investissements elévés alors qu'elles ne disposent d'aucune visibilité à moyen terme. C'est donc un pari sur l'avenir qu'elles engagent. Le risque existe, même si leur ancrage au plus près du terrain et leur savoir-faire dans la gestion de leur parc tendent à en minimiser les effets. Structurés historiquement pour excercer la location courte durée, ces loueurs sont rompus à la réactivité et aux imprévus. Une agilité qui est à la fois leur force mais aussi leur faiblesse dans un métier de service et de commerce mais dont l'évolution requert également des qualités de gestionnaires et d'analystes de données. C'est en croisant ces deux aspects qu'ils parviennent à définir leur stratégie.

Diversification

Avec un positionnement atypique, Aprolis évolue dans un environnement de la manutention industrielle bien orienté. A l’issue d’une année « euphorique », qui s’est traduite par une progression du chiffre d’affaires de 20 %, 2023 s’annonce encore sous le signe de la croissance organique, de l’ordre de 10% . « Les carnets de commandes sont pleins et nous ne voyons pas de baisse d’activité chez nos clients, confirme Benjamin de Castelnau, président d’Aprolis. Nous avons franchi un cap l’année dernière avec le rachat de la société CGM Movincar en Italie qui nous positionne comme un acteur national. Nous devrions atteindre 500 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année, dont 50 % en dehors de France. » Présent dans sept pays, le loueur entend grandir à l’international. Son modèle d’affaires a été adapté en conséquence. « Dans un marché consolidé, nos concurrents sont d’abord les constructeurs eux- mêmes. Il nous a fallu nous positionner différemment, en menant une stratégie de diversification de notre offre dans la manutention, commente Benjamin de Castelnau. Notre objectif est de devenir leader dans la location de matériels divers pour satisfaire l’ensemble de la demande de matériels de manutention en devenant ce que les anglais nomment one stop shop. » Ce concept du guichet unique tel qu’il a été mis en place en France est désormais dupliqué sur les différentes géographies d’Aprolis. L’offre s’ouvre à des matériels de manutention portuaire et rail/route pour toucher un maximum de segments de clients différents. A la différence de la location courte durée, la location longue durée permet d'investir une fois le contrat signé par le client. Cela tend à sécuriser les investissements et à donner une visbilité sur l'activité. Les arbitrages se font selon la conjoncture et les flèchages donnés aux bugets alloués au renouvellement du parc aux moyens investis pour capter de nouveaux marchés et aux  ressources à consacrer aux opportinutés de croissance externe.

Spécialisation

La stratégie mise en oeuvre au sein du groupe Sofilec repose sur la spécialisation de ses activités et le développement des synergies entre les différents métiers. Aux côtés de Loc+, loueur de matériel de chantier, il a constitué, autour de deux sociétés acquises par croissance externe, une entité spécialisée dans la location de véhicules industriels. Une société de contrôle, Covetech VGP, complète le dispositif. "Nous développons à présent l'hébergement et la sécurisation  sur les chantiers, révèle Antoine Le Quellec, président de Sofilec. Ces activités ont vocation à constituer un nouveau pole de spécialité. Le fait d'offrir une offre globale tire l'activité en adressant une clientèle élargie." Le second levier sur lequel le dirigeant agit est l'expasion géographique. Après avoir pris position sur l'arc méditerannéen, le loueur veut se développer en Catalogne ainsi que dans le sud-ouest. Convaincu de disposer encore d'une marge de progression sur ses bassins économiques, Philippe Jan, qui ouvrira deux nouvelles agences cette année, mise sur la proximité avec ses clients qu'il entend accompagner dans leurs déplacements : "Nos clients sont mobiles. Si le service que nous leur apportons localement peut être dupliqué ailleurs, alors ils feront appel à nous. Pour cela, la qualité de la prestation, la réactivité et la capacité à leur apporter les bons outils de travail sont déterminants." De la location à la demi-journée au contrat pluriannuel, la proposition est très vaste et le client dispose d'un choix vaste. "La différence se fait par la qualité de nos services, pense Philippe Jan. La location, qui s'inscrit dans l'économie du partage, est appelée a se développer."

Rotation

Tous attachent une importance aux fondamentaux de la location et surveillent quelques ratios clés. Avec le taux de rotation du parc, le retour sur investissements reste la boussole du loueur. L'évolution de ce ratio est donc à scruter d'autant plus attentivement que l'inflation perdure à un taux élevé et que le ROI évolue selon le type de matériels dans lequel le loueur investit. "Les matériels qui ont la durée de vie la plus longue affichent des ROI plus faibles, confirme Antoine Le Quellec. Pour autant, un ROI plus faible ne signifie pas forcément une rentabilité moindre." Comme le souligne Philippe Jan, "les loueurs régionaux sont traditionnement bien positionnés par rapport à l'âge de leur parc. Depuis 20 ans, nous avons engagés plus de 250 millions d'euros dans l'achat de matériels, majoritairement fabriqués en France, voire en Europe". Ce chiffre confirme le caractère capitalistique de la location, qui requiert des fonds propres conséquents à même de maintenir la valeur résiduelle du parc de matériels et de pérenniser l'entreprise. Le taux de toration est également riche d'enseignement.

C'est un fait, le ticket d'entrée est de plus en plus élevé pour les nouveaux entrants, tout comme l'immobilisation de montants importants en cas de création d'agence. Les ouvertures d'agence "ex nihilo" n'ont jamais été aussi coûteuse tandis que l'intégration de petite structures s'avère souvent compliquée. "Toute notre stratégie de croissance externe se fait autour de la marque Aprolis et consiste à déployer la plate-forme européenne de la location de matériels de manutention autour de notre savoir-faire, commente Benjamin de Castelnau. Il est essentiel de toujours s'adapter au contexte local. Cela suppose, quand c'est possible, de diversifier l'offre en fonction des possibilités offertes par les différents marchés." La politique d'excellence que cultive les loueurs est fondée sur le savoir faire et le savoir être des équipes. Elle passe aussi par le respect des conditions générales de location, "pas toujours faciles à faire appliquer". Au regard notamment d'une sinistralité qui croît depuis quelques mois, en particulier dans le domaine des matériels de terrassement, ces conditions générales de location protègent le loueur. Les intervenants s'accordent sur le fait qu'ils doivent faire oeuvre de pédagogie avec leurs clients mais aussi avec leurs équipes pour préciser les règles du jeu et rappeler l'objectif commun partagé. Les loueurs s'engagent aussi dans la transition énérgétique en travaillant sur leur empreinte carbone et sur l'optimisation des moyens mis à la disposition de leurs clients. A ce titre, la densité de leurs implantations et l'âge de leurs parcs constituent deux avantages déterminants. La télématique, qui concourt à une meilleure gestion de leurs matériels, constitue un levier fort de décarbonation.

Hiboo : puissance et pertinence de la donnée

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Expert de l'analyse de la data des actifs industriels, Hiboo se distingue par la qualité de la donnée restituée au client. Après avoir convaincu plusieurs grands comptes TP, la "constech" s'impose à présent dans la verticale de la location. Le taux de connectivité des parcs allant croissant, Hiboo traite la donnée émise nativement par les matériels pour restituer à ses clients une data  de qualité qui constitue le socle de la décision du loueur. "Nous aidons nos clients à optimiser la productivité, l'efficience énergétique et la performance opérationnelle des flottes d'actifs en moblité, explique Clément Benard, co-fondateur d'Hiboo. La donnée restituée est créatrice de valeur ajoutée pour nos clients."  En ajoutant une clé numétique à la clé "physique" de la machine, le prestataire se positionne au coeur des enjeux de la transformation numérique et de la transformation énergétique du secteur. Qu'il s'agisse de travailler sur le fonctionnement même d'un matériel, en identifant par exemple les sur-utlisation ou les taux de ralenti, de piloter en interne une flotte dans sa temporalité et dans sa géographie ou d'améliorer le service apporté au client, l'analyse de la donnée restituée dans une plate-forme de données multimarques et homogène devient clé.

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