Sous l’impulsion de la réglementation ou des donneurs d’ordre, les propriétaires de bennes de chantier sont plus que jamais sommés de prévenir les risques liés à leurs matériels. Dans cette optique, les fabricants commercialisent un large choix de technologies.

Bennes de chantier, la sécurité n’est plus une option

Les accidents de ridelles sont rares, mais leurs conséquences restent souvent dans les mémoires. Si l’une de ces plaques latérales qui maintiennent le chargement sur la benne est ouverte à l’horizontale quand le véhicule roule, elle fauche le moindre objet qui la rencontre. Le 11 février 2016, un car scolaire en croise une près de Rochefort, en Charente-Maritime. La pièce métallique le cisaille de bout en bout juste en dessous des vitres. Elle tue six des quinze passagers. C’est en autre ce drame qui a poussé les pouvoirs publics à légiférer. Un avis paru au Journal officiel le 14 juillet 2020 prescrit que les bennes basculantes mues hydrauliquement mises sur le marché doivent être munies d’une alarme sonore ou visuelle à compter du 14 janvier 2021. Elles doivent aussi posséder un dispositif qui limite la vitesse à 15 km/h quand l’alimentation hydraulique est coupée depuis le 14 juillet 2021. Quant aux propriétaires de ce type d’engins, ils devaient établir un inventaire et un échéancier de mise en sécurité de leur parc avant le 14 janvier dernier. Ils ont ensuite jusqu’au 14 juillet 2022 pour équiper les machines commercialisées après le 1er septembre 2014 d’une alarme sonore ou visuelle. Les matériels plus anciens bénéficient d’un délai supplémentaire d’un an.

Pour les principaux constructeurs et carrossiers du secteur, ce changement n’a pas révolutionné leurs pratiques. Chez Meiller par exemple toutes les bennes sont munies de voyant en série depuis 2015. « Nous les intégrons directement dans le tableau de bord, précise Tristan N’Diaye, responsable des relations avec les constructeurs et les grands comptes de Meiller SARL, la filiale française du groupe allemand. Avant les obligations réglementaires, ces accessoires confortaient l’image de qualité de nos produits. » Le plafonnage de la vitesse a juste nécessité un réglage. « Ces changements n’ont pas entraîné de surcoût. » Le constructeur fabrique lui-même les composants de ses produits, ce qui facilite les adaptations. La réaction des exploitants ne semble pas hostile. « Tous les acteurs sont informés. Il n’y a pas de réticence. »

La bâche de rigueur

Les propriétaires de bennes de chantier, avec ou sans ridelles, sont maintenant habitués aux obligations de sécurité. En une décennie, leur outil de travail a dû se parer de plusieurs accessoires sous la pression de la loi ou du marché : la barre d’anti-encastrement, les alarmes de bennage et de recul, ou les récents autocollants pour les angles morts. La bâche s'est aussi imposée dans l’Hexagone. « Aujourd’hui, c’est presque devenu un composant de série, elle est incluse dans 95 % de nos ventes », observe Tristan N’Diaye. Meiller produit également ses propres bâches sur-mesure. Les éléments nécessaires à l’accrochage sont déjà prévus sur la benne, laissant la possibilité de l’ajouter après l’achat. « L’intégration en usine nous aide grandement. Nous n’avons pas de problème de taille ou de temps d’immobilisation dû au transport des produits entre différents sites. »

Cependant, la sécurité ne doit pas se borner à ces éléments apparents. Comme le rappel Guillaume Calviac, responsable marketing produits de Fruehauf, la stabilité du véhicule ne doit pas être oubliée. Le constructeur de bennes sur semi-remorques emploie « des voies d’essieu 21/40, la voie réglementaire la plus large. Elles assurent une meilleure stabilité, détaille Guillaume Calviac par mail. En outre, le châssis est en pente, ce qui permet également d’abaisser le centre de gravité pour décharger le contenu. » La forme même de la benne peut contribuer à la tranquillité du chantier. « Une caisse semi-cylindrique facilite le déversement. La largeur d’écoulement est réduite et il y a moins de risque que de la matière reste coller. »

Doubles précautions

Les hayons, la partie mobile qui tient lieu de porte à l’arrière de l’engin, constituent un autre point sensible. Une ouverture impromptue et le chargement s’échappent. « Nos bennes sont testées en interne et chez nos clients, dans des situations d’utilisation sévères dépassant une utilisation normale, souligne Guillaume Calviac. Nous contrôlons entre autres la tenue de la porte en position fermée lorsque la benne est totalement relevée. » Des systèmes de fermeture automatique à griffe ou à pince peuvent venir en aide à un opérateur distrait. Pour les entreprises les plus exigeantes, il est possible de doubler le dispositif de verrouillage ou d’ajouter des barres de crémone. Néanmoins, un hayon infranchissable n’empêche pas toujours des objets déposés au fond la caisse de s’échapper. L’arrimage de ces candidats au vol plané est obligatoire en Allemagne. Meiller a donc conçu plusieurs systèmes d’accrochage. « Nous avons notamment développé des anneaux qui s’installent dans le plancher de la benne. Ils sont escamotables et rabattables afin de ne pas retenir les matériaux en vrac, indique Tristan N’Diaye. L’arrimage démarre doucement dans l’Hexagone. L’évolution viendra sans doute avec les réglementations. »

Enfin, ne négligeons pas la santé des opérateurs. Certaines tâches répétées à longueur d’années peuvent meurtrir les corps. Les commandes hydrauliques lui éviteront de soulever le hayon. Dans la même veine, Fruehauf propose une barre d’anti-encastrement asservie au bennage. « Elle se relève automatiquement lors du bennage, explique Guillaume Calviac. Le chauffeur n’a pas besoin de sortir de sa cabine. Ce procédé limite l’effort physique et les risques de circulation sur le chantier. » La très populaire bâche est également souvent associée à un enroulement électrique.

Des promesses électroniques

En matière de sécurité, les bennes de chantier des années 2020 est déjà un engin bien équipé. Mais certaines grandes entreprises voudraient aller plus loin. « Ils souhaitent réduire au maximum les risques liés au camion », observe Tristan N’Diaye, responsable des relations avec les constructeurs et les grands comptes de Meiller SARL, la filiale française du constructeur de bennes Meiller. Cette inquiétude inédite pourrait populariser des technologies jugées aujourd’hui luxueuses ou superflues.

La liste des options encore peu utilisées comporte aussi bien des procédés simples que des systèmes très sophistiqués. Un gyrophare ou des feux à éclat peuvent venir ajouter des stimulations lumineuses aux signaux sonores. Ces derniers peuvent d’ailleurs être complétés par une alarme d’angle de dévers. Si l’opérateur souhaite bénéficier d’une vision optimale au moment de la bascule, il peut recourir à une télécommande radio, à l’image de l’i.s.a.r.-control de Meiller. L’amélioration de la stabilité constitue une autre voie à explorer. Au début des années 2010, plusieurs carrossiers ont sorti des suspensions dégonflables au moment du bennage. « Le centre de gravité se trouve ainsi abaissé et les butées sont plus rigides », indique Guillaume Calviac, responsable marketing produits de Fruehauf par mail. Le manufacturier possède aussi à son catalogue deux dispositifs de surveillance des pneus. Le TPMS (Tire Pressure Monitoring System) communique en permanence leur pression et leur température au conducteur. L’APCS (Automatic Pressure Control System) va plus loin. Il maintient automatiquement la pression des pneumatiques. Toujours dans le domaine du relevé d’information, le système électronique de freinage de la marque peut aussi transmettre au tableau de bord la charge au train roulant. « Cela évite que le camion circule en surcharge », note le responsable.

Autre méthode de contrôle radicale, Meiller peut installer des contacteurs sur les composants cruciaux du véhicule : les échelles, le siège, les roues, les trappes de la benne ou les axes de la benne. Ils empêchent le démarrage si certaines conditions ne sont pas respectées. « Trop de capteurs peut aussi se révéler un inconvénient, remarque Tristan N’Diaye. En cas de défaillance mineure, le chauffeur ne peut plus dépanner le camion tout seul. » La prochaine étape consistera sans doute à raccorder la benne à l’interface de télématique du camion.

">