À l'occasion de son assemblée générale, le 19 juin dernier à Paris, le syndicat national des entrepreneurs spécialistes de travaux de réparation et de renforcement des structures a proposé un dialogue autour de la sécurité des ponts. La discussion a souligné l'absence d'interaction entre les municipalités et les sociétés d'ingénierie. Plusieurs acteurs de ce domaine s'emploient à rapprocher ces deux sphères. Le mois d’août 2018 fut le quart d‘heure de gloire médiatique des ponts français. Après l’effondrement du viaduc Morandi à Gênes, tout le monde s’est enquis de l’état de nos ouvrages d’art nationaux. Près d’un an plus tard, le sujet est passé de mode. Pour autant, la situation n’a guère évolué. Elle demeure préoccupante. Le dernier rapport de l’Observatoire national de la route, paru en novembre 2018, avançait les chiffres suivants : environ un tiers des structures sous la responsabilité de l’État requièrent des travaux de maintenance et 7 % nécessitèrent des réparations. Pour les autres constructions, ces deux pourcentages, établis à partir des réponses de 43 départements, atteignent respectivement 32 % et 9 %. Dans ce contexte, le Syndicat national des entrepreneurs spécialistes de travaux de réparation et de renforcement des structures (Strres) a organisé le 19 juin dans le cadre de son assemblée générale un débat portant sur la sécurité de ce patrimoine. Les échanges ont notamment mis en évidence le vide laissé par la disparition des directions départementales des équipements. « Il y a un trou dans le système, constate Georges Tempez, directeur infrastructures de transports et matériaux du Cerema*. Mais l’État n’aura plus les moyens de mettre en place ces méthodes. Certains départements ont mis en place des agences techniques pour appuyer les petites collectivités. Nous regardons aussi de notre côté comment nous pouvons aider la maîtrise d’ouvrage. »

Amorce d'organisation

Faute de pouvoir s’appuyer sur le service public, les municipalités doivent donc se tourner vers la maîtrise d’œuvre privé. Christophe Bouillon, président de l’Association des petites villes de France, est bien conscient du problème : « Les infrastructures restent le premier argument avancé par les entreprises qui choisissent de s’installer dans notre pays. Aujourd’hui, ce réseau se dégrade. Nous devons créer des passerelles entre l’expertise technique et les communes. » Toutefois, cette démarche n’est pas encore entrée dans les mœurs des élus. Les raisons sont multiples : certaines ignorent la manière de procéder, d’autres manquent de moyens ou de temps. Même si la question des financements demeure épineuse, les professionnels ont entrepris de s’organiser à ce besoin d’auscultation et de rénovation. « Il y a quelques années, le métier n’était pas structuré pour répondre à cette demande, explique Pascale Dumez, présidente de l’association Ingénierie de maintenance du génie civil (INGC). Maintenant, il commence y avoir des formations et une promotion de cette profession. »

Notice de cahier des charges

Entre autres exemples de cette volonté, le Cerema, l’INGC et l’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (Idrrim) ont publié en juin 2018 un guide pour les donneurs d’ordre désireux de passer une commande d’inspection d’ouvrage. « La maîtrise d’ouvrage doit comprendre le privé et réciproquement, remarque David Zambon, directeur général de l’Idrrim. Plutôt que chacun campe sur ses positions, nous avons essayé de créer un dialogue entre les différents partis. » Cependant, pour Christian Tridon, président du Strres, la tâche reste considérable : « En premier lieu, nous avons recommandé la création d’un carnet de maintenance pour chaque pont. Au Pays-Bas, il existe par exemple 40 000 fiches de ce type. Par ailleurs, sur dix ingénieurs formés, il y en a éventuellement deux spécialisés dans la rénovation, alors que ce domaine requiert des connaissances particulières. Ce ratio devrait être inversé. » * : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement.