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Le congrès du DLR 2023 était organisé autour du thème « Nouveau Monde ».

L’organisation professionnelle des loueurs, distributeurs et réparateurs de matériels a tenu son congrès le 30 et 31 mars à Lyon. L'événement accueillait notamment une série de conférences qui invitait à réfléchir aux enjeux de 2023.

Congrès du DLR : bienvenue dans le nouveau monde

Entre les séquelles du Covid et la guerre en Ukraine, les années 2010 nous semblent lointaines, une impression renforcée par l’amplification des phénomènes climatiques et la montée en puissance des systèmes numériques. Dans ce contexte, la fédération DLR a jugé à propos d’organiser son 58e congrès autour de l’intitulé « Nouveau Monde ».

La manifestation, qui s’est déroulée du 30 au 31 mars à Lyon, accueillait entre autres plusieurs conférences susceptibles de donner aux loueurs et aux distributeurs quelques idées pour s’adapter à ce changement d’époque.

Premier enseignement, apporté par Laurent Pourprix, président-directeur général du groupe Pourprix, c’est qu’une crise donne la volonté de reconsidérer les habitudes d’une entreprise. Ses entreprises fabriquent des équipements d’avitaillements pour les avions et les hélicoptères, notamment les citernes destinées au transport du carburant jusqu’à l’appareil.

Contrecoups

L’industriel a senti les effets de la pandémie avec deux ans de décalage. « En 2020, le carnet de commandes était plein, explique Laurent Pourprix. Nous nous sommes maintenus la première année. En revanche, la seconde s’est avéré difficile. » Le PDG note toutefois une solidarité de certains de ses clients. « Ils ont passé des commandes alors qu’il n’avait pas de besoins urgents. L’Armée française a aussi affirmé ses renouvellements de matériels. »

En parallèle de ce ralentissement de la demande, l’inflation a fait son apparition. Le manufacturier échappe quelque peu à ses conséquences. Il achète une partie de ses composants en Amérique et sous-traite des opérations en Inde. « Les prix aux États-Unis ou en Inde sont moins affectés par la crise. Le problème, ce sont les achats ou la sous-traitance en Europe. »

Le TGV plutôt que l'avion

Le groupe Pourprix a donc entrepris de renégocier ses contrats-cadres. « Nous n’avons rien obtenu pour les contrats en cours. En revanche nous sommes parvenus à remonter les contrats à venir de 15 à 20 %. Nous avons aussi obtenu à intégrer le coût de l’énergie dans la formule de révision de nos tarifs. C’est le fruit d’un dialogue continu avec nos clients. Il y avait une méconnaissance de nos contraintes. Nous les avons ramenés à la réalité de nos métiers. » Le responsable remarque que ces démarches n’auraient peut-être pas abouti sans l’arrivée d’une nouvelle génération dans les grandes entreprises. « Ils préfèrent prendre le TGV plutôt que l’avion pour inspecter des machines, plaisante-t-il. S’approvisionner dans des pays lointains a des répercussions : prix des déplacements, absence de la vie familiale, fiabilité du matériel à long terme. »

Dans le même temps, le groupe s’ouvre à de nouvelles activités. Ses cadres ont signé leur premier contrat de maintenance de flotte avec BP, un moyen d’améliorer les marges. La position du fabricant demeure néanmoins délicate. « Pour le moment, nous avons réussi à maintenir les salaires et versé de primes de performance, une manière de saluer la capacité à gérer la crise. Les équipes gardent un état d’esprit combatif. Elles veulent s’en sortir. »

Instabilité productive

Chez Altheora, la conjoncture est plus favorable. Ce groupe ardéchois est reconnu pour ses équipements produits à partir matériaux composites : des coffrets de compteur, des capotages de véhicule, des abris bus… Le commerce va bon train si ce n’est un point noir : une facture d’électricité qui a dépassé les deux millions d’euros en 2022 pour un chiffre d’affaires de 45 millions d’euros.

Pour Bénédicte Durand-Deloche, directrice générale d’Altheora, le poids des watts dans son modèle n’est pas une découverte. « Il y a quelques années, à la suite d’un épisode neigeux en Ardèche, deux de nos usines se sont retrouvées sans électricité. Nous avons compris que sans énergie, nous n’étions pas grand-chose. » Cependant, l’ampleur du phénomène l’encourage à accélérer. « L’augmentation des coûts actuelle ne peut pas être répercutée assez vite. Elle rogne dans nos marges. Nous étions dans un environnement très stable. Nous sommes obligés de repenser notre fonctionnement. »

Plan collectif

La dirigeante a engagé un plan de métrologie dans ses usines. Si elle n’est pas encore arrivée à l’échelon de la machine, cette opération a déjà mis en évidence l’importance de la consommation résiduelle, installations éteintes mais branchées. « Je ne suis pas favorable à la semaine de 4 jours ou au télétravail. Ces pratiques exacerbent les différences entre la production et les bureaux. Mais ce résultat nous invite à réfléchir à une nouvelle organisation du travail. Pourquoi pas une semaine de quatre jours avec des machines qui tournent en 3 × 8 et couper le reste du temps. »

Au-delà de cette approche pratique, Altheora planche sur la décarbonation de ses activités. Le groupe a choisi un dispositif original. Il a réuni un groupe de trente salariés, représentatifs des métiers de l’entreprise, afin d’étudier la question. Ils ont rendu en début d’année une série d’actions avec trois dates échéances : 2026, 2030, 2050, une façon d’impliquer les collaborateurs dans un grand mouvement entrepreneurial.

Une matrice du désir

L’implication des collaborateurs, c’était la grande question posée à Elsa Godart. La philosophe a battu en brèche une idée en vogue. « Une entreprise ne peut pas faire le bonheur de l’individu. Elle peut toutefois inviter à se pencher de manière collective sur la question du désir. » La directrice de recherche de l’université Paris-Est incite les dirigeants « à réveiller la libido entrepreneuriale » de leurs salariés.

Ce regain d’entrain impliquerait une nouvelle éthique de la sphère professionnelle, non plus tourné vers le profit mais vers la création d’une œuvre. « Les ouvriers deviendraient des œuvriers, dont le rôle serait de créer, d’inventer. Pourquoi pas les revaloriser en proposant à ces métiers des formations intellectuelles. »

Un peu l’image du groupe décarbonation d’Altheora, Elsa Godart propose par ailleurs de monter des laboratoires de sciences humaines dans les groupes, des entités qui pourraient aider à mieux comprendre les changements si rapides de ce nouveau monde.