Comment accompagner la demande qui, au plus haut du cycle, reste soutenue sans s’exposer à un éventuel retournement du marché ? Comment anticiper l’évolution des prochaines normes à venir dans le domaine des motorisations ? Comment sécuriser ses acquisitions vis-à-vis des technologies embarquées ? Autant de questions auxquelles les loueurs doivent trouver les réponses afin d’orienter leur investissements en 2019. Les voyants sont au vert chez les loueurs. Au cours de l’année écoulée, le taux d’engagement du parc a progressé. Le coefficient d’utilisation a gagné 3 points, à 56,5%. La durée moyenne de conservation du parc s’est légèrement appréciée, passant de 5,9 à 6,2 années. Parallèlement, le temps nécessaire à sa revente s’est accéléré (3,3 mois en 2018), confirmant le besoin de matériels sur le marché. Dans ce contexte, qui confirme la bonne tenue de l’activité au plus haut du cycle, les deux moteurs de l’investissement en matériel en 2019 sont le renouvellement de la flotte et la croissance de l’activité des sociétés de location. Dans quelle proportion ? Le renouvellement du parc explique la moitié des investissements en matériels, contre le tiers pour le développement de l’activité. De fait, la location anticipant toujours les cycles, le plus fort de la période d’investissement, amplifiée par la loi Macron, a fini de produire ses effets. Déjà en 2018, les ventes totales de matériels aux loueurs se sont contractées de 5%, à 4 125 unités sur le périmètre des petites chargeuses articulées sur pneus, mini et Midi Pelles et matériels de compactage (source Seimat). Globalement, les loueurs restent optimistes sur leurs perspectives pour l’année en cours : plus de 40% ayant l’intention d’augmenter leurs investissements. Parmi les principales familles de produits, les matériels de manutention tout terrain à déport de charge et les chargeuses sur pneus s’affichent comme prioritaires, devant les pelles hydrauliques et les coffrages. Après avoir contribué à la forte progression des ventes en 2017 et 2018, les matériels d’élévation de personnes les plus diffusés, les mini-pelles sur les segments les plus représentés et le matériels de compactage léger marquent le pas. Constructions modulaires, groupes électrogènes, camions de chantier et d’approche chantiers sont également bien orientés.

Comme en 2018, les ventes de groupes électrogènes resteront bien orientées.

Les majors en ordre de marche

Depuis longtemps, la politique d’investissement en matériels du numéro un français et européen de la location s’est affranchie de la conjoncture. L’année en cours ne dérogera donc pas à la règle, les montants investis par Loxam étant en phase avec les perspectives de croissance en 2019. La priorité est donnée à la consolidation du cœur de la gamme du généraliste en France. Elévation de personnes, manutention de charge et matériels de terrassement se partageront l’essentiel de cette manne. A contrario, le transport, les bases vies et le stockage sur chantier seront moins dotés. Parallèlement, le déploiement de la gamme de petits matériels et d’outillage électroportatif est poursuivi. A l’international, les filiales étant autonomes, elles s’adaptent à la conjoncture de leur marché. De fait, Loxam, qui travaille sur le long terme, s’efforce de s’engager auprès de ses principaux fournisseurs sur des volumes pour une période donnée. De quoi sécuriser les approvisionnements sur les lignes de matériels « stratégiques », qui peuvent être sensibles aux évolutions du marché. « Cela nous permet aussi de sécuriser les prix d’achat », commente Thierry Lahuppe, « c’est aussi un levier de compétitivité pour le groupe ».

Thierry Lahuppe, Directeur Matériel du groupe Loxam : "priorité est donnée à la consolidation du cœur de la gamme du généraliste en France"

Comme le rappelle le Directeur Matériel de Loxam, « la priorité est de maintenir l’âge moyen du parc dont la valeur de revente à neuf est supérieure à 3 Mds €, voire de procéder à un léger rajeunissement ». Une approche qui bénéficiera aux principaux fournisseurs « référencés» sur des critères de capacité à déployer du service en France comme à l’international : Volvo CE, Wacker Neuson, Yanmar et, dans une moindre mesure Bobcat, Case et JCB, pour les matériels de terrassement, JCB, Manitou et Merlo pour la manutention pour terrain, Genie, Haulotte, JLG, Manitou pour l’élévation de personne. La filiale anglaise a acquis des nacelles à ciseaux Skyjack et teste les nacelles élévatrices JCB. Dans les trois familles, la typologie des machines reste classique. Les questions de sécurité et d’environnement sont déterminantes dans les arbitrages. En période de transition énergétique, une veille est maintenue sur les motorisations alternatives, le basculement vers le «tout électrique » étant exclu. « Je doute de la capacité de notre réseau à disposer des infrastructures nécessaires en agence, comme celle du chantier à pouvoir gérer les opérations de recharge de ces matériels », tempère Thierry Lahuppe. Maintenant des investissements à niveau élevé, avec pour conséquence de faire baisser l’âge moyen de son parc, Kiloutou budgétise 193 millions d’euros cette année. Une manne qui profitera, en particulier, à trois gammes : les pelles compactes (mini et Midi), les chariots élévateurs tout terrain à déport de charge et les nacelles électriques. Dans une phase de de consolidation et de prise de marchés, le N°2 français n'a pas de baisse de parcs de machines. Parmi ses priorités, les matériels à motorisation électrique, en particulier dans le domaine de l’élévation. Le parc des machines de niche (Brokk et Broele) progressera encore. Toujours sur le segment de la déconstruction, le loueur a équipé des pelles de 3,5 t à 14 t de protection spécifique (plaques et grilles de protection), toutes ses pelles à partir de 2,5 t étant équipées de clapets de sécurité pour faire du levage et de 2 lignes hydrauliques double effets afin de pouvoir installer tout un ensemble d'accessoires ( BRH, fraise, pince de trie, pince de démolition).

En phase d'ouverture d'agence, Salti poursuit ses investissements

Complétant le podium, Salti (86,5 millions €, 40 agences), s’évertue à maintenir un niveau d’investissement relativement constant, « en phase avec l’évolution du marché ». En phase d’expansion, avec des gains de part de marché et des ouvertures d’agences, l’énergie, l’élévation de personne, les matériels TP et les bases vie absorbent la majorité des budgets alloués aux achats. Les principaux bénéficiaires : Genie, Haulotte, JLG et Manitou pour les nacelles automotrices, Ruthmann pour les nacelles grandes hauteurs sur porteur, Atlas Copco, Denyo et SDMO pour les groupes électrogènes de 20 à 700 kV(A). Une bonne anticipation des besoins et un travail dans le long terme avec ses fournisseurs permettent d’accéder à des conditions intéressantes. « La qualité des achats est déterminante », souligne Jean-Sébastien Guiot, président de Salti, « nous veillons également rajeunir le parc dont l’âge moyen a été ramené à 6 ans ». Restant sur les fondamentaux du métier, « la location étant un métier de service », le loueur accorde une importance particulière au taux de réparation, au prix de pièces de rechanges et à la facilité à entretenir les matériels. Réalisant des investissements de renouvèlement, CGL est confronté à des délais de livraisons qui tendent à s’allonger compte tenu de la tension chez les fournisseurs.

Jean-Sébastien Guiot, Président de Salti : " la qualité des achats est déterminante"

Montée en puissance des gammes lourdes

A l’instar d’Enco, dont le parc croît année après année, suivant un modèle économique performant, les spécialistes de la location de matériels de production ont le vent en poupes. C’est également le cas de Liebherr Location France, dont les offres sont de plus en plus plébiscitées. « Si à l’origine location pallie un manque de disponibilité », explique Martin Schickel, « c’est désormais un acte de gestion, la tendance à l’externalisation incitant les exploitant à recourir à cette solution qui leur confère plus de souplesse et plus de réactivité ». Pour répondre à cette demande, la filiale du constructeur allemand, accroît légèrement son parc à 530 machines de production en 2019, dont 260 pelles sur chenilles et sur pneus, 170 chargeuses sur pneus et 25 bouteurs. Les arbitrages répondent à des critères stricts : il s’agit de maintenir à la fois, l’âge moyen du parc à 3 ans et le taux d’utilisation, qui s’est encore amélioré à 66%, la durée moyenne des contrats évoluant peu. Outre la proximité et la disponibilité, l’âge de machine est de plus en plus déterminant. A l’instar des pelles Génération 8, les matériels les plus récents offrent des niveaux de performances supérieurs et une efficacité énergétique inégalée, les clients, qui raisonnent de plus en plus en coût total d’exploitation, étant de plus en plus sensibles à la consommation. Martin Schickel, Directeur général de Liebherr Location France : "le taux d'occupation conditionne la rentabilité, source de profitabilité"

Croissance soutenue aussi pour BM Rent, la filiale de location de Bergerat Monnoyeur,, spécialisée dans la location sans chauffeur qui prévoit d’investir 60 M€ dans des pelles, chargeuses, tombereaux, dumpers, bouteurs Caterpillar. Des matériels bénéficiant des dernières technologies en terme de connectivité ou de consommation de carburant, leur garantissant la meilleure emprunte carbone du marché et un taux d’efficience maximal. « Notre activité de location longue durée connaît une très forte croissance depuis 2015 avec un parc atteignant 750 machines fin 2018 », commente David Crochu, Directeur Grandes Entreprises, Location et Occasion (Bergerat Monnoyeur) « Nous accompagnons le changement de comportement de nos clients qui souhaitent passer de la possession à l’usage pour tout ou partie de leurs matériels, réservant leurs capacités d’investissement à des assets dits stratégiques ou à la croissance externe". Parallèlement, le loueur entend bâtir un réseau de 6 à 8 agences, disposant chacune d’une cinquantaine de machines, autour des grandes métropoles pour la location courte durée.David Crochu, Directeur Grandes Entreprises, Location et Occasion de Bergerat Monnoyeur : "nous prévoyons de doubler la flotte d'ici 2024"

Externalisation des VI

Matériel de servitude ou de production, avec ou sans opérateur, l’économie de l’usage gagne du terrain. Au-delà des matériels de chantier, les véhicules industriels amorcent également leur virage. Les évolutions technologiques et le besoins de flexibilité exprimés par les exploitants tirent la demande. L’enjeu consommation est également déterminant. Les fabricants de camions l’ont compris qui, à l’instar de Scania ou Volvo Trucks proposent des solutions adaptées. Avec un résultat supérieur de 6% aux prévisions, Volvo Truck Rental a fortement progressé au cours de l’année dernière. L’activité restant à la hausse, le loueur spécialisé dans les véhicules industriels investit en conséquence : sa flotte pour les activités de location courte, moyenne et longue durée devrait s’apprécier de 30% à fin 2019. De nouvelles solutions vont également être proposées sur le marché, avec l’arrivée de camions en location motorisés par des énergies alternatives pour les gammes FM et FH gaz GNL, générant près de 40% d’économies à productivité équivalente. Des véhicules livrés clés en main, en « full service », dont la gestion externalisée du camion et de ses équipements permet de se concentrer sur son cœur de métier. Comme pour les matériels de chantier, les exploitants sont sensibles à la préservation de leur capacité d’investissement et la flexibilité totale apportée par ces solutions pour répondre aux variations de leurs besoins de capacités et de types de véhicules.

Le porteur est le coeur de métier de Clovis Location

Avec 18 000 véhicules en service au travers de son réseau de franchisés, dont 20% carrossés pour les TP, Clovis Location bénéficie aussi de la conjoncture porteuse de la filière. Bennes, grues auxiliaire, malaxeur à béton et ampliroll sont les équipements les plus couramment proposés sur des porteurs avant de 3,5 t à 32 t. Le spécialiste de la location longue durée, soit 12 mois et plus, « full service », dont le nombre de plaque a progressé de 11% l’année dernière, poursuit ses investissements sur son cœur de métier : le porteur. Les investissements programmés, en hausse de 10%, doivent permettre d’alimenter le réseau. Détenu à hauteur de 40% de son capital par Renault Trucks, les gammes « chantier » et « approche chantier » de l’industriel bénéficieront en partie de ces achats. Comme pour chaque marché, le loueur a acquis une culture « métier », indispensable pour appréhender l’usage, en enjeux de disponibilité et les conditions opérationnelles. Chaque véhicule correspond ainsi à un cahier des charges rédigé avec le client et dont l’équipement est confié, localement, à différents carrossiers. Du « sur-mesure », clé de la réussite pour les véhicules industriels comme pour les matériels de TP. Nathalie Taillefer, Directrice générale de Clovis Location : « Dans un métier installé comme le sont les TP, les grands comptes constituent un passage obligé ».

Full Service

Au-delà de l’offre produit, Scania commercialise une offre de location via Scania Rent. Un service « full service », que l’industriel a élaboré de façon « sur mesure, clé en mains, adaptée à la diversité des activités et la multiplicité des clients ». « Nous y avons intégré tout ce que Scania sait faire de mieux », résume Bayram Kilic, responsable de l’activité location de Scania France, « à l’image d’autres secteurs d’activité, nombre de nos clients veulent maîtriser leurs coûts de transport et privilégient la location à l’achat". Outre la configuration du véhicule, le choix de la carrosserie et des équipements, le véhicule, est personnalisé aux couleurs du loueur et sa maintenance comme sa réparation sont incluses dans le contrat. Tracteurs, porteurs avec bras, benne, plateau grue, malaxeurs, … sont proposés. Si le châssis et la carrosserie sont configurables à la demande, la motorisation est également personnalisable, l’industriel proposant des alternatives bioéthanol, gaz, biodiesel, hybride,… permettant de répondre aux clients soucieux de réduire leur empreinte carbone. J-N.O Dron Location : Investissements par anticipation Après avoir maintenu un niveau d’investissements élevé en 2018, le loueur accélère en renforçant ses achats de groupes électrogènes. L’enjeu : limiter l’impact des motorisations. Incontournable dans le domaine de la production d’énergie sur chantier, Dron Location renforce sa gamme de groupes électrogènes de puissance intermédiaire (de 250 à 750 kVA). « L’arrivée des configurations motorisées conformément à la Norme Stage 5 va induire une augmentation des prix d’achat de l’ordre de 30% qu’il sera difficile à répercuter », prévient Philippe Massieux, Président de Dron Location, « il faut également prendre en considération le gabarit et le poids des nouveaux groupes qui bouleverse la logistique en divisant par deux les capacités de transport ». Les fournisseurs habituels (Atlas Copco et SDMO Kohler), bénéficieront de cette manne, l’industriel suédois travaillant sur des solutions mixtes qui intéresse l’exploitant. « Nous sommes toujours à l’affut d’amélioration et d’innovation, que nous initions souvent, et qui permettent de se démarquer, par exemple en surveillant à distance la production effective de nos groupes ». Une partie de l’investissement est également destinée à l’acquisition de cantonnements de chantier, « du niveau de confort et d’équipement d’une caravane de loisir et que nous voulons autonome en énergie ». L’implantation de traceur autonome, est également programmée. A la fin de l’année chaque item du parc sera ainsi géolocalisé. Un enjeu fort pour la société qui réalise la moitié de son chiffre d’affaires sur ce segment.Philippe Massieux, Président de Dron Location : "cette année, nos investissements progressent de l'ordre de 20%" J-N.O