Une interview de Jean-Noël Onfield A une semaine du déconfinement, 400 agences Loxam sont opérationnelles.

Comment vous êtes-vous organisés pour avoir 80% du réseau français en ordre de marche ?
Nous avons déployé un plan d’actions en trois étapes. Les premières décisions, qui ont été prises avant même l’officialisation du confinement, ont concerné notre personnel. Nous avons arrêté tous les collaborateurs du groupe présentant un risque particulier, qu’ils s’agissent des femmes enceintes ou des personnes atteintes d’une maladie chronique. A l’entrée en vigueur du confinement destiné à limiter la propagation du COVID-19, nous avons fermé toutes nos agences afin de nous conformer aux consignes gouvernementales. Néanmoins, et parce que l’organisation du groupe le permet, nous avons toujours maintenu un service d’astreinte dans les principales agences, à même de renseigner les clients et dépanner les matériels intervenant dans les secteurs dit « essentiels » au fonctionnement du pays. Dans un second temps, une fois la mesure prise de l’ampleur de la crise sanitaire et des contraintes induites par les gestes barrière et les règles de distanciation sociale, nous avons décidé la création de ce que nous appelons les hubs, organisés d’un point de vue commercial, sur le modèle du « drive ».


Le travail en agence est une donnée fondamentale de l'organisation Loxam.

En quoi a consisté la troisième étape ?
Conformément au plan de reprise progressive de l’activité, toutes nos agences ont été réactivées afin d’être opérationnelles. Le travail en agence est une donnée fondamentale dans notre organisation. Nous sommes une société de service et nous nous devons de savoir nous organiser dans le contexte actuel. C’est ainsi que 400 des 500 agences du réseau Loxam en métropole ont été ouvertes, certes en mode dégradé et donc sans rentabilité économique. Nous procéderons à l’ouverture de l’intégralité du réseau dès le 11 mai prochain. Nous sommes prêts à retravailler, moyennant des protocoles stricts qui garantissent la sécurité sanitaire de nos collaborateurs mais aussi de nos clients, prestataires et fournisseurs. C’est le message fort que nous voulons envoyer à nos clients.

« Nous procéderons à l’ouverture de l’intégralité du réseau dès le 11 mai prochain ».

La profession s’est étonnée de l’arrêt brutal des chantiers et des conditions dans lesquelles  les matériels ont été gérés. Qu’en est-il pour votre groupe ?
Evidemment, le secteur de la construction constituant le premier débouché pour Loxam en France, le choc a été violent. Pour autant, à ma connaissance, il n’a pas eu de difficulté relationnelle entre loueurs et locataires. Je n’ai pas eu une remontée d’un quelconque litige avec l’un de nos clients. J’observe que nos indicateurs de satisfaction client n’ont jamais été aussi bons. Nous avons toujours assuré les conditions du dialogue avec eux et nous nous sommes montrés très compréhensifs avec eux, vis-à-vis des difficultés qu’ils pouvaient rencontrer.

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
Nous avons suspendu très aisément les contrats dès lors que les clients en faisaient la demande. Par ailleurs, nous avons toujours assuré l’entretien des matériels loués, fussent-ils arrêtés.

La situation présente tend elle à rappeler que la location est avant tout une prestation de service ?
C’est un métier de service, c’est un métier de proximité, c’est un métier qui permet aux clients en souffrance de trésorerie de s’affranchir des charges financières, comme des contraintes liées à la l’exploitation d’un matériel. En dehors des enjeux réglementaires et normatifs, telles que les vérifications générales périodiques, nous prenons en charge le nettoyage et la désinfection de chaque matériel loué.

Appréhendez-vous des freins au redémarrage des chantiers ?
Nous sommes optimistes sur la reprise du secteur de la construction. Au-delà du caractère symbolique du 11 mai, nous ne voyons pas d’entrave à la poursuite des chantiers démarrés. Certains de nos clients, comme les aéroports, certaines usines seront toujours soumis à des interdictions légales de reprise. Cela sera forcément pénalisant pour l’activité de Loxam. Mais notre métier  historique qu’est la construction, maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre ont eu le temps de s’organiser comme nous l’avons fait nous-mêmes pour permettre de repartir. Ceci étant dit, il est évident que l’on ne s’attend pas à renouer  avec un marché aussi dynamique qu’avant la crise sanitaire. Nous avions déjà anticipé un ralentissement de la croissance en 2020. Les circonstances exceptionnelles que nous rencontrons font que cette année verra l’activité du groupe se contracter sensiblement.

Des dispositifs ponctuels adoptés au cours de la période ont-ils vocation à être pérenniser ?
Au niveau de l’exploitation, la numérisation des process a été accélérée. Nous ne reviendrons pas en arrière. Outre la dématérialisation des factures pour les professionnels, le système de télépaiement que nous avons mis en place pour les particuliers va demeurer. Cela répond à un besoin. De même, l’offre « négoce » de consommables pour les chantiers sera désormais élargie aux EPI et autres petites fournitures. Le besoin est manifeste, en particulier dans les équipements de sécurité. Dans le domaine commercial, la relation client s’est réorganisée autour des outils digitaux. Par la force des choses, les visites de chantier ont été plus compliquées et nos commerciaux ont dû adapter leurs méthodes de travail. De même, la formule « drive » qui existe chez Loxam depuis plusieurs années, va s’ancrer chez certains clients, même si la clientèle professionnelle conservera ses habitudes. Au niveau des pratiques internes, le recours au télétravail nous interroge.

L’organisation du groupe a-t-elle évolué ?
Loxam est une entreprise qui a une longue histoire et qui est très décentralisée dans son organisation. L’épreuve à laquelle nous avons été confrontée et qui a affecté dans un délai très court, notre activité en France, en Italie et en Espagne, a permis de vérifier l’efficacité des process appliqués. La prévention faite dans les autres pays en Europe s’est déployée avec la même diligence et la même rigueur. Globalement, nous avons pu vérifier la réactivité de notre structure. Nos process sont adaptés à la dimension du groupe, puisqu’il nous faut gérer la France, évidemment, mais aussi les trente autres filiales sur quatre continents.

Avez-vous révisé la politique Matériel du groupe ?
Traditionnellement, Loxam maintient un niveau d’investissement élevé, qui suivant la conjoncture, oscille entre 350 et 400 millions d’euros. La crise à laquelle nous sommes confrontés est totalement inédite. Il faut savoir s’adapter. Sur un délai aussi court, un parc qui compte près de 400 000 références ne peut pas être modifié. A ce stade, toute cession de parc est exclue. La marge de manœuvre est d’autant plus réduite, que sous confinement, les transports étaient contraints.  A ce jour, le parc n’a donc pas été adapté. La question pourra se poser dans quelques mois. Les arbitrages se feront, notamment, au regard de l’activité réelle que nous constaterons. L’adaptation du parc se fera aussi, conformément aux orientations que nous avons fixées et qui tendent à « verdir » notre offre. Elle pourrait contribuer à l’accélération de la mutation du parc avec des matériels électriques.

A ce jour, le parc n’a donc pas été adapté. La question pourra se poser dans quelques mois.

Quel est le coût des dispositions prises pour assurer la sécurité sanitaire de vos activités ? Sera-t-il répercuté sur les tarifs de location ?
Inévitablement, il y a un surcoût. L’achat de masques, de gants, de solutions hydroalcoolique, la désinfection des machines,… tout cela a un prix. Aujourd’hui, nous considérons que chacun doit participer à l’effort qu’impose la situation. C’est pourquoi, chez Loxam, nous avons considéré que ce surcoût restera interne. Sauf cas exceptionnel de désinfection spécifique réalisée à la demande des clients -je pense notamment aux modules-, le surcoût ne sera pas facturé à notre clientèle qui elle-même connaît des difficultés.

Pouvez-vous commenter la finalisation par les banques du Prêt Garanti par l’Etat ?
Le montant du PGE s’élève à 230 millions d’euros. Il s’agit d’une facilité de trésorerie. Pour une activité essentiellement à coût fixe telle que celle de Loxam et dont les recettes à fin mars se sont contractées à 10% de son niveau habituel, les besoins de trésoreries sont prioritaires. Aujourd’hui, l’essentiel est destiné à rémunérer les 11 000 collaborateurs du groupe qui se sont largement mobilisés au cours des six dernières semaines et faire en sorte d’honorer tous nos engagements vis-à-vis de nos fournisseurs.

Le montant du PGE s’élève à 230 millions d’euros.

Quelles sont vos prévisions d’activité pour l’année en cours ?
Tant que nous ne serons pas sortis du confinement sur nos principaux marchés et tant que nous nous n’aurons pas plus de visibilité sur le rythme de la reprise, nous ne pouvons pas nous prononcer. Il faut également que nous mesurions l’impact de la récession annoncée en 2020 sur nos activités. Il est acquis que l’ampleur de la récession sera moindre dans le secteur de la construction que dans le tourisme ou le transport aérien. La seule chose dont nous sommes certains, c’est que le chiffre d’affaires et la rentabilité seront en recul.

Depuis que vous présidez le groupe, Loxam a toujours affiché un exercice bénéficiaire.  COVID-19 aura-t-il eu raison de cette constance ?
C’est très vraisemblable, compte tenu de la baisse d’activité attendue. Le modèle économique de Loxam est résilient, même dans les conditions de marché actuelles exceptionnellement dégradées. Nous ferons tout pour minimiser l’impact de la crise sanitaire sur le résultat de Loxam.

La dimension internationale du groupe a-t-elle permis d’atténuer les conséquences de la pandémie ?
La rapidité de l’avancée de la pandémie a été telle qu’il a été difficile d’être durablement préservé sur un marché. La diversification géographique n’est pas une assurance tout risque. Elle permet simplement d’atténuer les effets de la baisse d’activité. Dans le cas présent, il est vrai que l’Europe du Nord, la Scandinavie et l’Europe Centrale ont mieux résisté. Non seulement, les entreprises ont continué à travailler, mais les donneurs d’ordres ont également accéléré certains projets. Aucune crise ne se ressemble, mais l’ampleur de celle que nous affrontons est sans commune mesure par rapport à celle de 2008. Aucun marché n’est préservé. La situation présente impose la modestie. Nous ne savons ni combien de temps la situation va durer, ni comment l’activité va repartir.

La location sortira-t-elle renforcée de cette crise ?
Le recours à la location dans le secteur de la construction ne sera pas remis en cause. Pour autant, les marges de progression sont relativement faibles. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, nous nous efforçons de diversifier nos prestations pour gagner de nouveaux profils de clientèles. Propos recueillis par Jean-Noël Onfield

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