
Quelles sont vos priorités d’action ?
Dans la perspective de la mise en œuvre de la taxonomie à l’échelle européenne, il est essentiel de s’assurer que les indicateurs retenus pour que les sociétés rendent des comptes, soient intelligents pour une société de location. Un exemple : qu’est-ce qu’un investissement « vert » pour un loueur. Il faut que les loueurs européens partagent une définition commune. De même, dans le cadre du Green Deal, il est impératif que la location soit catégorisée sur le bon segment et qu’elle soit reconnue comme un activité qui contribue au développement durable. Les enjeux sont déterminant pour l’ensemble de la filière au regard des premiers textes publiés qui montrent à quel point notre activité est méconnue. Or, par définition, la location s’inscrit au cœur de l’économie circulaire.
Quelles sont vos autres centres d’intérêt ?
Nous suivons attentivement l’évolution de la Directive Machine. Si nous travaillons, notamment avec le comité européen des constructeurs d’équipement, certains points sont propres au loueurs. C’est le cas du manuel d’utilisation, qu’impose la réglementation européenne. Jusqu’à présent, ce document devait être sous forme papier, La révision de la Directive Machine, autorisera, à compter de 2024/2025 une version numérique du document. Les fabricants de matériels sont les premiers impactés, mais les loueurs le sont aussi de manière indirecte.
Comment appréhendez-vous votre rôle ?
Le rôle du président est plus d’animer le groupe que de diriger l’association. L’essentiel du travail est assuré par le Secrétaire général et les permanents. Je considère que le président doit favoriser la réflexion, faire émerger des thèmes de discussion et de contribuer aux échanges entre les différents membres. A ce titre, je veux renforcer le rôle des différents comités techniques de l’ERA, qui réalisent un travail de grande qualité. Ils contribuent au partage des bonnes pratiques et font grandir la profession. Je souhaite pouvoir rétablir la convivialité et la proximité relationnelle que la crise sanitaire a quelque peu mise à mal.
Envisagez-vous la création de nouveaux comités au regard des nouveaux enjeux qui émergent ?
Je pense qu’il faut être agile et réactif. Les comités traitent des sujets fondamentaux pour l’ERA. Le format du groupe de travail, me semble être une alternative intéressante pour des problématiques plus ponctuelles. C’est ce que nous avons fait pour la cybersécurité, en mettant en place un groupe de travail sur un sujet donné afin de produire, dans un premier temps, un guide des bonnes pratiques avec un certain nombre de recommandations. Dans un second temps, le document est enrichi par le chapitre de la cyber assurance. Ce groupe de travail ne sera pas nécessairement amené à être poursuivi après.
A l’heure où la décarbonation du chantier mobilise vos clients, comment voyez évoluer le calculateur CO2 de l’ERA ?
Nous avons été surpris par le succès rencontré par cet outil que nous avions développé à des fins internes et qui est mis à disposition gratuitement. Cette réussite tient dans la neutralité de l’outil. Cela nous pousse à penser qu’il pourrait devenir la référence de la filière. Les fédérations clientes ont validé le principe et ont incité à le faire évoluer. La nouvelle version permet à présent de faire des simulations avec plusieurs matériels sur un site et de comparer leur impact carbone selon le type et la technologie des machines retenues. La troisième version, en cours de développement, verra le parc de matériel élargi aux modules et à l’outillage électroportatif.
Où en sont les loueurs européens dans l’électrification de leurs parcs ?
Nous observons des écarts de maturité entre les pays. C’est d’ores et déjà un sujet d’actualité aux Pays Bas quand dans certains autres pays, dont la France, la question n’est pas vraiment à l’ordre du jour, à l’exception des grands comptes. Au niveau de l’ERA, je pense utile de promouvoir cette approche, tant les loueurs n’auront pas d’autre choix que de « verdir » progressivement leur parc. En matière de transition énergétique, les loueurs portent le risque de l’obsolescence technologique et du coût économique. Nous ne savons rien du traitement futur des batteries, de leur éventuel remplacement par des nouvelles technologies et de la valeur résiduelle de ces matériels. A contrario, c’est un formidable levier pour augmenter le taux de pénétration de la location dans chacun des pays au cours des prochaines années. A titre personnel, je considère que c’est une formidable opportunité pour la location.. Aucun client ne va investir dans un matériel sur lequel il ne dispose d’aucun recul, qui reste très cher à l’achat et dont la durée de vie et la valeur de revente ne sont pas connues. Logiquement, le client devrait s’empresser de s’adresser à son loueur pour avoir accès à ces matériels « O » émissions sur site.
C’est donc un nouveau modèle économique qui est à définir ?
Les loueurs vont disposer de nouvelles gammes et pourront proposer de nouveaux produits. A terme, il est vraisemblable que le groupe électrogène conventionnel soit remplacé par un matériel fonctionnant à l’hydrogène associé à une unité de stockage. Cela nous incitera à louer des batteries sur les chantiers de nos clients. Mais en réalité, cela ne révolutionne pas le métier. En revanche, si les loueurs sont les seuls à disposer de ces matériels, cela leur confère un élément différenciant sur le marché et contribue à remettre la location sur le devant de la scène.
Les loueurs pourront donc revaloriser le prix de leur prestation ?
La question de la rentabilité de ces opérations reste posée. La situation est compliquée dans la mesure où les loueurs achètent ces matériels au prix du prototype alors que les clients ne sont pas prêts à absorber la différence. Dans une première phase de vulgarisation de ces solutions innovantes, le loueur peut faire l’effort. Cela suppose un travail de formation en interne, afin d’expliquer qu’en raisonnant coût global et bilan environnemental, ces alternatives sont performantes d’un point de vue économique et technique. Il faudra non seulement travailler auprès de nos commerciaux mais aussi auprès de nos clients pour les sensibiliser à l’intérêt de recourir à ces matériels innovants. Ils faudra également accompagner ces derniers dans la conduite du changement pour une exploitation optimale. Si l’on conserve les habitudes de travail d’hier, cela ne fonctionnera pas.
Qu’est ce qui pourrait accélérer cette conversion ?
Incontestablement l’évolution de la réglementation, comme nous l’avons observé dans le domaine de l’élévation de personne . A partir du moment où l’échelle a été interdite pour les travaux à plus de deux mètres de hauteurs, la location de nacelles élévatrices a décollé. Quant l’utilisation de matériels à motorisation thermique sera interdite dans les centres villes ou les zones à faibles émissions, ces alternatives s’imposeront auprès de nos clients. Il faut reconnaître que les majors sont assez proactifs sur le sujet quand le reste de nos clients ont tendance à être plus attentistes. Je suis convaincu que la transformation des parcs avec des matériels « verts » va avoir un effet accélérateur pour la location. Cela sera d’autant plus visible que des initiatives prises par certains fabricants amplifieront le phénomène.
Pouvez-vous nous donner un exemple ?
Je pense à l’harmonisation des batteries, permettant une interopérabilité d’une marque à une autre. Tout ce qui peut simplifier la logistique autour de batteries, incitera au recours à la location. Seriez-vous favorables à un mécanisme de subventions ? Je considère que l’ERA doit aller défendre ce dossier auprès des instances européennes. En tant que filière industrielle, nous serions naïfs en n’allant pas explorer les possibilités de subventions auprès de l’Union européenne. Nous avons des arguments à faire valoir : la location est vertueuse au sens du développement durable et s’inscrit au cœur de l’économie circulaire. Comme cela a été fait pour l’automobile, nous somme légitimes à demander des incitations fiscales pour investir dans des matériels qui réduisent l’empreinte carbone des chantiers et qui apportent une contribution au verdissement de la construction. Si cette action est à mener au niveau européen, il faut également la décliner à l’échelle nationale tant une solution unique à déployer à l’échelle du continent n’est pas envisageable. Très vite, les questions de fiscalité « locale » se poseraient.
La disponibilité de ces matériels pose-t-elle problème ?
Avant de parler de la disponibilité, il faut parler de l’existence même de ces matériels. Force est de constater que les gammes sont, à ce jour, encore étriquées. A l’exception des gammes de matériels d’élévation de personne, nos principaux fabricants ont pris du retard et l’offre se concentre sur des matériels « 0 » émissions sur site de 1 à 2,5 t. Dans les actions de lobbying de l’ERA, il faut aussi que nous nous adressions à nos fournisseurs afin qu’ils accélèrent leurs travaux de R&D et qu’ils proposent une offre élargie le plus vite possible. Quant à la disponibilité, mon expérience personnelle m’amène à constater les matériels électriques à court délai de livraison sont plus faciles à trouver que des matériels traditionnels.
La conjoncture actuelle favorise-t-elle le recours à ces alternatives ?
La véritable accélération interviendra quant les clients seront « mentalement » prêts et que les loueurs auront adapté leurs parcs en conséquence en matière d’infrastructure. Les infrastructures de production d’électricité, de recharge et de maintenance sont à construire. Ces dernières font partie des freins qui retardent la diffusion massive des gammes électriques. Leur développement reste embryonnaire, les conditions n’étant pas réunies. Elles devraient l’être dans les années 2025- 2027. D’ici là, on peut espérer que les problèmes de supply chain que nous constatons actuellement auront été réglés. Actuellement, de nombreux loueurs européens achètent des matériels chinois, en particulier dans le domaine de l’élévation de personne, leurs fournisseurs traditionnels étant dans l’incapacité de produire les volumes demandés par le marché. Adhérent de la première heure et membre du board depuis 3 ans, vous succédez à Pierre Boels à la présidence de l’association.
Quelle est votre feuille de route ?
La raison d’être de l’ERA est de s’intéresser à ce que ne peuvent faire, ni les associations nationales ni les membres individuels. C’est le cas, en particulier, du lobbying, qui reste la priorité de l’association. Je souhaite renforcer nos actions dans ce domaine, auprès des instances européennes qui siègent à Bruxelles, mais aussi auprès de l’écosystème de la location sur des sujets comme le Green Deal et la taxonomie. Il est important de gagner en représentativité pour que la location de matériels soit bien identifiée comme une activité économique à part entière et que les loueurs soit entendus . Pour être représentatif et donc être entendu par les instances européennes, il faut peser sur plan économique. Cela suppose un travail d’évangélisation et de promotion du métier vis-à-vis des instances européennes mais aussi auprès du grand public et en particulier des jeunes. Ces derniers constituent un enjeu pour vos structures.
Comment les convaincre de vous rejoindre ?
Notre métier, qui peine à recruter, n’est pas suffisamment identifié auprès des jeunes. Je ne connais pas un jeune dont le rêve est d’aller travailler chez un loueur. Pourtant, à l’heure où les jeunes recherchent des métiers qui donnent du sens à leur travail, la location est en adéquation avec ces attentes. Les entreprises de location ont une action positive tant du point de vue de l’environnement que de l’économie et du social. Avec les enjeux de l’économie du partage qui émergent, nous avons des arguments massue à mettre en avant comme aucun autre secteur professionnel ! A nous d’en assurer la promotion en allant dans les écoles, les universités et les centres de formation. La notoriété passe aussi par plus de membres.
Disposez-vous d’un réservoir potentiel de nouveaux d’adhérents ?
La représentativité de l’ERA en termes de part de marché est déjà très significative. Les principaux acteurs sont présents. Il en est de même pour les fédérations nationales des grands marchés de la location. Quelques pays ne sont pas représentés par leur instance nationale,. Même si nous avons vocation à fédérer l’ensemble de la filière, ce n’est pas, à ce stade, un enjeu en tant que tel.
Qu’en est-t-il des PME/TPE de la location ?
Je pense que ces sociétés se retrouvent mieux dans leurs associations nationales.. Cela pour des raisons de taille, donc de disponibilité mais aussi de langue. Je rappelle que L’ERA a vocation à traiter les sujets transverses de la location. Aux associations nationales de s’occuper des sujets spécifiques à chaque pays.
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