
Pièce maitresse du chantier, le prolongement de la digue couvre 550 m. Le placement des X-blocks a mobilisé une grue de 120 t et des plongeurs.
La Turballe largue les amarres
Le ponton flottant est bien rempli : une grue à treillis, une pelle et un compresseur pour l’air comprimé. Les outils nécessaires pour préparer une Dinardaise, une spécialité maritime de l’Entreprise Charier (voir encadré). En cet après-midi de mars, c’est un pieu d’un nouvel avant-port de plaisance qui sera l’ingrédient principal. Quelques mètres plus loin, une pelle de 120 t, son long bras plongé dans l’eau, prépare un minage pour le dessert. Voilà le menu quotidien des compagnons affectés au chantier d’extension du port de La Turballe, en Loire-Atlantique.
Le groupe de construction est engagé depuis novembre 2020 dans cette opération, l’une des plus importante de son histoire hors groupements. « L’agrandissement du port vise à soutenir le développement de ses différentes activités : la pêche, la plaisance et les énergies renouvelables », indique Antoine Thaury, directeur de travaux d’Entreprise Charier. Les Ports de Loire-Atlantique, le syndicat mixte commanditaire du projet, souhaitait notamment adapter le site pour accueillir la base EDF-Renouvelable chargée de la maintenance du parc éolien en mer, au large de Saint-Nazaire.
Guidage par plongeurs
Divisée en deux lots, la liste des aménagements réalisés s’avère conséquente. Le budget total tourne autour de 45 millions d’euros. La principale opération consistait à prolonger la digue existante de 550 m. Cet ouvrage a été réalisé par voie terrestre, si l’on excepte l’encastrement qui a nécessité le dragage et le clapage du tapis anti-affouillement. Les sédiments retirés et ceux issus du dragage du chenal (70 000 m3) ont été utilisés pour étendre le terre-plein existant.
L’extension de la digue se compose d’un noyau en 1/500 kg, d’un filtre en 0,3/1 t et d’une carapace constituée d’une base de 10/12 t et de X-blocks de 2,5 m3 et 4 m3 en fonction des contraintes. Les roches provenaient de la carrière d’Entreprise Charier à Herbignac, une commune à une vingtaine de kilomètres du chantier. Les X-blocks ont été fabriqués en Vendée. « Les matériaux étaient approvisionnés durant le jour, explique Antoine Thaury. Ils étaient ensuite mis en place durant la nuit avec une pelle de 120 t équipée d’un GPS. Les X-blocks étaient levés par une grue de 180 t pendant le poste de marée basse de jour. Des plongeurs étaient chargés de positionner chaque élément. » Ces manœuvres, comme l’ensemble du chantier, étaient accompagnées de plusieurs mesures destinées à préserver les faunes et la flore environnantes (voir encadré).
Portique de coffrage
Cette nouvelle structure est surmontée par un mur de couronnement de 4,5 m haut par 3,5 m de large. Pour maintenir un rythme de bétonnage élevé, 170 m3 par jour, le groupe a imaginé avec le fabricant portugais Carldora un portique de coffrage, qui avançait au fur et à mesure de la tâche. Le quai destiné aux bateaux de maintenance, 35 m de long pour 20 m de large, est contigu à l’extension de la digue. Il repose sur une quarantaine de pieux installés selon la méthode de la Dinardaise. Des éléments préfabriqués ont ensuite été utilisés pour former la surface horizontale.
Depuis le terre-plein opposé à la digue, une contre-digue (ou épi) a été montée à la perpendiculaire de l’extension avec une cale de mise à l'eau. Cette structure vient protéger le futur bassin de plaisance. Elle est prolongée par un musoir, un ouvrage destiné à casser la houle. Il est constitué d’enrochements de 3/5 t retenus entre des pieux. Un ponton brise-clapot complète son action.
Tracteur à hydrogène
Dernier dispositif du premier lot, deux darses remplacent l’ancienne digue. Ces bassins donneront la possibilité de sortir les embarcations avec les deux nouveaux élévateurs à bateau du port (450 tonnes et 40 tonnes de capacité). Une fois le terrain dégagé des matériaux de l’ouvrage précédant, un combi wall en profilés HZM 880 et en palplanches AZ20-800 a été battu. Ce rideau est maintenu par 20 tirants forés tubés inclinés à 45°. Depuis ce front, deux poutres montées sur pieux partent vers les flots. Les élévateurs circuleront dessus.
Le deuxième lot consiste en divers aménagements en vue de soutenir les activités historiques du port. Le gros morceau consiste à créer un bassin de plaisance à l’abri de l’épi. Entre octobre 2022 et mars 2023, les compagnons ont procédé au déroctage de la zone par microminage. Ils ont effectué un tir par jour du lundi au vendredi. Pas moins de 9 000 m3 de déblais ont été évacués pour atteindre une cote de - 3 m. Un tracteur à hydrogène a participé au transport de ces matériaux. C’était le premier chantier de ce modèle unique, conçu spécialement pour Entreprise Charier.
La Dinardaise a été mise de nouveau à contribution pour poser dix pieux qui retiendront six pontons (27 m de long par 5 m de large) préfabriqués sur place. Les navires devraient pouvoir y mouiller en juillet prochain. D’autres ajustements sont prévus dans les prochains mois : le déplacement du pôle passagers des navettes en partance vers les îles du golfe du Morbihan, la construction d’un ponton de service et l’augmentation du linéaire en bord de quai pour les bateaux de pêche.
La Dinardaise
Utilisée pour la première fois à Dinard, la Dinardaise est une technique de pré-forage sous-marin du sol. Un mât de forage, soutenu par une grue treillis, est placé dans le pieu. Ce dernier est maintenu par un collier attaché au bout de la flèche d’une pelle. Le mât est mis en rotation par un moteur hydraulique. À son extrémité, un outil de forage broie la roche. Le mouvement est transmis au pieu par un dispositif de pinces. Une fois le trou creusé, le pieu est battu jusqu’à la bonne cote. Cette méthode brevetée constitue une alternative moins bruyante et plus rapide au trépanage ou à un battage combiné à un minage.
À l’écoute de l’océan
En parallèle des travaux, plusieurs mesures ont été prises afin de préserver l’environnement. Un écologue a suivi les comportements de deux espèces protégés : le pipit maritime et le lézard des murailles. Un dispositif composé de trois bouées contrôlait en temps réel la qualité de l’eau aux alentours du chantier. Lors des opérations sous-marines, un rideau de bulles atténuait les bruits susceptibles de perturber les mammifères marins.
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