
Comment avez-vous vécu la période de confinement ?
Comme de nombreuses entreprises de TP, nous avons choisi d’arrêter nos 150 chantiers en cours dès le 17 mars afin de protéger nos salariés. Après avoir mis en place, avec notre médecin salarié, un protocole sanitaire efficace et adapté à la dangerosité de la Covid-19, avec obligation du port du masque en permanence sur les chantiers, nos activités ont pu reprendre progressivement. Grâce à un carnet de commandes fourni, des conditions climatiques convenables et des équipes très déterminées, mai, juin et juillet ont été de bons mois, avec un niveau d’activité élevé, même si certains donneurs d’ordre ont tardé à autoriser la reprise des chantiers. Les quatre semaines d’arrêt ont un impact sur le chiffre d’affaires que nous évaluons à 12 % du volume d’activité annuelle de l’entreprise.
Avez-vous pris des dispositions particulières pour faire face à cette situation inédite ?
Dès le début, nous avons fait le choix de respecter toutes nos échéances auprès de nos partenaires habituels. Nos fournisseurs ont joué le jeu à nos côtés. Il en est de même pour la communauté bancaire, qui a été à l’écoute et très réactive. Cela nous a permis de renégocier notre échéancier de remboursement. Après avoir défini nos prévisions de trésorerie, nous avons aussi décidé de ne pas recourir au prêt garanti par l’État. Le PGE ne nous était pas indispensable.
Comment appréhendez-vous la rentrée ?
Je partage le constat et les inquiétudes de la profession. Depuis mars, le niveau des appels d’offres est significativement en baisse. Il s’est contracté d’environ 50 % pendant le confinement et depuis le déconfinement, il reste inférieur de l’ordre de 30 % par rapport au niveau habituel. Cela nous rappelle la dernière crise, quand en 2015, la commande publique avait fondu de 30 % dans nos métiers, entraînant la destruction de quelque 1 000 emplois dans les TP pour le seul département de la Loire-Atlantique. Notre inquiétude est d’autant plus vive que la grande faiblesse actuelle des appels d’offres nous promet un premier semestre 2021 très compliqué. Même si, à l’instar du conseil départemental de Loire-Atlantique, certaines collectivités ont déjà lancé des plans de relance locale, il est urgent que les équipes municipales, nos principaux donneurs d’ordre publics, reprennent les programmes de travaux prévus et travaillent d’arrache pieds pour sortir des appels d’offres. Cela d’autant que les besoins sont avérés au regard de l’état de notre patrimoine d’infrastructures, une importante dette grise ayant été constituée entre 2015 et 2017.
Votre stratégie a-t-elle changé ?
Nous retravaillons notre feuille de route pour la période 2020-2025. Lors de la précédente période, différentes voies de développement ont été investiguées en diversifiant nos activités, notamment dans la déconstruction et avec la finalisation d’opérations de croissance externe dans nos métiers historiques. Cette approche sera reconduite. Nous sommes toujours preneurs de développement par acquisition dans l’Ouest. En revanche, nous n’avons pas de velléités d’intervenir sur l’ensemble du territoire. Les enjeux de développement durable sont prégnants. La transition écologique est au cœur de notre stratégie.
Quelles sont vos perspectives d’activité pour la fin de l’année et 2021 ?
Si les collectivités se mobilisent très rapidement, il est possible de « sauver » l’exercice 2021. Les besoins sont là. Les projets existent. Certains chantiers, nécessitant peu d’études, peuvent être lancés sans délais. À ce stade, nous anticipons une légère baisse sur l’exercice en cours. L’essentiel de notre chiffre d’affaires est généré par les TP et les travaux urbains dans l’Ouest. Sur ce périmètre, il est urgent que des projets soient relancés pour nous permettre de maintenir l’activité en 2021. Les activités Grands Travaux maritimes et fluviaux et Grands Travaux terrassement disposent d’un carnet de commandes qui n’inspire pas d’inquiétudes à moyen terme. Cela d’autant plus que dans le cadre des projets de relance européenne, le projet de canal Seine Nord pourrait accélérer. Il en est de même sur le Grand Paris. En outre, à l’échelle nationale, la volonté de dynamiser le ferroviaire pourrait contribuer à lancer de nouveaux chantiers. L’accélération attendue de la transition écologique passera nécessairement par des travaux d’infrastructures, notamment dans l’éolien, permettant d’espérer, si les financements suivent, un niveau d’activité assez soutenu pour les entreprises de TP.
Comment évoluent vos investissements ?
Nous n’avons pas réduit nos investissements en 2020. Nous faisons le pari que le marché trouvera à rebondir. Cette année, l’enveloppe est maintenue à une vingtaine de millions d’euros, dont une douzaine pour les matériels roulants. Nous avons renouvelé l’usine d’enrobage de Cholet pour 3,5 millions d’euros et commandé un deuxième poste mobile, en partenariat avec Roger Martin. Comme pour les matériels roulants, ces investissements sont fléchés pour assurer la décarbonation de nos activités. Dans une entreprise de TP, le parc de matériel et l’outil de production sont les deux principaux postes d’émissions de carbone. Nous tendons vers l’hybridation des matériels roulants avant de pouvoir accéder à l’hydrogène. Même si l’offre est embryonnaire, cette technologie est l’avenir.
Maintiendrez-vous ce niveau d’investissements en 2021 ?
Nous élaborerons notre enveloppe d’ici à la fin de l’année. Elle devrait répondre aux mêmes objectifs que l’actuelle. Il n’y aura pas de changements majeurs. Concernant les modalités de financement, la question de louer ou d’acheter se pose de manière cruciale dans les groupes où la performance est mesurée à la création de valeur et au retour sur investissement. Dans les entreprises qui raisonnent sur le long terme, l’enjeu est différent, dans la mesure où la recherche de l’amélioration de la performance purement financière n’est pas l’objectif à court terme. Le paiement à l’usage ne peut être généralisé. Pour autant c’est une solution très utile en complément d’un produit classique d’acquisition en pleine propriété ou de location longue durée. C’est ce que l’on pratique chez Charier, avec un parc de matériel stable et permanent qui appartient à l’entreprise et qui est dimensionné pour assurer un nombre d’heures minimales chaque année. Le recours ponctuel à la location permet de faire face à la variation de l’activité.
Comment se traduit la transition énergétique dans laquelle l’entreprise est engagée ?
La stratégie est initiée depuis le siège. La direction du Matériel et des Achats fait des propositions (sélection de fournisseurs…) et met à disposition des solutions (éco conduite…). Les initiatives sont prises ensuite localement par les responsables opérationnels. L’objectif est le même pour tous : réduire significativement l’empreinte carbone de l’entreprise à l’horizon 2030.
Chiffres clés
278 millions € CA 2019
+ 9,5 % évolution 2019/2018
1400 salariés
5 métiers
41 filiales et agences
33 sites de gestion des déchets inertes
15 carrières
15 agences travaux
9 usines d’enrobage dont 1 mobile
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