Quelles sont vos prévisions à court terme ?

Nous tablons sur une contraction de l’ordre de 30 % du chiffre d’affaires à la fin de l’année. Ce sont trois années de croissance qui sont durement impactées. La situation est particulièrement difficile en Amérique du Nord et en Inde. En Europe, la Scandinavie et l’Allemagne résistent. Le Royaume-Uni est en berne depuis l’annonce du Brexit. Les marges de croissance pour l’année prochaine sont limitées. Il n’y aura vraisemblablement pas de reprise en « V ». Les reprises progressives observées actuellement nous laissent penser que l’on renouera avec le niveau de marché 2019 en 2024. Cela s’explique par la réaction de nos différents secteurs à la crise : l’agricole est résilient, la construction a été fortement impactée et l’industrie est à la peine. Côté clients, les grands loueurs internationaux sont extrêmement prudents dans leurs investissements. Les acteurs régionaux, à l’échelle mondiale, sont résilients.

La crise actuelle a-t-elle remis en cause la stratégie du groupe ?

Pas fondamentalement. Nous n’avons ni arrêté certaines activités, ni réorientés certaines ressources, ni quitté certains marchés. La stratégie mise en œuvre a prouvé son efficacité, avec une croissance forte et régulière depuis 2016, qui nous a permis de gagner des parts de marché et d’acquérir la satisfaction de nos clients. Évidemment, la situation actuelle commande de redimensionner certains projets, compte tenu de la baisse du chiffre d’affaires, d’adapter la structure, de modifier la vitesse d’exécution et de rationaliser les coûts. Les fondamentaux qui conduisent notre stratégie sur le long terme sont inchangés.

Le groupe n’est-il pas trop tributaire de la « Manutention » ?

Il est évident que ces gammes, qui sont à l’origine du groupe, en restent les piliers. Elles génèrent l’essentiel du chiffre d’affaires. Les ressources sont donc allouées en priorité à ces lignes de produits, qui sont les cœurs de gammes de la marque et qui concentrent les enjeux technologiques. Pour autant les autres gammes ne peuvent être laissées de côté. Dans le contexte de concurrence mondiale dans lequel Manitou Group évolue, nous sommes contraints d’innover en permanence pour défendre notre position et valoriser notre savoir-faire. Cela vaut pour toutes nos lignes de produits.

La relocalisation est-elle à l’ordre du jour ?

En tant que citoyen, je me réjouis que ce type de réflexions émergent dans le débat. En qualité de patron de Manitou Group, je ferai remarquer que cela fait 60 ans que nous relocalisons. Si cela peut inspirer d’autres industriels et d’autres fournisseurs c’est très bien. Je rappelle que nous fabriquons des biens d’équipements, dans de petites séries mais dans de nombreuses déclinaisons. L’intérêt est de disposer de fournisseurs et de sous-traitants à proximité de nos usines.

Comment appréhendez-vous la consolidation du marché européen de location ?

C’est un fait. Nos matériels vont de plus en plus vers cette typologie de clients, toute taille confondue. Nos concessionnaires, qui représentent toujours les trois quarts de notre activité, sont eux-mêmes loueurs. La force de Manitou Group est d’avoir une grande diversité sectorielle et géographique. Nous servons d’autres marchés qui permettent de faire tampon. Nous le savons, la location est un marché cyclique. Oui, en 2021, comme déjà en 2020, les loueurs vont moins investir. Mais nous travaillons avec eux sur le long terme et nous savons nous adapter à la variation des volumes à livrer. Ainsi, nous avons su décaler certaines livraisons initialement programmées en avril.

A contrario, le secteur des fabricants reste assez atomisé. Pensez-vous que la situation actuelle soit propice à la concentration ?

D’une manière générale, les crises amènent toujours de la consolidation. Notre secteur n’y échappe pas. Il y aura des opérations de croissance externe. Je rappelle que Manitou Group est une société patrimoniale, dont les actionnaires familiaux voient le long terme comme une priorité.

Que préparez-vous pour Intermat 2021 ?

Même si l’année 2020 a été compliquée, Manitou a continué de mettre sur le marché plusieurs nouveautés. Il en sera de même l’année prochaine. Des renouvellements de gammes vont intervenir. Nous continuerons à présenter des innovations marquantes, en particulier dans le cadre d’Intermat, et pas seulement dans le domaine des motorisations.

Comment avez-vous accueilli l’annonce de la baisse des impôts de production ?

Les industriels qui produisent en France ont un discours aligné sur les impôts de production. Ces impôts, dont le taux est près du double de celui observé dans les autres pays, constituent une distorsion forte vis-à-vis de nos concurrents en Europe et ailleurs. L’État fait des efforts. La réduction annoncée par le gouvernement va donc dans le bon sens même si, en les ramenant de 70 à 60 milliards, l’écart avec nos concurrents, près du double, reste significatif. Il faut donc poursuivre la démarche.

Quelles seraient les autres dispositions à même de renforcer la compétitivité de l’industrie française ?

Le soutien annoncé à tous les projets relatifs à la transition énergétique et à la décarbonisation des activités industrielles, qui sont des sujets majeurs. Depuis plusieurs années, Manitou Group s’est engagé dans une démarche RSE globale. Année après année, l’impact environnemental du groupe ainsi que les consommations de carburants, d’huile et de consommables de nos machines reculent, le coût total de possession de nos gammes baisse. Nous tendons vers des impacts toujours plus réduits de nos machines hybrides et électriques. La volonté d’allouer des ressources à ces projets pour soutenir ces solutions technologiques ne peut que nous aider à continuer dans nos projets de R&D.

Ces annonces vous confortent-elles dans vos axes de travail ?

Tout à fait. Nous avons beaucoup travaillé sur la sécurité, l’ergonomie, sur l’efficacité énergétique de nos machines. Nous avons également veillé à l’allongement des interventions de maintenance périodiques. Si la transition énergétique est une priorité, la protection des hommes et de leur environnement de travail reste un axe majeur de travaux de R&D.

Le contexte actuel est-il propice à avancer sur ces sujets ?

Sans aucun doute. Non pas parce que l’on se serait assoupi mais surtout parce que la prise de conscience a progressé, ce qui est très bien. Nous devons donc accélérer la mise sur le marché de nos solutions. À ce titre, la nacelle tout terrain de 20 m de hauteur de travail 200 ATJe, 100 % électrique, est exemplaire. Après que le prototype « Oxygen » a été dévoilé en 2019 à la Bauma, sa production a démarré après le confinement, pour une commercialisation sur le dernier trimestre de l’année. Les donneurs d’ordre sont prêts.

Repères chiffrés

762 millions € CA 1er semestre 2020

- 35 % évolution 1er semestre 2020 vs 1er semestre 2019

30,1 millions € résultat opérationnel courant S1 2020

555 millions € carnet de commandes au 30 juin 2020

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