
D'une capacité de 800 m3, l'ouvrage alimentera les municipalités de Bénouville et de Blainville-sur-Orne.
Bénouville : un château en Normandie
Grâce à Jeff Koons et Takashi Murakami, les fleurs sculptées évoquent aujourd’hui des blocs de plastique mal dégrossis coloriés avec une boîte de feutres bon marché. Rare sont les œuvres qui contredisent ce canon. Fin 2021, quelques photographies prises à Bénouville, dans les alentours de Caen, sont venues desserrer le corset rose fluo qui compresse l’imaginaire horticole. Un coquelicot géant y opposait ses lignes fuselées aux rondeurs du pop art. Après vérification, il s’agissait d’un château d’eau en chantier, une œuvre signée Vauban GC. Cela dit, pour la société normande, cet ouvrage constituait une première digne d’une création artistique. « La construction d’un château d’eau est devenue un événement exceptionnel, explique Luc Pichard, directeur de Vauban GC. Il faut saluer Eiffage qui a maintenu ce savoir-faire contre vents et marées au cours des dernières décennies. En revanche, les méthodes constituaient un vrai enjeu pour notre entreprise. Nous avons dû réfléchir à de nouvelles techniques adaptées aux compétences de nos compagnons dès le stade de l’offre. » Le responsable y voit un segment porteur. « Ce type de projet sera plus fréquent à l’avenir. La question des économies d’énergie et les pénuries de pièces de rechange remettent en cause l’usage des surpresseurs. » Sans pour autant rêver d’expansion. « Vauban GC reste une PME locale. Nous n’avons pas vocation à aller au-delà de notre région. »
Des fermes à l’horizontal
Réalisé pour le compte du syndicat Eau du bassin caennais, le réservoir de 800 m3 et 39 m de haut alimentera les robinets des communes de Bénouville et Blainville-sur-Orne. Le diamètre de sa structure cylindrique varie. Il diminue de 8 m à la base jusqu’à 5 m sous la cuve à 20 m du sol, puis s’élargit brusquement pour mesurer 20 m au sommet. Selon Luc Pichard, ses compagnons maîtrisent bien les coulages des voiles d’une hauteur supérieure à 6 m. L’entreprise s’est appuyée sur cette compétence. Le château est constitué de voiles de 6,6 m de hauteur, chacun bâtis en quatre rotations. Le béton affiche 35 cm d’épaisseur et incorpore une double nappe de ferraillage. « Nous nous sommes orientés vers des petites passes verticales, mais de grande hauteur. Nos équipes ont conçu la totalité des méthodes avec un très bon accompagnement de Stéphane Chèze, technico-commerciale de Peri France », souligne le directeur. Le représentant du fabricant a notamment contribué à résoudre un problème délicat. La reprise des charges necessitait de créer une plate-forme avec 9 m de porte-à-faux. « Nous lui avons présenté la contrainte technique de placer les banches de la cuve en console et il a eu l’idée de se servir des fermes pour le coffrage une face », précise Luc Pichard.
Pas moins de 32 fermes de butonnage SB sont donc venues s’ajouter aux équipements de coffrage et d’étaiement fournis en location par Peri France entre septembre 2021 et fin janvier 2022. « Ces pièces sont souvent employées pour soutenir des voiles à la verticale, mais elles peuvent être adaptées pour être utilisées à l’horizontale », indique Stéphane Chèze. À noter également l’utilisation d’étais Multiprop en aluminium pour maintenir les banches. Ils étaient montés au sol avant d’être levés vers leur emplacement. Une quinzaine de compagnons accompagnés d’un chef de chantier et d’un grutier ont participé à cette opération, conclue en mars dernier. « Les compagnons étaient enthousiastes à l’idée de travailler sur ce projet. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut construire un château d’eau », note Luc Pichard. Cependant, après cette réussite, le directeur anticipe des mois plus ardus : « Notre profession vit une période difficile. Les échanges commerciaux post-Covid et notre positionnement sur le conflit ukrainien entraînent d’importante hausse des prix. Nous achetons nos aciers 40 % plus chers depuis mi-février. Les prix avaient déjà doublé depuis novembre 2020. Les plans proposés par le gouvernement ne sont pas à la hauteur. Ce n’est pas une crise ponctuelle. Des PGE ou du chômage partiel ne résoudront pas le problème. Il contribue en outre à accroître l’endettement du privé comme du public. Les charges de structure et les emprunts restent présents. Il faut rouvrir les couloirs commerciaux pour certains matériaux en attendant de produire de nouveau en Europe. »
fiche technique
Intervenants
Maître d’ouvrage : Eau du bassin caennais
Maître d’œuvre : Safege Rouen
Entreprise de génie civil : Vauban GC
L’enjeu
Construire un château d’eau à Bénouville.
La contrainte
Placer les banches en console avec 9 m de porte-à-faux.
La solution
Utilisation de fermes à l’horizontal pour soutenir la plate-forme.
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