Les enjeux d’émissions et la nécessaire réduction de l’empreinte carbone des chantiers offrent aux fournisseurs de nouvelles opportunités pour proposer des motorisations alternatives au moment où les diesels Stage V arrivent sur le marché. Quel est le degré de maturité de ces nouvelles solutions ? Le moteur thermique a-t-il encore de l’avenir ? L’électricité est-elle la panacée ? Éléments de réponse.

Souvent comparée à un couteau suisse par sa diversité d’applications et la variété des domaines d’emploi, la mini-pelle se réinvente depuis plus de 50 ans. Matériel incontournable sur les chantiers, elle s’est imposée grâce à sa polyvalence, sa facilité à opérer et ses performances opérationnelles. Sa capacité à accompagner l’évolution des besoins des exploitants tendant vers une mécanisation croissante et à s’adapter à son environnement l’a imposé dans les parcs des utilisateurs finaux comme chez les loueurs. Aujourd’hui, c’est autour de la motorisation que se concentrent les travaux de R&D. Moteur thermique conventionnel, hybride, électrique, fonctionnant au gaz et, à plus long terme à l’hydrogène, toutes les sources d’énergie sont envisageables, à défaut d’être disponibles sur le marché. Toutes se doivent de garantir les performances opérationnelles de la mini-pelle mais aussi la nécessaire autonomie sur chantier. En outre, elles ne doivent pénaliser ni sa compacité, ni son poids en ordre de marche.

Motorisations alternatives

« Plus que l’électrique, le recours au gaz de pétrole liquéfié (GPL), sur certains modèles, à l’instar du prototype dévoilé à Bauma 2019, est une voie que Kubota entend suivre dans un avenir très proche, révèle Olivier Boussion, directeur TP chez Kubota France. La KX 19 LPG, le premier modèle à bénéficier de ce type de motorisation, entrera en production à la fin de l’année. Elle affichera le même niveau de performances qu’un modèle de même tonnage conventionnel. » Si Kubota commercialisera sa première mini-pelle fonctionnant au GPL à l’horizon 2021, l’offre aura vocation à s’étoffer, en particulier sur les petits modèles, le gaz constituant une véritable alternative au diesel, et ce quasiment sans incidence sur le prix.

Le concept de mini-pelle autonome et électrique que Yanmar a dévoilée l’année dernière éclaire sur les voies de R&D que l’industriel japonais investigue. « Il préfigure ce que sera le produit de demain. Il confirme l’enjeu critique de la main-d’œuvre et des opérateurs qualifiés dans tous les pays développés avec, comme alternative, l’assistance à la conduite et, à terme, l’automatisation des matériels de chantiers, confirme Andreas Hactergal, directeur ventes et marketing chez Yanmar Compact Equipment EMEA. Les versions électriques s’inscrivent dans une phase de transition plus ou moins longue dont la finalité est probablement le moteur fonctionnant à l’hydrogène. Entre-temps, les nouvelles motorisations Stage V que Yanmar introduit cette année permettent de répondre aux exigences des normes régissant les émissions. C’est une technologie éprouvée, économique, qui a encore de beaux jours devant elle. »

À elles deux, les deux marques japonaises spécialisées dans les matériels compacts dominent le marché. Si l’on ajoute un troisième spécialiste, Takeuchi, et les fabricants « full liner » que sont Hitachi, Kato, Kobelco et Komatsu, on comprend mieux le poids des Nippons sur ce segment. La domination des fabricants japonais sur cette catégorie de matériels n’est pas due au hasard. La compacité de la machine rend son industrialisation complexe et commande de disposer de process très élaborés pour garantir la qualité, gage de fiabilité et de durabilité du produit fini. En outre, deux des trois principaux acteurs sont également motoristes. Maîtriser la conception de la motorisation, sa technologie, son système hydraulique associé et son encombrement constitue un réel avantage concurrentiel. Fabricants, motoristes, entreprises utilisatrices et loueurs, c’est l’ensemble de la filière Matériel du secteur des travaux publics qui doit répondre aux défis et aux enjeux environnementaux. De très nombreux développements basés sur les moteurs diesel, dont les versions satisfaisant aux exigences de la norme Stage V arrivent sur le marché, permettent de faire baisser leurs émissions et leur puissance tout en garantissant la même capacité de travail. Des motorisations à l’efficacité énergétique optimisée qui allient performances et fiabilité élevées. C’est le cas de la mini-pelle Cat 306 CR, animée par un moteur Cat C2.4 turbo diesel d’une puissance de 41,7 kW, conforme à la norme européenne Stage V sur les émissions.

100 % électrique

Aux côtés des mini-pelles électriques Kobelco 17SR et Komatsu PC30E-5, commercialisées au Japon, Takeuchi vient de dévoiler deux modèles, l’un hybride (diesel / électrique) TB216H, l’autre totalement électrique. Ce dernier, le TB220e, est alimenté par batterie au lithium ion. L’offre européenne s’étoffe, les fabricants implantés sur le Vieux Continent s’orientant résolument vers des solutions électriques. Volvo CE a ouvert la voie, suivi par Wacker Neuson et JCB. « Wacker Neuson compte parmi les pionniers de la mini-pelle électrique. Le choix s’est porté sur des batteries lithium ion, technologie qui a fait ses preuves et qui, en matière d’autonomie, permet de couvrir une journée de travail sans avoir à recharger, rappelle Marc
Cavallo, directeur des ventes chez Wacker Neuson France. À ce stade, loueurs et utilisateurs veulent en disposer mais ils ne sont pas prêts à payer le surcoût inhérent à la motorisation électrique. Le modèle économique doit être encore affiné, en particulier pour les loueurs qui ne sont pas encore très sollicités, sauf quand les conditions du chantier l’imposent. Il faut également que les infrastructures suivent et que les bornes de recharges permettent une diffusion à grande échelle des matériels de chantiers électriques. » Le modèle EZ 17e est commercialisé depuis près d’un an. Disponible à la pré-réservation, la mini-pelle Volvo ECR25 Electric affiche une puissance nette de 20 kWh pour un poids opérationnel de 2,7 t. Elle préfigure la future gamme de la marque suédoise qui a opté pour un pack de batteries fournissant l’électricité nécessaire pour assurer les performances d’une pelle compacte de 2,5 t. La force de cavage est mesurée à 22,3 kN, la profondeur de fouille maxi de 2 761 mm, la hauteur de déversement max atteignant 2 957 mm. Des spécifications techniques analogues à celles d’une machine conventionnelle.

Location

En fournissant les premiers exemplaires de son modèle 19C-1 E-Tec, JCB prouve le niveau de maturité du marché de la location. La puissance de ce modèle de 1,9 t est identique à celle de son homologue diesel et, avec la batterie chargée, la machine dispose de quatre heures d’autonomie en utilisation continue, le temps de charge allant de six heures (sur secteur) à 2h30 via une borne de charge rapide.

Sur le segment inférieur, Bobcat a développé une mini-pelle de 1,1 t sur la même technologie de batteries. L’E10e est équipée d’un bloc batterie ion-lithium sans entretien doté d’un système de gestion spécifiquement conçu pour s’intégrer au gabarit standard de la machine afin de maintenir son profil « zéro déport arrière ». Le bloc batterie a été optimisé afin de fournir une capacité suffisante pour les rythmes de travail types. Bobcat assure que l’E10e peut fonctionner jusqu’à quatre heures sur une seule charge. Grâce à l’option d’un compresseur de suralimentation externe de 400 V, sa batterie peut être rechargée à 80 % de sa capacité en moins de deux heures. Le client peut donc utiliser l’E10e pendant toute une journée de travail, en la rechargeant pendant les pauses normales. La recharge totale peut par ailleurs se faire la nuit, en utilisant le chargeur embarqué, sur un réseau standard de 230 V. Des spécifications techniques en adéquation avec les cahiers des charges du marché de la location qui reste le premier débouché des mini-pelles.

Pour le secteur de la location, ces machines innovantes à faibles émissions polluantes représentent une solution silencieuse et sans émission, permettant de travailler de manière autonome dans les aires urbaines, les zones confinées et les tunnels. « La location n’est pas un segment. Ce n’est qu’un canal parmi d’autres permettant d’atteindre le marché de l’utilisateur final. Ce dernier est le seul à définir le besoin et donc la machine appropriée à son chantier, même si le chef d’agence pourra aussi influencer en fonction des matériels disponibles ou préconiser telle ou telle configuration de machines, relativise Andreas Hectergal. En tout état de cause, l’impact de la location sur la typologie technique est mineur. C’est le client final qui rédige le cahier des charges. A contrario, la location influe sur des choix techniques en matière de sécurité ou de facilité de transport. In fine, la location comme la distribution s’adressent au même client final avec des solutions différentes. » De fait, ce qui différencie ces deux canaux de commercialisation, c’est que le concessionnaire, présent tout au long du cycle d’exploitation de la machine, apporte le conseil et la préconisation technique, le soutien après-vente de la marque, y compris pour les pièces de rechange, les casses, les VGP, la solution de financement et même la possibilité de reprendre la machine. Ceci est d’autant plus important que pour le client final, la mini-pelle est un matériel de production. À ce titre, elle doit présenter un niveau élevé de performances opérationnelles et d’efficience.

La filière Hydrogène

Après avoir dévoilé deux prototypes (R18E de 1,7 t et R35E de 3,5 t) fonctionnant avec des batteries lithium-ion, Hyundai Construction Equipment a officialisé un partenariat avec Hyundai Motor Group. Un protocole d’accord pour le développement conjoint d’engins de chantier alimentés par pile à combustible à hydrogène a été signé avec Hyundai Motors et Hyundai Mobis. Ensemble, ces trois sociétés vont chercher à développer en particulier des pelles à hydrogène de moyenne et grande capacités au cours des années à venir. La date prévue pour la production en série et la commercialisation a été fixée à 2023. Considérant la forte hausse de la demande pour des équipements respectueux de l’environnement dans le monde entier, ces engins de chantier alimentés par hydrogène devraient permettre au Coréen d’anticiper les évolutions du marché mondial de la construction. Thermique, électrique, hybride et, demain à hydrogène, toutes les motorisations tendent vers le « 0 » émission de Co².

Marché français en chiffres

11 387 unités en 2019

+ 10 % évolution en 2019/2018

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