
« La crise énergétique que nous traversons est une opportunité pour apporter davantage de valeur dans les modules », une interview d’Éric Aurenche, Président de l’Association des constructions industrialisées et modulaires"..
Quel bilan dressez-vous au terme de ce 4e colloque ?
Les résultats sont très satisfaisants. Sur le plan quantitatif, nous avons réussi, en dépit des difficultés d’acheminement liées aux mouvements de grève, à réunir 170 professionnels représentants les fabricants et les loueurs. Sur le plan qualitatif, la présence de nombreux acteurs institutionnels à nos côtés, la diversité des thèmes évoqués, qui permettent d’aborder l’ensemble des sujets de la filière, et la qualité des intervenants sont autant de critères d’appréciation qui nous permettent de vérifier que l’ACIM compte de plus en plus de membres dans son écosystème.
Quel regard portez-vous sur l’avancée des travaux concernant la RE 2020 ?
L’essentiel du travail est fait ! Nous observons deux avancées majeures. Nous avons été identifiés comme étant un interlocuteur de référence par la Direction de l’Habitat de l’Urbanisme et du Paysage. Nous avons pu faire la démonstration de notre maîtrise des sujets techniques comme les bilans carbone ou la mesure des économies d’énergie. De plus, nous avons obtenu la non-rétroactivité des mesures liées à cette évolution réglementaire sur le parc existant. J’ajoute, car c’est important, que nos clients aussi nous challengent. Cela a été dit pendant le colloque : Bouygues, Vinci et Eiffage, dans une certaine mesure, nous ont affirmé vouloir des bases vies encore mieux isolées donc plus économes en coût complet et plus qualitatives. La crise énergétique que nous traversons est une opportunité pour apporter davantage de valeur dans les modules. Tout cela va dans le sens de la réglementation. C’est une bonne chose pour l’ensemble de la filière.
" Des bases vies encore mieux isolées donc plus économes en coût complet et plus qualitatives".
Trois échéances, 2023, 2025 et 2028 sont autant de rendez-vous à honorer sur la voie de la réglementation environnementale. Comment les appréhendez-vous ?
D’un point de vue technique, ces trois échéances sont totalement maîtrisables. D’un point de vue économique, les choses sont plus nuancées. La conjoncture semble moins favorable et les facteurs d’incertitudes se multiplient en ce début d’année. Les enquêtes conjoncturelles des fédérations clientes n’incitent pas à l’optimisme. Cela va être compliqué dans le Bâtiment. Les Travaux Publics devraient être mieux orientés cette année, mais globalement, il y a un vrai attentisme. Cela se voit déjà chez les loueurs, qui voient leur activité ralentir.
Avec quelles conséquences sur l’organisation de la filière ?
Les loueurs, qui bénéficient de revenus récurrents sont mieux armés pour affronter ces périodes complexes. Pour les fabricants « purs », la situation est plus compliquée. Il leur est plus difficile de lisser la charge de travail dans leur process de production. Cela explique qu’ils sont à la recherche de nouveaux modèles économiques, avec des options de rachat ou des ventes avec certaines possibilités de reprise. En tout état de cause, ils sont à la recherche de davantage de souplesse. Cela implique, au niveau des fabricants, de conserver une certaine réversibilité des modules produits. Plus les constructions modulaires seront flexibles dans leurs usages comme dans leurs domaines d’emplois, mieux cela sera. Les fabricants doivent repenser leur place dans la chaîne de valeur et profiter de l’engagement de l’État, à travers le Plan France 2030. En fabriquant des modules plus performants sur les plans environnemental et économique, dans un contexte d’inflation, et en relocalisant les travaux réalisés sur les chantiers vers des usines offrant des conditions de travail plus confortables et attractives, la filière s’ouvre de nouvelles perspectives.
Quels sont les principaux enjeux de l’année en cours ?
Il est important de continuer le combat sur la respectabilité technique de l’ACIM au travers des règles professionnelles qui sont à définir. Cela conditionne beaucoup d’autres enjeux. Je veux rappeler que la profession a franchi une étape majeure avec la collaboration avec le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) et la certification dite QB53, une reconnaissance attendue par les entreprises de la construction modulaire et par l’ensemble des acteurs : maîtres d’ouvrage, bureaux de contrôle, assureurs. Il faut capitaliser sur ces enjeux. Il faut également que nous nous rapprochions de certains prescripteurs et donneurs d’ordre, aux premiers rangs desquels figurent les élus locaux. Sur un marché du logement en forte tension, la construction industrialisée a sa carte à jouer. La digitalisation est également un enjeu de court terme. À plus longue échéance, nous nous intéresserons à ce qui se passe au-delà de nos frontières. Tout cela suppose de renforcer l’association avec des compétences externes.
« Poursuivre le combat sur la respectabilité technique de l’ACIM au travers des règles professionnelles qui sont à définir ».
Vous ne craignez plus de voir le métier s’ubériser ?
Le risque que vous évoquez est à priori limité. En revanche celui de « bookinginsation », autrement dit d’intermédiation, est bien réel. Nous devons rester vigilants. Il est vraisemblable que le marché s’oriente vers des modules plus qualitatifs. Cela a été évoqué pendant le colloque. Sur un chantier, la base vie est un facteur de performance et donc de productivité. L’humeur du compagnon et donc sa productivité sont conditionnées par son environnement de travail et donc par les conditions dans lesquelles il peut se changer, se restaurer et se laver. Cela a été démontré pendant la période Covid : plus les bases vies étaient spacieuses et bien équipées, moins les compagnons étaient absents.
">Continuez votre lecture en créant votre compte et profitez de 5 articles gratuits
Pour lire tous les articles en illimité, abonnez-vous