L’avancée de la maquette numérique modifie rapidement les besoins des entreprises en matière d’outils informatiques. Alors que les acteurs historiques adaptent leurs produits, de nouveaux venus comptent sur des fonctionnalités encore peu courantes pour s’imposer.

Le passage au BIM ne se réduit pas à une mise à jour d’application. L’émergence de ce support remet en question toutes les pratiques documentaires existantes dans le monde des travaux publics. Cette dynamique ouvre des perspectives inédites pour les concepteurs de logiciels spécialisés. « Les exigences des donneurs d’ordre quant au géoréférencement, à la justification des quantités ou aux plans de récolement poussent les entreprises à s’équiper. Par ailleurs, les petites structures veulent être indépendantes dans ce domaine. Le gain de temps et la productivité sont également des enjeux importants au quotidien pour nos clients », analyse Yann Derrien, manager au sein de Sogelink. Le groupe, né du rapprochement de Sogelink et Geodesial Group en 2021, édite entre autres Mensura, l’un des principaux outils de modélisation utilisés dans les infrastructures.

Chaîne complète

L’entreprise entend bâtir autour de ce socle une offre de produits qui répondrait aux différents besoins numériques d’un projet d’infrastructures. « Nous souhaitons accompagner nos clients durant tout le processus de construction, de la conception d’un projet jusqu’à l’exploitation via son jumeau numérique. Pour répondre à cette ambition et proposer des solutions à forte valeur ajoutée, nous nous appuyons déjà depuis plusieurs années sur notre savoir-faire en matière de R&D ainsi que sur une stratégie d’acquisitions ciblées, indique Emily Renaud, manager marketing et communication de Sogelink. Récemment, deux groupes européens nous ont rejoints dont l’un d’entre eux est particulièrement avancé en matière de BIM. C’est un axe de développement qui nous tient particulièrement à cœur et son expérience va nous permettre de continuer à avancer sur cette voie. »

Dans cette optique, les fonctionnalités de Mensura ont connu ces dernières années plusieurs évolutions. L’importation et l’exportation de fichiers dans des standards reconnus, notamment l’IFC, ont été simplifiées. « Le BIM amène nos clients à demander une description plus fine et plus détaillée de la phase de terrassement, observe Yann Derrien. Nous participons à plusieurs groupes de travail et de recherche sur le sujet. Nous privilégions les formats de fichiers ouverts et normalisés, tels l’IFC, le BCF et le XML ».

Dans la pelle

En option, le logiciel peut intégrer des nuages de point obtenus par photogrammétrie et en tirer des modélisations des zones de terrassement. « Nous pouvons aussi aller jusqu’à l’intégration du modèle de sondage géologique. Il est alors possible de déduire les volumétries des matériaux réexploitables, à traiter ou à évacuer vers des filières de retraitement, puis de définir les volumes matériaux nobles à mettre en place. »

Autre voie explorée, le guidage. « C’est une tendance forte du secteur, même en seconde monte. Nous travaillons donc sur le transfert d’informations depuis notre logiciel et vers le matériel de guidage. Même des PME nous sollicitent maintenant pour ce type de fonction. » Dans les dernières versions de Mensura, un assistant donne la possibilité de générer des fichiers lisibles par les systèmes de guidage de Leica, Topcon ou Trimble.

Enfin, dernier axe, Sogelink a l’intention de travailler sur les moyens d’accéder partout aux informations contenues dans ses logiciels. La passerelle existante entre le logiciel de visualisation Bloc in Bloc et Mensura constitue une première initiative dans cette direction. Le premier affiche les plans issus du second sans intervention. L’utilisateur peut ainsi y apporter des annotations directement sur le chantier.

Tout en un

Si les logiciels traditionnels progressent, il n’en reste pas moins qu’ils présentent encore quelques inadéquations avec les idéaux de la maquette numérique, ce qui laisse des espaces pour de jeunes entreprises. La société So.build, créé en 2017, propose par exemple Method+, une série de modules qui s’installe dans Revit et simplifie la représentation numérique d’un chantier. De la sorte, le projeteur utilise un seul logiciel. Il évite d’éventuels problèmes de conversion. « Nous avons observé que le marché était demandeur d’applicatifs métiers répondant avec plus de précisions aux besoins techniques du BIM », explique Raphaël Bompoil, directeur associé de So.build. La firme a débuté avec Module Pic, destiné à la création des plans d’installation de chantier : la base-vie, l’organisation de la circulation et le positionnement des grues. En matière d'engins de levage, l’application inclut une bibliothèque regroupant les principaux modèles du marché.

L’éditeur a poursuivi l’année dernière avec la sortie de deux nouvelles extensions. Le Module Ucm3D facilite la modélisation de l’environnement existant. Il peut par exemple convertir des données OpenStreetMap ou IGN en maquette 3D. Quant au Module Cub, il est conçu pour mettre en pixels les phases de terrassement. Il calcule aussi les tonnages à extraire.

Plate-forme d'amérique

Le segment des plates-formes de partage s’avère tout aussi dynamique. Depuis mars dernier, un nouvel acteur, la société américaine Procore, a fait son entrée sur le marché français. « C’est la continuité naturelle de notre développement, après notre arrivée au Royaume-Uni il y a 4 ans, souligne Laurence Caron, directrice de Procore en Europe du Sud. Nous poursuivrons d’ailleurs notre expansion avec l’ouverture de nos bureaux en Allemagne au deuxième semestre 2022. »

En activité depuis 20 ans, sa plate-forme compte « plus de 12 000 clients dans 150 pays, représentant plus de 2 millions d’utilisateurs par an. » Tous les intervenants du BTP sont représentés. L’éditeur reste discret sur ces débuts dans l’Hexagone. « Nous travaillons avec plusieurs sociétés du bâtiment, ainsi qu’avec d’autres clients européens comme groupe espagnol Ferrovial et l’entreprise portugaise Casais. »

Marché aux modules

Outre les fonctions habituelles de visionnage, l’éditeur se distingue par un marché en ligne où l’acheteur peut choisir les applications qu’il souhaite intégrer dans son espace de travail numérique. « Elle comprend les applications de base telles que Gmail, Zoom, Teams, DocuSign ou Dropbox, des applications de finance, de RH ou d’ERP, mais aussi des solutions plus spécifiques comme la gestion des déchets et des équipements. Nous avons environ 350 applications partenaires directement accessibles sur la plateforme, dont une centaine disponibles pour le marché français. » Ce service d’intégration semble avoir séduit Ferrovial. « Lorsque Ferrovial nous a contactés, le besoin identifié était avant tout de disposer d’une plate-forme proposant des modules personnalisables afin de faciliter son intégration aux processus de travail déjà en place et son implémentation sur des projets diversifiés. »

Par ailleurs, Procore met à disposition un stockage et le nombre d’utilisateurs illimités. Utilisateurs que l’administrateur peut ajouter ou retirer sans l’intervention du fournisseur. La facturation de la license est calculée en fonction du nombre de modules choisis.

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