
« Nous visons à éradiquer les accidents graves et mortels sur nos chantiers »,une interview de Laurent Martin, responsable Hygiène, Sécurité et Environnement chez Soletanche Bachy International
Quelle est votre mission au sein de Soletanche Bachy International ?
Soletanche Bachy International est une Business Unit de Soletanche Bachy. Le service grands projets intervient dans le monde entier à l’exception de la France. Il s’agit de chantiers de taille conséquente que nous réalisons seuls ou en groupement et pour lesquels les enjeux HSE sont significatifs. Nous sommes parmi les business units les plus performantes de Soletanche Bachy dans le domaine en matière d’accidentologie. Cela se vérifie depuis plusieurs années, tant pour les critères de fréquence que pour les critères de gravité. Nous visons à éradiquer les accidents graves et mortels sur nos chantiers et nous nous efforçons de protéger au mieux nos salariés. La tâche est d’autant plus ardue que nous évoluons dans un contexte multilingue, multiculturel et multiethnique.
Pouvez-vous quantifier ce classement ?
Actuellement, nous sommes à 0,77 pour le taux de fréquence (accidents avec arrêt). Cela fait trois années consécutives que cet indicateur est inférieur à 1. Quant au taux de fréquence absolu (accidents avec et sans arrêt), nous sommes depuis quatre années en dessous de 4, même si nous finirons l’année aux environs de 5. À titre de comparaison, le taux de Fréquence de la BU Eurofrance se situe plutôt aux alentours de 14 pour le taux de fréquence cette année.
Quelles sont les situations accidentogènes spécifiques à vos activités ?
Sur un chantier de fondations spéciales, les principaux risques en matière d’accidentologie peuvent être communs à d’autres spécialités des TP mais aussi propres à nos métiers. Soletanche Bachy a donc défini des causes principales d’accidentologie béguine sur nos chantiers mais aussi ce que nous appelons les 5 « killers », à savoir les cinq causes d’accidents graves ou mortels :
chutes de hauteur,
collision Homme / Machine,
chute d’objets, durant des levages ou des manutentions par exemple,
plate-forme de travail, à savoir le sol sur lequel nous sommes amenés à travailler et sur lequel les matériels vont évoluer (par exemple, une plate-forme de travail mal compactée peut entraîner le renversement d’un engin de chantier),
matériel modifié, en enlevant ou déplaçant un ou des éléments de sécurité mais aussi en utilisant un équipement pour une application différente de celle pour laquelle il a été conçu. Le cas typique est l’utilisation d’une disqueuse avec un disque inapproprié au matériau.
À cela s’ajoutent deux autres causes pouvant devenir des killers : les fluides sous pression. Un tuyau sous pression (eau, air, coulis) peut générer ce que nous appelons un « coup de fouet » lors de la rupture d’une connexion, dont l’effet de cisaillement peut être mortel sur une personne. Autre cause, les heurts de réseaux enterrés tels que ce gaz, électricité ou autre.
Sur quels leviers pouvez-vous agir pour progresser ?
Nous agissons sur trois critères. Le premier est un véritable engagement de la direction. C’est la condition sine qua non à la mise en œuvre d’une culture sécurité dans toute l’entreprise. Le top management de la BU s’implique personnellement dans la démarche et veille à faire percoler cette culture d’entreprise au niveau du terrain. L’une de nos grandes spécificités réside dans la dimension mondiale de nos activités qui nous amène à travailler avec de multiples partenaires « locaux », aux cultures différentes et aux réglementations en matière HSE tout aussi différentes. C’est pourquoi nous mettons en place la sécurité documentaire (procédures, consignes, certifications) et la sécurité technique, qui concerne le matériel (dispositifs de sécurité intégrés). La démarche est également structurée autour d’un troisième pilier : les facteurs organisationnels et humains (FOH) que sont l’individu, le collectif de travail, le management et l’organisation, la situation de travail, sur lesquels nous agissons pour éradiquer les causes racines de nos accidents. Sur le chantier, cela se traduit par la préparation des travaux, avec, en amont des analyses de risques et la définition des méthodes d’exécution. Une fois le chantier démarré, cela se poursuit par le « pre-start meeting » quotidien, qui comme son nom l’indique est préalable au commencement de la journée de travail. Cela permet d’expliquer les tâches à réaliser, d’affecter le travail à chaque compagnon, de rappeler les enjeux, de préciser les objectifs de la journée et de présenter les risques et moyens de prévention mis en œuvre. La démarche est efficace, même si, dans la pratique, elle ne permet pas de s’affranchir à 100 % des aléas de chantier. Ce qui est sûr, c’est qu’elle permet de réduire significativement la causalité des accidents.
Quelle est contribution des nouvelles technologies dans cette approche ?
Pour aller plus loin et pérenniser nos résultats, nous essayons d’innover en utilisant des solutions alternatives pour transformer la gestion de la santé et de la sécurité de ses collaborateurs. Ainsi, nous avons équipé plusieurs de nos projets, dans le monde, de casques de réalité étendue RealWear HMT-1., Quel que soit l’endroit du monde, cette innovation permet de réaliser des visites et des inspections sur site sans se déplacer. Grâce à cette technologie, les spécialistes de Soletanche Bachy peuvent désormais rejoindre les opérateurs de terrain sur les chantiers du monde entier, virtuellement, de n’importe où.
Concrètement, comment se présente cette solution ?
Sur le terrain, Soletanche Bachy utilise la solution RealWear HMT-1 qui intègre un microphone, un écran et des haut-parleurs pour un travail mains libres complet (contrairement à une vision utilisant le téléphone d’un opérateur). Ce terminal robuste résiste aux chutes sur du béton et permet de travailler facilement avec la voix dans des environnements bruyants. Pour transmettre ces images en direct du bout du monde, le casque doit être connecté (en wifi ou bluetooth) à une plateforme de visio. Pour une meilleure qualité d’image, nous avons choisi de passer par la solution de visio Simply Vidéo (plutôt que Teams de Microsoft) car elle s’avérait moins gourmande en bande passante et générait des enregistrements vidéo de taille plus légère. Les participants connectés via vidéo peuvent guider l’opérateur et voir en temps réel ce qu’il se passe sur le terrain. Il s’agit là de l’avenir du travail sur site et de la surveillance à distance.
Qu’est ce qui vous a déterminé à opter pour cette approche ?
Avec la pandémie et les restrictions de déplacement, nous avons cherché des solutions pour garder une certaine proximité avec nos équipes sur le terrain. Ce casque caméra connecté est apparu comme une alternative adaptée à nos besoins. Les premiers kits ont été dispatchés sur six projets en cours en Équateur, au Canada, aux États-Unis, à Singapour et en Nouvelle-Zélande et ont permis de réaliser plus de vingt visites de chantier à distance. Ces visites virtuelles se font (en live) à partir des images envoyées par la personne équipée qui est sur le terrain et qui peut être guidée au gré des besoins. À ce stade, l’usage du dispositif est principalement à des fins de sécurité, mais on essaie de mettre dans la boucle les chargés d’affaires et d’impliquer les responsables des méthodes et du matériel.
Quel bilan pouvez-vous dresser, à ce stade, de cette expérimentation ?
Le principal avantage réside dans l’ergonomie du dispositif, la personne équipée gardant ses deux mains libres, contrairement à l’usage d’un smartphone. Cela permet une multitude d’actions possibles, réalisées en toute sécurité. La personne n’est jamais mise en porte-à-faux vis-à-vis de sa sécurité. Il peut grimper sur une échelle, actionner une vanne, se déplacer sur le chantier en toute sécurité. Au niveau de la direction HSE, le dispositif répond parfaitement à nos besoins. À l’usage, et avec le recul dont on dispose, il est appelé à élargir le spectre des interventions (technique, mécanique, commercial, …) et ainsi contribuer à « produire en sécurité ».
Avez-vous identifié des limites ?
La qualité des connexions peut s’avérer problématique. Dans certaines zones ou la couverture 4 ou 5G est compliquée, la qualité des images s’en trouve impactée, mais bien moins qu’avec les solutions concurrentes.
Quel est le montant de l’investissement ?
Un kit, qui comprend le casque de protection avec des adaptateurs et une batterie supplémentaire revient à 2 100 € HT.
Cela fait-il sens de déployer la solution en France ?
Le responsable du site de Montereau-Fault-Yonne (SB Eurofrance) a déjà investi dans un kit à l’issue de notre retour d’expérience dispose déjà d’un kit. D’autres exploitants pourraient s’approprier le concept.
Propos recueillis par Jean-Noël Onfield
">Continuez votre lecture en créant votre compte et profitez de 5 articles gratuits
Pour lire tous les articles en illimité, abonnez-vous