Entretien avec Paul Lhotellier, président du groupe Lhotellier. Chantiers de France : qu’est ce qui a prévalu à l’ouverture d’une agence spécialisée TP dans l’Eure fin septembre ? Paul Lhotellier : Historiquement, notre entreprise est normande. Notre siège est implanté à la frontière entre les régions Normandie et Hauts de France. Au cours de ces dernières années, nous avons été aspirée par la dynamique nordique. Nos différents métiers connaissant un développement substantiel dans les départements de la Somme, avec un tropisme fort pour l’Amiénois, la Côte d’opale, l’Oise et le Pas-de-Calais. Aussi avions-nous la volonté de rééquilibrer notre position géographique en mettant les moyens nécessaires pour conforter nos positions en Normandie. C’est déjà le cas pour les métiers connexes. L’agence d’Alizay, dans l'Eure, traduit cette même ambition pour les métiers des TP. C’est donc la concrétisation de plusieurs chantiers conformément à notre souhait de coller à la demande de nos clients. CdF : Cette agence traduit-elle votre volonté de vous rapprocher de la région parisienne ? Paul Lhotellier : Nous raisonnons par territoire. Depuis les pays de Caux et de Bray, il nous fallait nous rapprocher de la vallée de la Seine où nous intervenons déjà dans les métiers de dépollution des sols, de l’eau et des matériaux. La nouvelle agence massifie notre présence avec la volonté de nous adapter au contexte local, en ayant une vision multiactivités sur le secteur. Les mégaprojets, tel que celui du Grand Paris, sont générateurs d’activité pour nous. Indirectement, nous tirons bénéfices de ces chantiers, notamment au travers des multiples besoins générés sur l’axe Seine. CdF : Cette approche multimétiers et multirégions est-elle votre marque de fabrique ? Paul Lhotellier : Nous sommes effectivement atypiques par la diversité des métiers exercés. Dans notre bassin économique, nous sommes, à ma connaissance, les seuls à proposer un panel de prestations aussi large. Cette offre a été élaborée dans une logique de service. Plus qu’un métier pratiqué, nous devons nous adapter aux besoins de nos clients qui veulent une réponse globale, construite ensemble et pour laquelle nous aurons défini les meilleures solutions technologiques et économiques au stade de la conception, mais aussi lors de la production et en phase d’exploitation et de maintenance.
CdF : En êtes-vous mieux rémunérés ? Paul Lhotellier : Nous sommes attentifs à l’intimité que nous savons cultiver avec la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, comme avec l’ensemble de nos clients privés et publics, parmi lesquels bon nombre de communes et collectivités de la ruralité. Nous sommes des militants du développement rural. Nous pensons que la ruralité est moderne et que, si l’on a besoin d’urbanité et de métropoles favorisant la dynamique économique, le village et autres communes rurales ne doivent pas être les laissés-pour-compte du développement. Nous considérons que l’entreprise doit être contributive à l’essor économique et à la vie rurale. C’est ce que nous défendons au travers de l’organisation décentralisé de notre groupe, dont chacune des entités est vecteur de progrès et de création de valeur sur son territoire. En outre, nous devons être en capacité d’interpréter les grands mouvements sociétaux du moment, notamment en matière de mobilité et d’environnement et d’accompagner la transformation numérique de l’économie. J’observe que sur ces territoires, la population change rapidement et que ceux qui viennent s’y établir sont hyper-connectés, demandeurs de haut débit et de transports en commun efficaces. CdF : Dans quel environnement conjoncturel évoluez-vous ? Paul Lhotellier : Comme l’ensemble de nos confrères, nous avons vécu dix années de tension avec une double problématique de prix et de volumes. Pourtant, nous avons pris le parti d’en faire une opportunité et d’interroger nos pratiques. L’approche multimétiers qui en a découlée, nous a permis de traverser la période et d’en sortir plus forts. Nous avons pu recruter, miser sur la promotion interne, travailler sur notre outil industriel et maintenir un niveau élevé d’investissements. Cette capacité à rester proactif fait que nous sommes en ordre de marche et prêt à accompagner la reprise de l’activité avec un outil de travail adapté. Nous sommes prêts à taper dans le but ! CdF : Concrètement, comment cela se traduit ? Paul Lhotellier : Nous anticipons une progression de l’ordre de 10 à 15 % pour l’exercice en cours et tablons sur le même rythme de croissance en 2019. CdF : La prise de commandes confirme-t-elle cette ambition ? Paul Lhotellier : De tout temps, nous avons toujours été exigeants sur la typologie des chantiers pour nous donner les moyens de travailler dans de bonnes conditions économiques. Nous sommes également très vigilants sur notre capacité à apporter de la valeur ajoutée sur les ouvrages à réaliser. C’est pourquoi nous travaillons nos dossiers pour y mettre de l’intelligence. Aussi, nous alertons nos donneurs d’ordre sur leur politique de prix. À l’heure où nous sommes invités à faire plus ou mieux à iso-budget, l’expérience nous prouve qu’en attribuant un marché au moins disant économique, le maître d’ouvrage comme le maître d’œuvre sont satisfaits. [caption id="attachment_3603162" align="aligncenter" width="550"] Paul Lhotellier, président du Groupe Lhotellier : « Nous investissons 80% de notre Ebitda en matériels ». © Groupe Lhotellier.[/caption] CdF : Quels sont vos grands principes d’investissements ? Paul Lhotellier : Traditionnellement, nous investissons 80 % de notre Ebitda en matériels. La spécificité de notre groupe est d’avoir su construire des tandems homme-machine particulièrement performants. Nos opérateurs sont en effet systématiquement associés à la décision d’achat. Depuis trois ans, nous avons accentué l’effort. En 2017, notre entreprise a consacré plus de 15 millions d’euros à l’acquisition de matériels après avoir balayé l’intégralité de la gamme, des EPI aux matériels de chantier ainsi que nos moyens de production. L’outil industriel a été dimensionné pour aller chercher de la performance et de la capacité de production. CdF : Sur quels critères d’achat vous déterminez-vous ? Paul Lhotellier : Avec la consommation, le confort et la sécurité de nos opérateurs, nous nous déterminons sur des critères de fiabilité, de et de valeur de revente. Nous sommes des mécaniciens et savons optimiser la durée d’exploitation de nos équipements. Nous maintenons une culture technique en interne, avec un atelier intégré et des équipes en charge de l’entretien et de la maintenance de notre parc. Nous connaissons le coût de revient de chacun de nos matériels. Cela nous permet de prolonger la durée d’exploitation des machines. Nous aimons accumuler les bonnes heures-machine, celles comptabilisées après amortissement du matériel. Nous veillons à ne pas multiplier les références. Caterpillar, Volvo CE et Liebherr constituent nos principaux fournisseurs avec Mecalac pour les pelles urbaines. CdF : Quelles sont les orientations données au parc en 2019 ? Paul Lhotellier : En plus du renouvellement standard, nous voulons acquérir des outils de production plus alternatifs. Nous avons programmé l’acquisition d’un nouveau train de traitement de sol et l’achat de niveleuses et de bouteurs guidés pour la réalisation de plateformes. La flotte de véhicules de transports et de logistique sera également dopée avec l’achat de camions de chantier et d’approche chantier.Nous sommes des militants du développement rural.
CdF : Recourez-vous à la location ? Paul Lhotellier : Nous louons de plus en plus du fait de notre croissance, uniquement quand nous ne savons pas répondre en interne. Le recours à la location précaire permet d’écrêter les pics d’activité. Nous travaillons également beaucoup avec les locatiers, avec qui nous entretenons de réelles relations de partenariat. C’est comme cela que nous pouvons valider la pertinence de nos tarifs internes de location. CdF : Comment évoluent vos coûts ? Paul Lhotellier : Après 10 ans de relative stabilité des prix, nous subissons une inflation de la part de l’ensemble de nos fournisseurs. En outre, nous sommes pleinement impactés par l’augmentation des prix des produits pétroliers. La suppression du taux réduit de TPCE se traduirait par une facture de 1,5 millions d’euros pour le groupe. Si nous comprenons la nécessité d’accélérer la transition énergétique mais dans le cadre d’une action concertée. Nos entreprises ont besoin de stabilité réglementaire. Il faut gommer les incertitudes dans lesquelles nous évoluons en permanence. C’est d’autant plus pénalisant que nous avons contractualisé plusieurs chantiers au forfait. CdF : Vous avez créé le concept de « Village Lhotellier ». Pouvez-vous nous le présenter ? Paul Lhotellier : A l’instar d’un « show-room » industriel qui existe déjà à Grandvilliers pour nos activités de construction et à Villers-Bretonneux pour l’eau, le désamiantage, la dépollution et la déconstruction, nous mettons en avant notre expertise métier et le savoir-faire de nos équipes. Ce concept a l’avantage de mutualiser les moyens du groupe tout en offrant une vision globale de nos activités à nos clients. Sur un site « orphelin » de 5 hectares, nous avons procédé à l’implantation de notre quinzième agence sous la forme d’une « maison TP » dans un premier temps. Viendront les autres maisons « Eau», « Dépollution », et « Préfabrication », permettant, à terme, de présenter l’ensemble de nos prestations à nos clients privés et publics. CdF : Votre entreprise aura 100 ans l’année prochaine. Quel avenir lui voyez-vous ? Paul Lhotellier : Nous lui prêtons un super appétit cela d’autant plus que nous avons les moyens de nos ambitions. Le plan stratégique à horizon 2026 s’articule autour de trois axes : bétonner, c’est-à-dire, développer notre position d’expert incontournable, bouger, pour inventer les offres de demain pour nos clients, ouvrir, pour faire du lien en interne et partager valeurs et intelligence avec nos territoires.Nous sommes pleinement impactés par l’augmentation des prix des produits pétroliers.