Vous célébrez 90 années de relation avec Caterpillar. Que représente ce jubilé ? Le Groupe a été créé en 1906, le partenariat avec Caterpillar, qui a débuté en 1929, est naturellement, extrêmement fondateur dans notre histoire. Tout a débuté lors d’un voyage professionnel de Francis Monnoyeur, mon arrière-grand-père à Séville, qui a découvert les premiers tracteurs à chaîne destinés aux travaux des champs. Ayant immédiatement saisi le caractère innovant de ce matériel il a négocié le contrat de représentation exclusive de la marque en France. Cet accord tenait sur une feuille A4. Cela atteste de la confiance sur laquelle est basé ce partenariat et de la force de la relation qui lie les deux entités. Aujourd’hui encore, la confiance est toujours un marqueur fort de nos relations. Caterpillar nous a fait confiance pour déployer notre savoir-faire en Algérie, en Belgique, en Pologne et en Roumanie. Autant de marchés qui ont leurs propres spécificités et que nous avons appris à connaître. Comme à chaque anniversaire, il est naturel à la fois de se retourner sur le passé et de se projeter vers l’avenir. Grâce à ce partenariat assez unique, nous avons construit une ETI familiale de plus de 6 000 collaborateurs, dont la moitié du chiffre d’affaires est générée à l’étranger, présente dans cinq pays et active à la fois dans l’industrie et le service, avec une raison d’être : la satisfaction du client. C’est la mission de Bergerat Monnoyeur. Nous sommes des entrepreneurs qui progressons avec et par nos clients. Comment appréhendez-vous l’avenir de cette relation ? Le groupe est dans un moment particulier avec, depuis le 1er janvier dernier, la mise en place d’une nouvelle gouvernance et une équipe dirigeante renouvelée. Le mandat qui lui a été confié est clair : répondre aux défis auxquels nos métiers et ceux de nos clients sont confrontés, qui sont à la fois complexes et pluriels. L’urbanisation, la volonté de construire plus et mieux, l’économie de l’usage, la nécessité de disposer au bon moment des bons outils, la digitalisation, l’usage accru des nouvelles technologies mais aussi la transition énergétique, particulièrement sensible dans les économies matures et qui suppose, à terme, de s’affranchir des énergies fossiles sont autant de challenges qui se posent à nous. Face à ces défis, 90 ans de relation avec un partenaire comme Caterpillar confèrent quelques avantages. Nous avons la chance d’être arrimé à un leader mondial, qui se porte très bien, qui suit une stratégie cohérente et qui dispose d’une réelle vision. Nous pouvons continuer à construire et à croître dans son sillage. Caterpillar donne à ses dealers les moyens de se projeter dans leur métier qui est en pleine mutation (typologie des machines vendues sous l’effet de l’urbanisation, capacité à fournir les bons matériels au bon moment, accompagner l’essor de l’économie de l’usage, etc.). Aujourd’hui comme hier, nous sommes en capacité de répondre à un très grand nombre de demandes de nos clients. À l’aune du paiement à l’usage, nous devons savoir tout faire, du paiement à l’heure au rachat d’une flotte en passant par la gestion d’un parc pour compte de tiers. Comment s’organiser pour remplir ces missions ? Nous voulons rester innovants. Bergerat Monnoyeur a accompagné la construction française dans sa mécanisation, nous voulons continuer à être à l’avant-garde des offres permettant des gains de productivité chez nos clients. Il s’agit d’un SAV encore plus performant grâce aux outils digitaux comme les lunettes connectées, les offres de location longue durée construites sur mesure ou encore la robotisation des machines grâce à notre filiale Sitech. Dans ce domaine, l’arrivée des technologies numériques ouvre les voies de l’analyse de production, du dimensionnement de flotte et de la digitalisation du chantier dans le cadre d’une approche collaborative. En quoi l’entreprise s’adapte-t-elle à autant de transformations ? Le Groupe Monnoyeur est structuré en conséquence, autour de quatre pôles d’activités : la distribution de biens d’équipement, la gestion de l’énergie, les solutions de manutention et la digitalisation du secteur de la construction. Chacun de ces centres de profit est appelé à se développer pour acquérir des positions de leadership sur ses marchés. Ce n’est pas une finalité mais bien la condition nécessaire pour pouvoir continuer à innover pour le compte des clients. C’est cette position de N° 1 avec Caterpillar qui nous permet aujourd’hui d’investir dans les lunettes connectées pour nos techniciens itinérants ou de développer les solutions de location de matériels de production. Nous investissons de la même manière dans notre filiale Arkance. Notre ambition est de bâtir le leader français de la digitalisation de la construction en France. Nous sommes en bonne voie, même si, comme toujours, nous abordons un nouveau métier avec beaucoup d’humilité, en apprenant à l’écoute de nos clients et en investissant en conséquence. Arkance est aujourd’hui le leader français de la distribution de produits Autodesk. Ses équipes de 270 ingénieurs et techniciens lui confient une grande expertise dans le BIM, la robotisation et l’accompagnement dans la digitalisation des chantiers. Les complémentarités sont évidentes avec notre métier de dealer Caterpillar. Quelle place pour le dealer à l’avenir ? Dans notre métier de dealer, notre volonté est de poursuivre le renforcement de notre offre sur les géographies existantes. En France, Belgique, Pologne, Roumanie et Algérie, nous investissons fortement dans l’expérience client, la digitalisation de nos activités, la transformation de notre offre et la modernisation de notre SAV. Dans le domaine de la digitalisation de la construction avec Arkance, nous sommes dans une phase de consolidation de l’offre après avoir acquis une position intéressante en France. Ce secteur est en phase de convergence. Force est de constater que les offres disponibles sur le marché sont pléthoriques avec de nombreux acteurs capables de développer des technologies. Les acteurs comme Arkance, capables de se mettre au service du client final, que ce soit un grand compte ou une PME de TP, pour les aider à transformer leur processus de travail, sont plus rares. Nous sommes, dès à présent, positionnés avec une offre globale, pour le bureau d’études comme pour le chantier. Cette prestation s’adresse-t-elle prioritairement aux majors de la construction ? Le chiffre d’affaires de Bergerat Monnoyeur ne se fait qu’à hauteur d’un tiers avec les grands comptes. Le reste se fait avec les centaines de PME qui font le tissu local de la construction française. En outre, l’entreprise est historiquement décentralisée. L’organisation régionalisée est un gage de proximité avec nos clients. 40 ateliers répartis partout en France nous mettent en contact physique tous les jours avec les exploitants et les opérateurs. Que nous bénéficions d’une relation historique avec les majors est un fait. Cela nous permet de comprendre à la fois les besoins de cette typologie de clients mais aussi ceux des clients régionaux et des PME. Dans le cadre de la transformation numérique, les enjeux sont différents. Un client local est confronté à un véritable enjeu pour rester dans la course quand la transformation digitale est déjà très avancée chez les grands comptes. Notre ADN est de servir les 10 000 clients qui font les 90 ans de l’entreprise. Comment appréhendez-vous l’arrivée des start-up dans le secteur ? Je ne cherche pas à me prémunir de la concurrence. Dans le domaine des nouvelles technologies, cela accélère l’innovation, permet la maturation rapide des technologies et favorise l’évolution de l’offre. Quant à la convergence des technologies chez nos clients, le principe même de la maquette numérique est de brancher tous les acteurs sur une même plateforme. Cela pose des questions d’interopérabilité qui résultera, selon moi, des exigences des clients. Ils arbitreront en fonction de l’agilité de leur fournisseur, de la capacité de ces derniers à leur apporter une solution globale et de celui avec lequel il est le plus facile de travailler. Ici aussi, la notion de service est prépondérante.Il n’y a aucune raison de penser que ce que certains secteurs subissent en matière d’ubérisation nous ne concerne pas. Nous travaillons dans le B to B en fournissant, entretenant et servant des biens production. Notre stratégie privilégie la qualité de service, autrement appelée « expérience client » ; c’est notre atout, ce qui nous différencie. Les 1500 techniciens au service de nos clients sont les premiers acteurs de cette stratégie. La montée en puissance de l’économie de l’usage s’opère-t-elle au détriment de la vente de matériels ? Le marché doit être appréhendé dans sa globalité. Il s’avère qu’en France, le matériel assoit encore beaucoup la valeur de nombreuses entreprises de TP. Je ne pense pas qu’il faille opposer l’une ou autre approche. La location longue durée répond à un besoin d’agilité et de gestion du TCO mais ne correspond pas à tous les clients. Chaque client Bergerat Monnoyeur est en contact avec trois interlocuteurs génériques que sont le commercial, le technicien et l’inspecteur après-vente. Tous incarnent le savoir-faire de l’entreprise et sont capables d’adapter l’offre à chaque client. Est-ce que cela signifie que la location est donc appelée à se développer au sein du groupe ? Avec Caterpillar, l’objectif partagé est que Bergerat Monnoyeur, au travers de BM Rent, continue de jouer un rôle dans la location. Le marché est mature et très concurrentiel. Mais les opportunités existent : il y a incontestablement une évolution dans la « consommation » des matériels de TP, avec une tendance de fond, se tourner vers la location longue durée pour les gammes lourdes. Quel sera le taux de pénétration de cette alternative à l’avenir ? Si l’on se compare à celui de la manutention industrielle ou des véhicules industriels, il est encore faible. Cela, parce que dans les deux cas, le chariot et le camion ne sont pas « core business », contrairement au matériel de chantier qui l’est dans les TP. L’intégration croissante de la technologie dans l’industrie de la construction et le déploiement du BIM sur le chantier d’infrastructures va pousser cette tendance pour une raison essentielle : à l’avenir, la disponibilité d’une machine sera de plus en plus dictée par la logistique globale du chantier. Par conséquent, les besoins d’optimisation d’une flotte vont être de plus en plus élevés. Ces réflexions conduisent naturellement vers l’économie de l’usage. Cela, d’autant plus que la généralisation du BIM va poser la question de la capacité d’un acteur de se différencier d’un autre, les méthodes étant de plus en plus « objectives ». Dans ce contexte, la chaîne de la valeur va évoluer. Mais, force est de reconnaître que jusqu’à nouvel ordre, on n’a pas trouvé de meilleur moyen qu’une machine de TP pour bouger de la terre. Que vous apporte la commercialisation exclusive des gammes mobiles de Sandvik dans l’hexagone ? Je considère que l’ajout de cette carte à la gamme Caterpillar est une très bonne nouvelle tant il y a une logique à la complémentarité des offres. Chacune des deux marques a un positionnement sur son marché respectif assez similaire. Nos clients attendent de nous que nous développions le service. C’est que ce nous avons l’ambition de faire pour les matériels mobiles de préparation de matériaux afin de servir au mieux nos clients carriers et routiers. Cela n’augure en aucun cas d’une offre plus large. Nous n’avons pas de stratégie d’extension de notre offre. Dans un contexte concurrentiel qui évolue, notre réussite est fondée sur notre capacité d’investissement dans nos services. Quand les exigences d’un marché évoluent autant que le nôtre, il est essentiel d’avoir un positionnement clair. Nous pourrions imaginer de mettre au service d’autres marques notre force de frappe. Cela serait, je le pense, incompris par nos clients. En outre, cela diluerait nos efforts. Propos recueillis par Jean-Noël Onfield Philippe Monnoyeur ; « Notre métier consiste à répondre aux besoins de compétitivité et de gains de productivité de nos clients ».