
Conséquence de la RE2020, les fabricants devront améliorer progressivement l'efficacité énergétique de leurs modules.
Sur les chantiers, la base vie semble un élément immuable. Les mauvaises langues diront qu’elle n’a pas changé depuis des décennies. Les années 2020 les feront peut-être taire. Les événements de ces derniers mois donnent le sentiment que ce secteur est sur le point de connaître une période d’évolutions en France. Plusieurs forces convergent : des changements réglementaires importants, de nouvelles aspirations chez les entreprises de BTP et un syndicat ambitieux, chaque phénomène encourageant les autres. L’Association des constructions industrialisées et modulaires (Acim) a par exemple trouvé un défi à même de resserrer ses rangs. En 2022, l’organisation professionnelle représentative de cette filière était engagée dans les négociations liées à la réglementation environnementale 2020 (RE2020). Ce texte définit des niveaux maximums de consommation d’énergie et d’émissions de CO2 pour des édifices neufs. Les pouvoirs publics ont choisi d’inclure dans son périmètre les bâtiments temporaires. La rétroactivité de ces obligations constituait l’un des enjeux cruciaux des discussions. Elle aurait contraint les loueurs à envoyer la majorité de leurs bases vie à la casse. Les décrets d’application, parus en décembre 2022, ont finalement donné raison au syndicat. Pas de rétroactivité. « Nous avons réussi à les convaincre que renouveler tout le parc existant émettrait plus CO2 que de conserver des modules plus anciens, observe Nicolas Duboc, directeur des opérations de fabricant Martin Calais. Des analyses ont démontré que nos propos étaient fondés. » En contrepartie, les industriels devront augmenter l’isolation des murs, du plancher, du plafond et des menuiseries. Ils devront également réduire les consommations des équipements installés dans les constructions. Le calendrier comprend trois dates : 1er juillet 2023, 1er janvier 2025 et 1er juillet 2028, où les minima demandés seront revus à la hausse. « Les membres du syndicat se sont concertés pour définir ces minima, précise Pierre Bruneau, président de société de location et de vente Allomat et du constructeur de modules Euromodules. Nous savons déjà comment atteindre ces objectifs. » Selon Mathieu Armengaud, responsable MSEQ (maintenance, sécurité, environnement et qualité) de l’Acim-DLR*, cette décision matérialise la volonté de progrès des acteurs du hors-site. « La filière a toujours voulu proposer des améliorations aux clients, mais le prix était un obstacle. Aujourd’hui, l’urgence climatique change la donne. Si le législateur exige des modules plus performants, tout sera tiré vers le haut. » Si la réglementation reste en l’état, l’échelon de 2028 constituera un virage majeur pour les loueurs. Les murs isolés seront alors plus épais que les poteaux standards des produits actuels. Il faudrait changer les poteaux, ce qui impliquerait que les modules 2028 ne pourraient pas être assemblés avec des modèles plus anciens. À noter que d’autres parties du décret restent à interpréter : « Sous réserve de bonne compréhension, peu de contraintes s’appliqueraient à ce jour pour la location des bases vie de chantier », indique Pierre Bruneau. L’Acim reste en contact avec la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages en vue de participer à la rédaction de fiches d’application qui détailleront les conséquences concrètes de ces textes. « C’est le rôle de l’Acim de clarifier les différentes modalités d’application de la RE2020 pour la construction temporaire, affirme le président. Nous devrons ensuite former et informer nos adhérents et nos clients. »
À l'écoute des collaborateurs
Entre la loi et les aspirations de la société, il existe parfois un décalage. Dans le cas de la RE2020, la feuille de route des pouvoirs publics intervient à un moment opportun. Les principaux groupes de BTP français s’intéressent bien plus à leurs bases vie en 2023 que par le passé. Chez Spie batignolles malet par exemple le cahier des charges a été beaucoup modifié au cours des six dernières années. « Les politiques de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et de QVT (qualité de vie au travail) ont provoqué des évolutions, mais au-delà même de ces démarches, nous souhaitons rendre nos collaborateurs heureux, souligne Éric Lannes-Porte, directeur matériels de la filiale de Spie batignolles spécialisée dans les travaux routiers et la VRD. Dans cette perspective, nous essayons d’affecter une roulotte à un chef de chantier. Cette attribution responsabilise l'équipe, donc influe sur la durée de vie du matériel. Elle donne aussi la possibilité de mieux prendre en compte leurs remarques sur les aménagements à modifier. » L’entreprise possède un parc de 175 remorques de chantier. « Nous recourrons très peu à la location. Nos besoins sont très spécifiques. Et tout le monde veut louer des roulottes entre mai et septembre. Ces produits sont alors difficiles à trouver. » Le responsable a resserré la flotte autour de trois modèles, un compact à un essieu, un deux essieux pour six personnes ou deux essieux pour huit personnes. L’isolation a été augmentée. L’intérieur est blanc, ce qui amplifie la lumière apportée par deux fenêtres. Une grande table centrale offre suffisamment d’espace pour une réunion. Des bouteilles de gaz et un raccord sur secteur apportent l’énergie nécessaire à la cuisine. Ils sont secondés depuis quelques années par des panneaux solaires. Éric Lannes-Porte attendait d’ailleurs avec impatience l’opportunité d’acquérir des modules dont les consommations seraient entièrement couvertes par le soleil. C’est chose faite début 2023 et l’arrivée de sept roulottes de ce type. « Avec la baisse des prix des batteries, ces modèles sont désormais à des prix acceptables. Le photovoltaïque nous offre la possibilité de supprimer les bouteilles de gaz et d’alimenter un vrai réfrigérateur. »
Bonnes pratiques
Les initiatives de Spie batignolles malet ou celles d’autres groupes accentuent petit à petit les contrastes au sein du BTP. Certes, il n’y a jamais eu un standard unique en matière de base vie, mais le fossé tend à se creuser entre les acteurs sensibles au problème et leurs homologues qui se contentent du minimum, voire moins que le minimum. « Il existe de mesures très simples pour réduire les consommations, comme fixer des grooms aux portes. Toutefois, certains clients veulent désormais aller plus loin avec des modules autonomes en énergie ou le pilotage et la connexion des équipements électriques », analyse Pierre Bruneau. Nicolas Duboc constate une dynamique similaire : « l’énergie est devenue un point primordial dans notre secteur. Nous sommes de plus sollicités par nos clients pour réfléchir aux moyens de rendre nos produits plus vertueux. Nous explorons différentes pistes pour essayer de trouver les meilleures solutions. Le marché est néanmoins divisé entre des majors exigeants et les plus petites entreprises. Nos échanges avec l’OPPBTP** visent justement à établir des règles communes. » Les deux organismes ont en effet conclu un partenariat en octobre dernier. Dans le cadre de cet accord, l’OPPBTP, les entreprises Coficiel et Allomat qui représentent l’Acim et la commission SUM-DLR*** travaillent à la rédaction d’un livre blanc sur l’amélioration de l’hygiène et du confort sur les chantiers. « Le Covid nous a obligés à réfléchir à ces notions, rappelle Pierre Bruneau. Selon l’OPPBTP, plus de la moitié des chantiers ne possède pas une base vie correcte. L’idée de ce document est de montrer que chaque chantier à sa solution. » Rappelons que tout chantier doit posséder des sanitaires et un abri, peu importe la durée et la taille de l’opération.
L’ouvrage contiendra notamment des tableaux qui permettront de sélectionner la base vie corresponde au projet en fonction de l’accessibilité, des effectifs, des raccordements, de l’implantation (en Île-de-France ou dans le reste du territoire). Pour Pierre Bruneau, « c’est l’occasion de remettre en avant un certain nombre de recettes ou proposer des nouveautés » tels les laves-bottes et les points d’eau extérieurs à la base vie, des modules d’accueil, du caillebotis ou des sanitaires et vestiaires spécialement prévus pour les femmes. Ces accessoires pourraient s’avérer d’autant plus importants que les entreprises de construction peinent à recruter et à fidéliser leurs collaborateurs. « Un cadre agréable peut éventuellement contribuer à réduire l’absentéisme dans le BTP, estime Mathieu Armangaud. Un local supplémentaire ou un lave-botte par exemple, c’est un meilleur confort. Les clients demandent d’ailleurs des installations plus esthétiques. Quant aux sanitaires pour femme, si nous souhaitons plus de mixité, c’est un aspect à anticiper. » Le livre blanc devrait être publié durant la journée mondiale des toilettes, le 19 novembre 2023.
* : l’Acim compte parmi les syndicats affiliés au DLR, la Fédération des matériels.
** : l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics
*** : la commission sanitaires et unités mobiles de DLR
Un meuble chargé à bloc

La base vie des années 2020 réclame un mobilier à l’avenant. Mobika planche déjà sur ces équipements du futur. Ce fournisseur spécialisé dans les produits destinés aux modules de chantier a sorti en 2019 une armoire charge-outils. « Le Covid a compliqué la commercialisation de ce système, indique Christophe Camaret, président du groupe. Nous avons dû répondre à des priorités plus urgentes. Nous reprenons tout juste sa promotion. » Ce conteneur monté sur roulette contient quatre étagères, chacune pourvue de quatre prises. Il se branche sur une prise standard, 16A/250V. Une serrure deux points donne la possibilité de verrouiller les portes. Ce meuble est né de discussions avec Loxam. Les équipes du loueur cherchaient un moyen de faciliter la recharge des outils électroportatifs lors de leur retour en agence. « L’idée était de pouvoir charger des batteries en toute sécurité et sans interruption », note Christophe Camaret. Mobika a travaillé avec le bureau de contrôle SGS afin d’obtenir les certificats de conformité nécessaires à la commercialisation. Entres autres obstacles, le fournisseur a dû trouver une solution pour dissiper la chaleur dégagée par les accumulateurs et les composants électriques. Un duo de ventilateur évacuent les calories superflues.
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